Au cours des 18 derniers mois, la trottinette électrique est devenue monnaie courante dans de nombreuses villes des États-Unis et d’Europe. Mais en Grande-Bretagne, des personnes ont été poursuivies pour en avoir utilisé sur les routes et les voies publiques. En octobre dernier à Cleveland dans le nord-est de l’Angleterre, un garçon de 15 ans s’est par exemple vu retirer six points sur son futur permis de conduire pour avoir roulé en trottinette électrique. Mais pourquoi est-il interdit de circuler avec ?
En l’état actuel de la loi britannique, conduire une trottinette électrique sur le trottoir est une infraction au Highway Act de 1835, tandis que l’utiliser sur la route est une infraction au Road Traffic Act de 1988, sauf si vous avez un permis de conduire, une assurance, un casque et une plaque d’immatriculation, ce que la DVLA (Driver and Vehicle Licensing Agency, ndlr) refuse de prévoir pour la trottinette électrique.
Comme cette dernière est alimentée en partie par un moteur à batterie, elle est donc classé PLEV (Personal Light Electric Vehicle) par le ministère des Transports (DfT), ce qui rend son utilisation illégale sur les routes et trottoirs britanniques. Cependant, il est légal d’utiliser une trottinette électrique sur des terrains et propriétés privés comme c’est le cas par exemple du côté du parc olympique de Londres. C’est cette classification spécifique qui rend la réglementation autour de la trottinette électrique ambiguë. Ce ne sont ni des vélos, ni des trottinettes normales mais ce ne sont pas non plus des scooters.
Depuis peu, les consommateurs et les entreprises comme Lime font pression sur le Royaume-Uni pour que celui-ci suive le rythme des autres pays. De plus, la volonté du gouvernement à trouver des modes de transport alternatifs plus verts, plus propres et moins chers suscitera peut-être un changement au niveau des textes. Mais la loi britannique reste tout de même réticente à ce genre de véhicule et surtout au principe de libre-service qui a envahi les grandes villes européennes et surtout Paris, qui ne restreint quasiment pas le nombre de trottinettes électriques autorisées.
Pourtant le marché est réel et existe déjà à Londres. Le Français Kevin Nakache s’est, par exemple, installé dans la capitale anglaise en octobre dernier avec son entreprise Scootisfaction. Celle-ci propose aux clients londoniens d’acheter des trottinettes électriques de la marque chinoise Xiamoi. Comment font donc ses clients pour utiliser leur nouvel achat dans les rues de Londres ? “Il est vrai que l’utilisation de la trottinette électrique est interdit, mais on va dire que c’est toléré”, relativise l’entrepreneur, “il y a des personnes qui se sont déjà faites arrêter mais ça reste très rare et la plupart du temps ce sont simplement des avertissements.”
Lui utilise sa trottinette électrique dans les rues de Londres depuis maintenant un an et demi et ne s’est encore jamais fait interpellé par la police. Il dit à ses clients d’être prudents, de porter un casque, de ne pas avoir d’écouteurs et de ne pas dépasser les 25 kilomètres par heure. Pour lui, la trottinette est un moyen de locomotion “écolo, qui permet à n’importe qui de se déplacer pour moins cher”. En effet, malgré le coup élevé de l’achat d’une trottinette (£399), le Français fait remarquer que les Londoniens “rentabilisent très rapidement” cet achat compte-tenu du prix mensuel des transports en commun de la ville (£134.80 pour zone 1-2).
Bien qu’ils reconnaissent le côté économique et écologique de la trottinette électrique, les législateurs britanniques craignent des dérives surtout au niveau de la sécurité sur les routes. Et plusieurs éléments peuvent leur donner raison. En effet, une femme de 90 ans est morte à Barcelone en novembre dernier après avoir été renversé par une trottinette électrique circulant à une vitesse signalée de 30 kilomètres par heure. Madrid a alors décidé d’interdire ce mode de locomotion un mois plus tard. Dans l’Hexagone, selon un article du Parisien datant d’octobre 2018 et qui se base sur les chiffres de la sécurité routière, “il y a eu en 2017 pas moins de 284 blessés et 5 tués en trottinette et en rollers […] ce qui représente une hausse de 23 % des blessés en un an”. L’article montre aussi que l’Ile-de-France est en première ligne de cette augmentation et explique ques les accidents correspondent notamment à “des collisions sur la route avec des voitures, des scooters ou des vélos”.
Mais pour Kevin Nakache, “conduire une trotinette n’est pas plus dangereux qu’être à vélo”. Il pense que les gens en trottinette électrique sont tout aussi, voire plus, responsables que certains cyclistes. C’est pourquoi il voit plutôt ce frein en Angleterre comme une manière de “contrôler et d’encadrer l’arrivée des trottinettes électriques” afin de s’assurer que les choses ne se passent pas comme à Paris. “Je ne suis pas sûr que même si Londres autorise les trottinettes électriques, la Ville autoriserait pour autant l’installation d’entreprises comme Lime ou Bird qui proposent du libre-service”, ajoute le Français, “je crois que la municipalité souhaite plutôt créer des bornes comme pour les vélos Santanders (équivalent des Vélib, ndlr). Au moins, les trottinettes seraient garées quelque part et ne seraient pas laissées n’importe où dans la rue.”
Les ministres britanniques envisagent en effet de lever cette interdiction, vieille de plusieurs décennies, dans le cadre d’un vaste examen de l’avenir des transports urbains. Jesse Norman, le ministre des Transports, a déclaré qu’il “examinerait de très près” la possibilité de trouver un moyen d’autoriser la trottinette électrique et d’autres véhicules similaires sur la route, éventuellement par le biais d’un système de permis ou de licence.
Pour accélérer le processus, Kevin Nakache explique que lui et d’autres revendeurs mais aussi de simples utilisateurs de trottinettes électriques sont en train “de créer une sorte de lobby” à travers lequel ils élaborent des pétitions et créent un lien de discussion avec des élus afin d’arriver à trouver une solution viable et profitable à tous.