Les Français de Londres le remarquent assez vite. Les écureuils, dans cette partie-ci du Royaume-Uni, n’ont pas tout-à-fait la même couleur que ceux que l’on voit généralement en France. Ils sont gris – au lieu de roux – et sont légèrement plus gros. Les observateurs attentifs noteront par ailleurs qu’ils n’ont pas de petites touffes de poils s’échappant de leurs oreilles, contrairement à ce que l’on voit parfois chez les écureuils continentaux… C’est normal, puisqu’il ne s’agit pas de la même espèce.
Les écureuils gris appartiennent au genre “sciurus carolinensis” (“l’écureuil de Caroline”) et proviennent initialement d’Amérique du Nord. Ils ont été importés comme animal d’agrément au XIXème siècle, en Grande-Bretagne. Certains ont été directement relâchés dans la nature. Parfaitement adaptés à leur nouvel environnement et au climat local, ils ont proliféré. A contrario, les écureuils roux – qui répondent au nom latin de “sciurus vulgaris” – sont, eux “natifs”, originaires d’Europe.
Introduits en divers endroits du pays, les écureuils de Caroline se sont approprié l’espace un peu partout au Royaume-Uni. Jusqu’au Pays de Galles mais aussi au nord de l’Angleterre, au sud et au centre de l’Ecosse ou encore en Irlande.
Une progression particulièrement importante et qui s’est déroulée en peu de temps. De quelques individus au XIXème siècle, ils seraient aujourd’hui près de 2,7 millions en Grande-Bretagne. Et plus encore, l’écureuil gris serait désormais la principale espèce du pays, son cousin roux ne se comptant actuellement qu’en milliers (287.000 environ) d’individus, principalement situés en Ecosse.
(Photo ci-dessus : L’évolution de la répartition des écureuils gris et roux de 1945 à 2010 au Royaume-Uni. Crédit photo : Red Squirrel Survival Trust)
Une situation qui expliquerait son impopularité auprès de bon nombre de Britanniques. Car, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, l’écureuil gris n’est pas très apprécié au Royaume-Uni. Le déclin de l’écureuil roux, l’écureuil “originel” de la région, lui étant en grande partie imputé (*). “Les écureuils gris sont en compétition avec les roux pour ce qui est de la nourriture et de l’habitat et ils sont plus habiles, affirme-t-on aux associations de protection de la nature Wildlife Trusts. Ils sont également porteurs d’un virus (contre lequel ils sont immunisés) qui est normalement fatal aux écureuils roux.” L’animal serait par ailleurs jugé responsable de pas mal de dommages au niveau des arbres qui coûteraient chaque année plusieurs millions de pounds à l’industrie du bois et lui vaudraient donc aussi l’inimitié des exploitants forestiers.
Considérés comme une espèce invasive, les “écureuils de Caroline” ne bénéficient donc pas de protection au Royaume-Uni. Il est interdit d’en relâcher dans la nature, en Angleterre (y compris pour les centres de sauvegarde de la faune sauvage) et en certains endroits où ils commencent notamment à empiéter sur le territoire des écureuils roux, leur nombre peut malheureusement être “contrôlé” et des moyens létaux employés. Des recherches sont néanmoins menées afin de mettre au point un système de “contraceptif oral” qui permettrait de limiter la croissance des populations d’écureuils gris de manière plus douce.
(Crédit photo ci-dessus : Theo Louis)
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(*) Certaines associations de défense des animaux arguent néanmoins que les populations d’écureuils roux avaient déjà été grandement fragilisées par l’Homme (les déforestations, qui avaient notamment conduit à une réintroduction d’individus venus du continent à la fin du XVIIIème, début du XIXème siècle, mais aussi la chasse, l’écureuil roux ayant lui aussi eu le statut de “nuisible” par le passé)
Et en France ?
L’écureuil gris n’est pas encore présent dans l’Hexagone mais des scénarios prévoient son arrivée par l’intermédiaire de colonies déjà établies en Italie.