Vous avez peut-être déjà remarqué, en vous baladant dans un des parcs de Londres (ou ailleurs au Royaume-Uni d’ailleurs), des plaques en bronze apposées sur certains bancs, commémorant une personne disparue, un événement ou simplement reprenant une citation célèbre. Mais d’où vient cette tradition qui peut coûter très cher ?
Il existe plusieurs hypothèses sur les origines de cette tradition très anglo-saxonne (cela existe aussi aux Etats-Unis). Au Royaume-Uni, si la plus récurrente serait que l’origine de ces dedication benches ou memorial benches remonterait à l’après-Première Guerre mondiale pour rendre hommage aux soldats tombés au front, pour certains historiens, elle daterait de l’époque victorienne. En effet, Jenifer White d’English Heritage confie qu’il existe des bancs à Patterdale (dans le Lake District) qui célèbrent le jubilé de diamant de la reine Victoria, célébré en 1897, et même un banc datant de 1881 sur l’île de Wight. “Cela montre que l’idée en elle-même était au moins d’actualité à l’époque », confie-t-elle au site Kentishtowner, “et l’esthétique des cimetières de l’après-Première Guerre mondiale ainsi que le développement des jardins du souvenir ont dû stimuler l’idée d’autres formes de mémorialisation”.
Ces memorial benches se seraient ainsi popularisés il y a tout juste 100 ans, à la fin de la Première Guerre mondiale. Les familles installaient alors un banc dans un lieu public en souvenir d’un proche qui n’était pas revenu du front. Depuis, cette tradition a grandi au Royaume-Uni : qui se souvient encore de la scène du film “Coup de foudre à Notting Hill”, où Hugh Grant et Julia Roberts découvrent un banc à la mémoire d’un couple très amoureux, qui passait son temps assis là ? De quoi populariser davantage cette forme d’hommage… Mais impossible de dire combien de memorial benches existent vraiment dans toute l’île, aucun chiffre officiel n’étant disponible.
La plupart du temps, ce sont les municipalités qui ont la charge de ces bancs mémoriels. Chacune appliquent ses propres règles, comme par exemple sur ce qui peut figurer sur l’inscription. Ainsi, le council d’Hackney (qui propose aussi des arbres mémoriels) est très rigide sur la formulation, autorisant uniquement “À la mémoire de…”, accompagnée du nom de la personne et les dates de sa naissance et de son décès. “D’autres formulations similaires peuvent être approuvées à la discrétion du conseil, par exemple “Un papa/une maman spécial, toujours dans nos pensées”…”, explique la municipalité du nord de Londres, ajoutant qu’en revanche “les poèmes ne sont pas autorisés”. Dans le council d’Islington, les choses sont plus flexibles et les personnes peuvent choisir le texte qu’elles souhaitent. D’autres municipalités font également ce choix de laisser un peu plus de liberté, permettant de découvrir parfois des messages très drôles, comme dernièrement à Bristol. “Pour mon amour / mari, père, époux adultère. Oui, Roger, je le savais”, pouvait-on ainsi lire sur la plaque d’un banc du Royal York Crescent.
Bien évidemment, les inscriptions considérées comme non appropriées peuvent être refusées, comme l’indique la municipalité de Kensington and Chelsea. Il y a six ans, une plaque avait d’ailleurs fait polémique du côté de Redbridge, dans l’est de Londres. Des résidents avaient été effarés après avoir découvert qu’une plaque à la mémoire du dictateur irakien, Saddam Hussein, avait été apposée sur un des bancs du parc de Wanstead. Le Ville avait alors affirmé n’avoir jamais donné sa permission pour installer une telle plaque, et l’a rapidement retirée.
Les différences entre les municipalités peuvent aussi se porter sur les bancs eux-mêmes. A Hackney, l’harmonisation visuelle est primordiale, et les bancs “doivent être du type et de la couleur précisés par la mairie afin d’être coordonnés avec tout autre banc déjà situé à l’endroit prévu”. À Islington, c’est le council qui fournit le banc, tout comme à Kensington and Chelsea, qui le choisit selon le parc où il sera installé.
