Immigrer au Royaume-Uni est une expérience gustative remplie de surprises. Le pays regorge de produits étonnants, parfois goûteux, parfois douteux. Les palais français s’insurgent amèrement contre les subtilités umami du Marmite, crient à l’ignominie à la vue d’une boîte Bisto de gravy en granules et boycottent activement les beans on toast Heinz. Mais qu’en est-il de l’Irn-Bru ?
Nombreux sont les Français établis en Grande-Bretagne à ignorer l’existence de l’Irn-Bru (à prononcer « iron brew »), soda écossais dont la réputation n’est plus à faire au Royaume-Uni. Cette boisson gazeuse à la couleur du cuivre fait l’unanimité en Écosse, son goût proche du bubble gum, du gingembre et du citron intrigue et suscite la sempiternelle réaction des Français du Royaume-Uni : « c’est chimique ! ». Prenez garde, les Écossais défendent ce trésor national bien plus farouchement que la couronne d’Angleterre. Accompagnée d’un sandwich de saucisse carrée, autre spécialité écossaise méconnue, une canette d’Irn-Bru promet une immersion complète en terre écossaise.
L’Irn-Bru est à l’Écosse ce que le pastis est à Marseille, une exception régionale dont tous les habitants sont fiers. Inventée en 1901 pour abreuver les ouvriers sidérurgistes de la gare de Glasgow, l’Irn-Bru fait pleinement partie de l’histoire sociale de l’Écosse. Les ouvriers de la gare étant jadis réputés pour leur forte consommation de bière sur les chantiers, le fabricant A.G. Barr a concocté une boisson riche en caféine et en sucre pour leur permettre de venir à bout leur journée de travail, sans alcool.
L’ancrage géographique et historique de la marque lui permet de jouir d’une réputation si grande qu’une rumeur folle court dans le pays et à l’international depuis de nombreuses années. Alors que la boisson la plus consommée à travers le monde est le Coca-Cola, l’Écosse serait le seul pays où la consommation d’Irn-Bru dépasserait celle de la marque américaine. Si l’information n’est pas vérifiée ni confirmée par des données chiffrées comme le précise Fraser Clarke, un représentant de la marque Irn-Bru, vingt canettes d’Irn-Bru seraient vendues chaque seconde dans le pays.
La boisson, originellement appelée « Iron Brew » (infusion de fer), a été nommée « Irn-Bru » après la Seconde guerre mondiale. Une loi sur les produits de la consommation exigeait que le nom donné aux produits alimentaires reflétât leur contenu. Le citrate d’ammonium ferrique faisait bien partie des ingrédients de cette boisson légendaire, mais il ne s’agissait pas d’une infusion. Iron Brew ou Irn-Bru, la popularité de la marque prospère en Écosse.
Connues pour leur humour excentrique et effronté, les campagnes de publicité télévisées Irn-Bru sont aussi célèbres que le monstre du Loch Ness en Écosse. Preuve en est, la marque a obtenu la récompense du « meilleur slogan des 21 dernières années » en 2007. Le slogan en question a marqué les esprits de nombreuses générations « Irn-Bru, boisson nationale fabriquée en Écosse à partir de poutrelles » (« Your other national drink, made in Scotland from girders »). Ses spots publicitaires, aussi bien loufoques que déjantés, sont fidèles aux origines de la boisson. Depuis plus de 120 ans, Irn-Bru a pour vocation d’aider les consommateurs à traverser une journée difficile, qu’il s’agisse d’un dur labeur ou d’un mal de cheveux prononcé.