Difficile de les manquer lorsqu’on se balade sur le front de mer à Liverpool, à l’embouchure du fleuve Mersey. Perchés au sommet du beau Royal Liver Building, deux immenses oiseaux de cuivre, de 5,5 mètres de haut, dominent la ville. Ce sont les Liver Birds, devenus, avec le temps, symboles de la cité. On retrouve leur image un peu partout à Liverpool. Mais pourquoi donc et que sont-ils exactement?
Première remarque. Vous ne verrez pas de « Liver Bird » dans la nature. L’expression ne fait référence à aucun animal réel mais est le nom donné à la créature – s’apparentant tantôt à un aigle, tantôt à un cormoran – largement représentée (sur les édifices, les armoiries de la ville, le logo du Liverpool FC…) dans la cité des Beatles. « On estime à environ 200 le nombre de bâtiments, autour du centre-ville, à arborer un Liver Bird », indique John Corbett, guide à Liverpool.
L’expression est bien sûr à mettre en lien avec le nom de la ville. Le mot « liver » viendrait de l’ancien anglais « lifer » signifiant « eau bourbeuse » (le « pool », assez explicite, se référerait à un ancien cours d’eau qui se jetait autrefois dans le fleuve Mersey que borde Liverpool). Ou bien aurait peut-être aussi des origines galloises. « Nous ne sommes ici pas très loin du Pays de Galles », souligne le guide britannique.
La plus vieille représentation d’un Liver Bird dont l’on dispose remonte au 14ème siècle. L’oiseau paraît sur le sceau de la ville et ressemble ici à un rapace… Référence, dans ce cas, à l’aigle de saint Jean et, surtout, au roi Jean d’Angleterre qui fonde officiellement Liverpool en 1207. L’animal porte une branche dans son bec : du genêt. « Jean était de la famille des Plantagenêts (originaires de France, ndlr) », précise John Corbett.
En 1797, les armoiries de la ville donnent à voir une version différente du Liver Bird. L’oiseau y prend l’apparence d’un cormoran – entouré du roi Triton et de Neptune, dieu romain de la mer –, portant ce qui ressemblerait plus ici à une algue, aussi appelée « laver »… En référence, cette fois, au contexte maritime qui entoure la cité.
« C’est à ce moment-là que le Liver Bird devient un symbole officiel de Liverpool, raconte John Corbett. Et va peu à peu être adopté tout au long du 19ème siècle. » Au 18ème, la richesse de la cité était liée à la terrible traite transatlantique… abolie en 1807 par le Parlement britannique. L’argent de ce commerce fut placé dans les banques et les assurances. « D’importants bureaux furent construits en centre-ville. Beaucoup d’établissements commerciaux arboraient un Liver Bird. »
En 1907, un grande fête est organisée pour le 700ème anniversaire de la fondation de Liverpool. « On a des images de l’événement. Et on peut voir des défilés avec des représentations de Liver Birds empaillés et des enfants déguisés en Liver Birds », raconte le guide. C’est aussi à cette époque qu’est construit l’impressionnant Royal Liver Building, siège d’une importante compagnie d’assurance. A son sommet, sont donc érigés deux majestueux oiseaux de cuivre, « censés protéger à la fois la cité et les marins revenant au port ».
D’autres Liver Birds sont ainsi à voir dans la ville. « On en trouve notamment sur les bâtiments qui abritaient des compagnies maritimes. » A l’instar de l’étonnant spécimen, de couleur blanche, perché sur l’édifice des Mersey Chambers, construit pour la Harrison Shipping Line, fin 19ème. Ou bien de l’oiseau exposé au Musée de Liverpool, qui constituait le fronton de l’ancienne Maison de Marins, démolie en 1974. Un Liver Bird orne aussi l’entrée des Bluecoat Chambers, ancienne école et désormais galerie d’art.
Sans oublier l’animal sur le logo du Liverpool Football Club, lequel a fait l’objet de controverses, le club ayant cherché – et réussi, en 2010 – à protéger légalement sa version du Liver Bird, créant des mécontentements, notamment chez certains supporters d’Everton (l’autre grand club de la ville), qui y voyaient un accaparement de l’emblème local. Soulignant d’autant son importance pour les Liverpooliens…
Envie d’en savoir plus ? Une idée de lecture, The Little Book of Liver Birds de David Cottrell, vous permettra d’approfondir le sujet.