Ce n’est plus un secret pour personne : vivre à Londres coûte très cher. Entre les loyers, les factures et la council tax (taxe d’habitation), la note monte très vite tous les mois. Et ça ne va pas en s’arrangeant ! D’après l’Office for National Statistics (ONS), les loyers n’ont de cesse d’augmenter en Angleterre depuis 2015, et à un rythme accéléré depuis 2022. À Londres ces dix dernières années, ils ont même avalé en moyenne 40% à 57% des salaires de chaque ménage, alors que l’ONS considère un logement « abordable » lorsqu’il n’absorbe que 30% ou moins du revenu de ses locataires.
Une estimation également partagée par l’organisme Generation Rent, qui conseille les locataires sur leurs droits et agit comme un lobby auprès du Parlement pour introduire des lois en leurs faveurs. « Personne ne devrait avoir à dépenser plus de 30% de son salaire dans le loyer », souligne le responsable des campagnes, Nye Jones, ajoutant que le problème s’étendait même au-delà de la capitale et pouvait engendrer plusieurs formes de pauvreté. On parle alors de « rent poverty ». « Ça peut avoir un impact humain réel, comme des enfants forcés de sauter des repas ou des personnes âgées ne pouvant se réchauffer ».
Alors comment expliquer cette hausse constante ? Une série de facteurs s’en trouvent à l’origine, à commencer par la réduction du nombre de logements sociaux accessibles en raison de la hausse des demandes et des rachats de plus en plus nombreux de ces logements par des particuliers grâce au programme Right to Buy. « La liste d’attente à Londres pour ce type de logements n’a jamais été aussi longue en dix ans, avec plus de 300.000 foyers sur liste d’attente », indique Nye Jones. Un fait qui force de plus en plus de locataires à se tourner vers le marché privé, où le taux de demandes élevé contribue à l’augmentation des loyers conformément à la logique économique du marché.
Une autre source du problème réside dans le manque d’encadrements des loyers. « Les locataires ont très peu de protection et de droits pour contester les augmentations de loyer », constate le responsable des campagnes de Generation Rent. Un problème d’autant plus complexe à Londres, où les demandes de logements ne diminuent pas en raison de l’attrait de la capitale pour les travailleurs.
Si l’actuel gouvernement travailliste semble résolu à modifier certaines lois en faveur des locataires, comme la section 21 « No Fault Eviction » du 1988 Housing Act (droit des propriétaires d’expulser leurs locataires sous quelques mois sans raison), la question du montant des loyers reste en suspens.
Et pour cause : l’État maintient une certaine inquiétude vis-à-vis de la réaction des propriétaires face à l’introduction de plafonds mesurés en fonction de l’inflation et des revenus. « Le gouvernement semble d’avis qu’un plafonnement des loyers serait mauvais pour les locataires puisque les propriétaires seraient amenés à quitter le marché », explique Nye Jones, tout en précisant que Generation Rent « rejette cette hypothèse » sur la base des schémas de plafonnements observés à l’étranger.
« Même si un propriétaire quitte le marché, le logement peut être racheté par un primo-accédant ou un investisseur répartissant les charges sur plusieurs propriétés », estime Nye Jones. En attendant que la situation se débloque au niveau national, Generation Rent espère voir un jour le gouvernement « déléguer ce pouvoir » aux maires de grandes villes, où les loyers sont particulièrement élevés. « Certains élus comme Sadiq Khan, le maire de Londres, aimeraient introduire une forme de contrôle des loyers, mais il n’en a pas le pouvoir ».