Les caméras de surveillance sont nombreuses à Londres. Que ce soit au détour d’une rue ou dans les allées d’une boutique, chacun de nos faits et gestes peut être épié. Si le phénomène se répand de plus en plus à l’échelle internationale, le Royaume-Uni a pendant un temps compté parmi les leaders de la surveillance. Mais de quelles manières sont utilisées ces « CCTV », et par qui ?
Il est difficile d’obtenir le nombre exact de caméras se trouvant dans l’espace public du fait de leurs statuts variés et de leurs fonctions. Certaines sont utilisées par des commerces et particuliers, tandis que d’autres sont gérées par les councils ou transports pour assurer la sécurité publique ou – dans le cas des transports – délivrer des frais.
L’emplacement et le nombre de ces caméras peut aussi varier en fonction du niveau de sensibilité de chaque lieu. « La plupart des régions gèrent leurs CCTV en se basant sur des données détaillant les niveaux de criminalité d’une zone. Elles essaient aussi d’obtenir un aperçu complet de chaque quartier en mêlant les points de vue de plusieurs caméras », explique le professeur Dean Wilson, spécialisé en criminologie à l’université de Sussex.
Si cette pratique surprend peu de nos jours, le Royaume-Uni a suscité bien des inquiétudes dans les années 1990 en devenant l’un des pays les plus « lourdement surveillés au monde » en raison de contextes politiques tendus et des premières affaires criminelles résolues grâce aux CCTV. « Le gouvernement conservateur et celui de Tony Blair dans les années 90 étaient très engagés dans la lutte contre la criminalité », selon le professeur Dean Wilson. D’ailleurs, l’ancien Premier ministre britannique « utilisait même le slogan : “s’attaquer à la criminalité, s’attaquer aux causes de la criminalité”, et les caméras de surveillance faisaient partie intégrante de leur approche ».
Or, ces dernières années, un petit nouveau a fait son entrée : la reconnaissance faciale. Cette technologie intégrée aux CCTV permet de mieux identifier les visages. Elle fait encore l’objet d’expérimentations au sein de la police, suscitant l’inquiétude d’associations de protection des libertés et données comme le groupe Open Rights, qui voit en cette pratique une « extension » des « pouvoirs de la police ». « Il s’agit d’une atteinte à la vie privée. Tout le monde est considéré comme un potentiel criminel sans aucune notion de consentement », nous explique Sara Chitseko, manager chez Open Rights.
L’autre souci soulevé par le groupe est un certain « manque de transparence » et de « responsabilité ». « Le Royaume-Uni ne dispose pas d’un cadre juridique complet régissant l’utilisation de la reconnaissance faciale, donc en pratique, les autorités peuvent plus ou moins s’en servir à leur bon vouloir ».
En outre, de plus en plus de commerces installent des caméras dotées de cette technologie au sein de leurs enseignes. Le but ? Identifier et dissuader les voleurs. « Les commerces ont le droit d’avoir recours à la reconnaissance faciale du moment qu’ils sont responsables et protègent les données et informations collectées », explique Dr Amy Stevens, chercheuse en études sociologiques à l’université de Sheffield.
À la tête de ce business lucratif au Royaume-Uni se trouve notamment l’entreprise Facewatch, pour qui cette technologie garantit « protection, sécurité et tranquillité d’esprit » aux commerçants victimes d’acte de criminalité. Mais pour le groupe Open Rights, cette « solution miracle » à des « problèmes sociaux » n’en est pas vraiment une. « Cela ne rend pas nos communautés plus sûres ou paisibles. Il serait plus judicieux d’investir dans des services de soutien contre la crise du coût de la vie que nous traversons et qui entraîne plus de vols dans les magasins », estime Sara Chitseko.