La chose vaut le détour si vous êtes dans le coin. En plein centre de Londres, à deux minutes à pied de la station de métro Russell Square, un curieux bâtiment arbore de surprenantes représentations dorées de moustiques, tiques, puces, mouches, en taille XXL, aux balcons de son premier étage. Mais pourquoi donc ?
Il y a de quoi lever les yeux. A l’angle des rues Keppel et Gower, dans l’hyper-centre, des insectes de métal, géants et dorés, volettent au premier étage d’un immeuble. Le phénomène, bien sûr, n’est pas sans lien avec la spécialité de la bâtisse. Puisqu’il s’agit l’un des locaux de la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM), institution de renom spécialisée, comme son nom l’indique, dans l’enseignement et la recherche en matière de santé, notamment au niveau international.
« Les sculptures faisaient déjà partie du bâtiment lorsqu’il a officiellement ouvert en 1929 », précise Ann Datta, assistante bibliothécaire à la LSHTM, qui a mené des recherches sur le sujet. Élaborées dans le style Art déco, ces statues – qui mesurent environ 30 cm de haut sur 30 de large – représentent dix animaux différents : puce, mouche tsé-tsé, une mouche plus classique, une tique, deux types de moustique, un rat, un cobra, un pou et une punaise de lit… Bref, un bestiaire assez atypique.
« A l’école, la plupart sont surnommés les ‘vecteurs dorés de maladie’ », indique Ann Datta. Et si les explications entourant le choix de ces spécimens précis ne sont pas véritablement connues, l’on a quand même une petite idée de leur raison d’être globale. « Certains personnels de l’établissement étudiaient les maladies tropicales et les animaux qui en sont à l’origine. L’on peut donc supposer que ces modèles ont été choisis pour mettre en valeur les travaux scientifiques de l’école à l’époque. »
« Par exemple, on peut apercevoir deux types de moustique. Ces insectes étaient étudiés par des scientifiques qui travaillaient en lien étroit avec l’école et dont la recherche a permis de découvrir le rôle de ces animaux dans la transmission de maladies humaines (la malaria, en Afrique, Asie et en Amérique latine, pour le moustique anophèle, mais aussi la dengue, la fièvre jaune, le zika ou le chikungunya pour les moustiques de genres aedes et culex, ndlr) », précise Ann Datta.
L’assistante bibliothécaire à la LSHTM explique également que les espèces représentées sur la frise vivent au Royaume-Uni, à l’exception de la mouche tsé-tsé, endémique à l’Afrique et au Moyen-Orient et du cobra, que l’on retrouve en Inde et en Afrique. « Pendant la Première guerre mondiale, on s’est aperçu que beaucoup de soldats mourraient aussi de maladies contractées dans les camps. Et celles-ci étaient transmises par certains de ces animaux. Il y avait d’ailleurs, en Grande-Bretagne, des campagnes pour sensibiliser les populations à ces problèmes. », complète-t-elle.
Toutefois, en y regardant de plus près, il s’avère que seules huit des créatures représentées sont véritablement vectrices d’infections… Les sculptures sont aussi le reflet des connaissances de l’époque. « Quand l’école a été construite, on pensait que les punaises de lit transmettaient des maladies, mais on sait depuis que ce n’est pas le cas ». Pour le cobra, l’approche aurait été différente car si l’animal est dangereux pour l’Homme (à cause de son venin), il n’est néanmoins pas vecteur de maladie. En revanche, depuis la Grèce antique, le symbole du serpent est souvent associé à la médecine. Ici, il s’agit d’un cobra, que l’on retrouve donc en Inde, où travaillaient aussi les chercheurs de la LSHTM.
Ann Datta insiste bien sûr sur l’originalité de cette architecture. « Les insectes sont très rarement utilisés dans la décoration de bâtiments publics (…). La présence de ces arthropodes sur les murs de l’école est unique à Londres, tant par leur nombre que leur diversité. » Et de rapporter une remarque faite à l’ouverture du bâtiment, selon laquelle il se serait quand même agi de « la première apparition du pou comme emblème décoratif ».
Photo de une : une puce (“flea”) représentée dans les moindres détails. Crédit : Julia Gaulon