Outre les councils, des associations, comme celle de Royal Parks, qui s’occupe des huit parcs royaux de Londres, à savoir Hyde Park, Kensington Gardens, The Regent’s Park et Primrose Hill, St James’s Park, Greenwich Park, Richmond Park, Bushy Park ainsi d’autres espaces verts importants de la capitale, notamment le cimetière de Brompton, peuvent gérer ces memorial benches. “Sur ces sites, nous entretenons quelques centaines de bancs dédiés à la mémoire des proches et à la célébration d’événements spéciaux ou d’anniversaires”, explique l’association. La démarche est plus encadrée, s’agissant de parcs classés.
Ainsi, les bancs ne peuvent être installés qu’à certains endroits, “ce qui signifie que les disponibilités sont souvent limitées”, souligne The Royal Parks, qui ajoute qu’”il n’y a actuellement aucune liste d’attente pour les parcs de Richmond, Bushy, St James ou le cimetière de Brompton”. Car devant la popularité de ces memorial benches, il faut parfois être très patient, les offres dans certains lieux spécifiques étant très limitées.
La durée de la concession diffère selon les municipalités et les associations comme The Royal Parks, où par exemple, elle est valable dix ans, date à laquelle elle peut être renouvelée. A contrario à Islington, la concession n’a pas de limite. “De nombreux bancs de nos parcs ont plus de 30 ans”, détaille la municipalité, “cependant, si le banc est endommagé ou s’il devient peu rentable de le réparer, nous le retirerons afin de maintenir un environnement sûr pour les utilisateurs du parc”.
A Kensington and Chelsea, la durée est entre 15 et 20 ans, mais sans aucune garantie, précise le borough. “Une fois qu’un banc a été retiré, il n’y a pas de droit automatique au renouvellement”. L’espace peut être remis à disposition. “Si la personne souhaite acheter un nouveau banc, cela sera traité comme une nouvelle demande et elle sera placée sur la liste d’attente le cas échéant”, précise la municipalité de l’ouest de Londres.
Le prix de la location n’est pas donné. Le montant est fixé selon les councils ou les associations. Ainsi à titre d’exemple, à Islington, il faut compter entre £850 et £1,000 ; à Kensington and Chelsea, 1,180 £, incluant la livraison et l’installation ; à Camden, entre £1,770 et £2,850 ; à Lambeth, entre £1,000 et £2,500 ; à Tower Hamlets, entre £750 et £1,250 si le banc est inclus ; à Westminster £1,336.20. Un coût très élevé pour une concession valable en moyenne 10 ans, mais moins que si le banc se trouve dans un des parcs royaux londoniens. “Nous demandons £7,500 pour un banc à Richmond Park, Bushy Park ou au cimetière de Brompton, et £10,000 pour les parcs du centre de Londres”, détaille The Royal Parks, ajoutant, “nous avons également la possibilité de réserver des bancs à Bushy Park et à Greenwich Park, pour lesquels nous demandons une contribution de £5,000”. Par ailleurs, dans certains endroits de Greenwich Park, le prix de la concession peut s’élever à £15,000.
L’association The Royal Parks explique qu’un quart du coût sert à l’achat et à l’entretien des bancs dans les parcs royaux, “contribuant ainsi à rendre les espaces dont nous avons la garde plus accessibles à tous”. Les 75% restants contribuent aux coûts plus larges de fonctionnement et d’entretien des parcs. “La générosité de nos donateurs aide à l’aménagement et l’entretien des terrains de jeux, des étangs, des jardins et des centres d’apprentissage”. Pour Greenwich Park, les £15,000 demandés permet de soutenir le projet caritatif Greenwich Park Revealed, qui vise à restaurer le paysage du parc du XVIIe siècle, à ouvrir de nouvelles installations d’apprentissage communautaires et à planter 2,000 arbres et arbustes indigènes, diversifiés et respectueux de la faune.