La question peut se poser au vu de sa situation géographique. L’île de Man – “Isle of Man” en anglais – est une petite île localisée en pleine mer d’Irlande, à mi-chemin entre l’Irlande du Nord et le nord de l’Angleterre (au niveau du Lake District National Park). Entourée de terres britanniques… Mais avec un statut particulier.
On y parle anglais, l’île – d’environ 570 kilomètres carrés, avec une population de près de 85.000 habitants – est toute proche de la Grande-Bretagne (l’extrémité nord, Point of Ayre, n’est qu’à une vingtaine de kilomètres du sud de l’Écosse), ses habitants ont le passeport britannique… Pourtant celle-ci ne fait pas partie intégrante du Royaume-Uni. Elle jouit d’une autonomie politique et il s’agit en réalité d’une “dépendance de la Couronne” (« Crown dependency »), au même titre que les îles anglo-normandes de Jersey et Guernesey.
“L’île de Man n’a jamais fait partie du Royaume-Uni”, précise David Killip, président de la Guild of Manx Registered Tour Guides. Pas réellement. Le territoire a longtemps été occupé par les Celtes avant d’être colonisé par les Vikings jusqu’à la mort du dernier “Norse King of Man”, au XIIIème siècle. “Ces Vikings-ci venaient de Norvège. L’île a longtemps fait partie d’un royaume incluant les îles écossaises, de l’ouest et du nord et qui était donc globalement dirigé depuis la Norvège.”
En 1266, l’île est cédée à l’Écosse. Puis l’Angleterre l’acquiert, sous le règne d’Edouard 1er. Sa propriété va alors être transférée à différents aristocrates britanniques – notamment appelés les “Lords of Man” – contre paiements à divers monarques. Mais lorsque le problème de la contrebande se pose de manière trop importante sur le territoire, au XVIIIème siècle (les taxes sur les marchandises arrivant sur l’île étant plus faibles que sur les côtes adjacentes), les ducs d’Atholl, alors “Lords of Man”, sont contraints de revendre leurs droits à la Couronne.
L’île n’a pour autant pas été annexée au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. “Ce que le gouvernement britannique voulait, c’était mettre fin à la contrebande – le rachat des droits de ‘Lord of Man’ permet de placer le territoire sous le contrôle douanier du royaume, ndlr –, sinon ils n’avaient pas de réel intérêt pour l’île”, indique David Killip. En 1866, le Tynwald, assemblée législative historique mannoise, reçoit un peu plus de pouvoir en matière de collecte de taxes et de capacité de dépenses. Une partie de ses membres commencent à être élus…
Plus de prérogatives seront laissées aux autorités locales au fil des ans. Aujourd’hui, pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont presque intégralement contrôlés par les Mannois. Défense et affaires étrangères relèvent toutefois de la compétence des autorités britanniques, lesquelles ont par ailleurs toujours la responsabilité de veiller, de manière générale, à la “bonne gouvernance” du territoire. Il faut donc l’assentiment de la Reine – ultime cheffe d’État de l’île de Man –, représentée en local par un “Lieutenant Gouverneur”, pour valider des lois.
Lequel “assentiment royal” est bien sûr généralement donné. Le dernier cas de refus remontant, d’après David Killip, aux années 1960, moment où la BBC avait le monopole de la diffusion radiophonique au Royaume-Uni et où les autorités britanniques s’opposèrent donc un temps à l’établissement de radios commerciales sur l’île de Man… Un fonctionnement particulier, donc, caractérisé par une très forte autonomie sans pour autant avoir l’indépendance totale d’un état souverain.