British Museum, National Gallery, Tate Modern… Dans la capitale anglaise, les musées “publics” ouvrent leurs portes gratuitement aux visiteurs. Mais pour quelles raisons ?
Il faut remonter en décembre 2001. A cette époque, le gouvernement britannique travailliste dirigé par Tony Blair a décidé de rendre gratuite l’entrée dans les musées publics de Londres, mais aussi plus largement du Royaume-Uni. “Il est important que tout le monde ait accès à nos collections nationales”, rappelait encore un rapport rendu en 2016 sur le sujet. “Cela donne non seulement aux gens la possibilité de découvrir de belles choses tout en s’éduquant, mais ça agit aussi comme une attraction majeure pour les touristes et les autres visiteurs, ce qui est bon pour l’économie.”
Effectivement depuis cette décision, le nombre d’entrées dans les musées a explosé. Entre 2001 et 2016, le chiffre correspondant aux visites autrefois payantes a augmenté de 184%, selon le gouvernement. Une hausse impressionnante qui se traduit par un chiffre record de 47 millions d’entrées enregistrées dans les galeries et musées nationaux entre 2015 et 2016.
Si cette mesure a été rapidement acquise, elle restera toutefois fragile politiquement. En effet en 2005, ce droit avait été remis en question au sein même du British Museum, musée emblématique de Londres par sa gratuité mise en place, pour sa part, dès son ouverture en 1759. Les conservateurs du lieu ont été amenés à décider s’ils souhaitaient voir ce dernier devenir payant.
En total désaccord avec ce vote, le directeur du British Museum Neil MacGregor avait alors pris sa plume pour écrire un plaidoyer publié dans l’hebdomadaire Courrier International : “Notre vrai patrimoine, ce ne sont pas seulement les objets exposés dans nos musées et nos galeries, mais aussi la tradition qui veut qu’ils appartiennent à tous.” Pour lui, “faire payer l’entrée encourage les gens à rester pour qu’ils en aient pour leur argent, alors même que leur capacité de dialogue avec les objets exposés est depuis longtemps érodée”.
Se rendre au musée devrait donc être un moment de découverte et de détente, et non un moment guidé par le prix déboursé pour la visite. Ainsi, il demeure essentiel pour les défenseurs de cette gratuité de permettre aux promeneurs d’être en capacité d’y avoir accès quand ils le souhaitent. “Aujourd’hui, dans le centre de Londres, si les gens ont dix minutes à tuer, ils font un saut à la National Gallery, ne serait-ce que pour y admirer un seul tableau. Les visites courtes sont en général plus mémorables, plus satisfaisantes et plus enrichissantes“, ajoutait Neil MacGregor dans son texte.
Pour maintenir cette gratuité, les ressources financières des musées proviennent en grande partie de fonds venant du Département Culture, Média et Sport (DCMS) du gouvernement. Interrogé, l’Imperial War Museum confie d’ailleurs qu’entre 2017 et 2018 ces fonds publics représentent 38% de ses revenus globaux.
De plus, même si l’entrée des musées est gratuite, les expositions dites “temporaires” elles demeurent payantes, ce qui permet ainsi de renflouer les caisses. Les boutiques souvenirs comme les urnes à donation disposées dans les lieux contribuent également à amortir les frais de fonctionnement. Autre source de revenus : le mécénat. En effet, certaines grandes entreprises n’hésitent pas à financer des expositions ou à offrir une contribution annuelle aux musées.
A noter également le programme Acceptatance in Lieu (AiL) par lequel l’Etat britannique incite les collectionneurs ou autres à donner des objets ou œuvres d’arts en contrepartie de réductions d’impôts (sur le transfert de capitaux ou les droits de succession). Enfin, toujours dans la même démarche de minimisation des coûts de fonctionnement, les musées font aussi appel à des bénévoles pour accueillir le public le week-end notamment.
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Cette question bête avait été initialement publiée en août 2018.