Depuis le 28 novembre 2018, le quartier de Clerkenwell accueille un type d’établissement français, qui selon les propriétaires des lieux, ne serait pas si répandu que ça dans la capitale britannique : un bar à vin. En effet, Le Cellar, fondé par deux Français originaires de Saône-et-Loire, tente de tirer son épingle du jeu dans la jungle de la restauration à Londres en s’accrochant à un concept rare et différent. “Si on regarde aujourd’hui tout ce qui se fait ici, on voit beaucoup de restaurants qui met l’emphase sur le vin, mais pas de vrais bars à vins orientés sur des produits de qualité”, explique Antonin Charlier, co-fondateur du Cellar. Cependant, il serait réducteur de penser que le vin est le seul produit proposé par ces Français, car cela est loin d’être le cas.
Six mois après avoir ouvert, la fierté des co-fondateurs du Cellar est de pouvoir se targuer d’avoir, selon eux, une belle gamme de fromages et d’antipasti, mais surtout la plus large sélection de charcuterie à Londres. “Aujourd’hui, nous avons le plus gros choix de la ville, car si le nombre varie en fonction de nos livraisons, on a toujours entre 14 et 20 mets différents. Côté fromage, on en compte une dizaine, ce n’est pas le mieux mais ça reste une belle sélection. Enfin, nous proposons une dizaine d’antipasti pour accommoder les végétariens et les végétaliens. Si on combine ces trois items, le Cellar a le plus grand choix sur Londres”, énumère fièrement Antonin Charlier.
Outre ces mets emblématiques de l’établissement, ce dernier propose aussi des plats chauds pour y déjeuner ou dîner. Encore une fois, le menu fait la part belle à l’Hexagone avec des cassoulets, choucroutes, confits de canard et le plat-phare, qui a longtemps été le préféré de la population française : le bœuf bourguignon.
Sans surprise, le bar à vin est attaché à travailler des produits bien français. Néanmoins, de par la volonté d’Antonin Charlier, notamment, de proposer des mets peu connus et surprenants comme du saucisson de chevreuil ou un vin rouge en provenance d’Oregon, aux Etats-Unis, Le Cellar s’est ouvert à d’autres horizons. “Nous travaillons principalement avec des produits français pour ce qui est de la charcuterie et des fromages. Les antipasti viennent surtout d’Italie et d’Espagne. Cette dernière est d’ailleurs assez présente dans notre carte des charcuteries, avec notamment des produits qui viennent du Pays Basque”.
Malgré les importations nombreuses en provenance d’Europe qui représentent une majeure partie de leur menu, ces Français conscients des enjeux environnementaux actuels essaient de privilégier les circuits courts et le sourçage local dès qu’ils le peuvent, d’où leurs collaborations avec des bouchers anglais concernant les viandes qu’ils proposent. Dans la même logique, les huîtres viennent directement de la région des Cornouailles.
Cette conscience environnementale se fait très présente parmi Le Cellar et ses fondateurs, et le meilleur exemple en est sûrement la carte des vins de l’établissement. “Si l’on regarde notre carte, l’idée est que nous avons 90% de vins organiques”, déclare Antonin Charlier. Un vin organique est un met dont la culture a utilisé seulement des produits naturels comme engrais, et non des produits de synthèse ou des pesticides. “Nous sommes très attachés à réduire l’empreinte carbone de ces produits-là. C’est comme cela que l’on peut garder une terre saine que l’on puisse transmettre à nos enfants. Notre philosophie globale est de mettre en valeur des producteurs qui sont là pour transmettre un terroir, de montrer qu’on peut travailler la terre en la supportant plutôt qu’en la détruisant”.
Ce concept de bar à vin de qualité n’est pas né au hasard et est le produit fini de l’association de deux très bons amis de longue date, Antonin Charlier et Simon Maniora. “Nous avons toujours rêvé d’ouvrir un tel concept, donc ce projet nous l’avions en tête depuis très longtemps. Avec Simon, nous étions à l’école ensemble il y a 20 ans, et surtout, nous venons tous les deux de la région de Charolles en Bourgogne, donc nous avons été bercés dans ce terroir”, narre Antonin Charlier. Entre eux, les tâches sont bien réparties : si ce dernier est à l’œuvre en ce qui concerne la partie nourriture et vins, son associé se charge de l’aspect commercial du business.
La filiation entre la France et Londres qui caractérise l’établissement, est le reflet de la vie de son co-fondateur, Antonin Charlier. En effet, ce Bourguignon qui revendique l’étiquette de sommelier, a passé quasiment autant de temps de sa vie d’un côté et de l’autre de la Manche. Interrogé sur sa formation, sa réponse est claire. “Je n’en ai pas ! J’ai arrêté l’école après le brevet des collèges. Ce qui m’a attiré vers ce métier, c’est le fait que mes parents tenaient un restaurant où je travaillais depuis mes 12 ans”. A peine majeur, celui qui se passionne alors pour le vin, quitte sa Bourgogne natale pour la capitale où il décroche un premier emploi de commis-sommelier. Rapidement, il décide de s’exiler et aller exposer son talent à Londres.
Successivement, il occupera le poste de sommelier au restaurant de l’hôtel Bulgari, sous les ordres du chef Alain Ducasse, et au Club Gascon, établissement étoilé grâce à sa cuisine rendant hommage au Sud-Ouest de la France. Selon lui, ce sont ces deux expériences différentes mais complémentaires qui lui ont permis d’ouvrir un bar tel que Le Cellar. “Avec Le Club Gascon, j’avais ce côté familial, où ne regarde pas les heures que l’on fait car on dispose d’un retour humain très important. A l’inverse, du côté de Bulgari, on fait ses heures sans un fort retour humain, mais on y apprend bien plus au niveau des procédures et des techniques”.
En y ayant vécu près de 15 ans, Londres représente une grande partie de la vie d’Antonin Charlier. Pourtant, comme beaucoup de Français à Londres, ce n’était pas réellement prévu. “Je suis venu ici pour apprendre l’anglais pendant un an. Je devais retourner à Paris ensuite, mais finalement je suis resté un peu plus longtemps”, plaisante-t-il. De plus, après en avoir été séparé pendant des années sans jamais le perdre de vue, son ami d’enfance Simon Maniora, qui travaillait alors dans la production audiovisuelle, est lui aussi arrivé dans la capitale anglaise.
Alors, au moment de mettre en place leur rêve d’ouvrir un bar à vin ensemble, la question du lieu ne s’est pas réellement posée pour le duo d’amis bourguignons, comme l’explique Antonin Charlier. “Je trouve qu’il y a une grande facilité pour travailler ici, car le monde du travail s’intéresse beaucoup plus à la qualité intrinsèque de votre travail et moins aux diplômes. En plus, à priori, les gens sont beaucoup plus chaleureux à Londres qu’à Paris où il est plus difficile de s’intégrer”. Le duo d’hyperactifs français compte bien ne pas s’arrêter là et se projette comme le confie Antonin Charlier dont “l’idée serait, pourquoi pas, d’ouvrir un second Cellar dans le futur, et éventuellement du côté de Bank”.