Une personne sur trois au Royaume-Uni est atteinte de dépression hivernale, ou ce que les médecins appellent “trouble affectif saisonnier”. En France, cela concerne une personne sur dix selon Zoé Bellamy, médecin généraliste au Medicare français, qui qualifie donc de plus “marquant” le changement de saison pour les expatriés français vivant sur l’île britannique. De plus, l’année 2020 n’y va pas de mains mortes ajoutant à l’hiver le confinement qui vient amplifier l’anxiété. Ainsi, quelles sont les causes de ce passage à vide, et surtout quels sont les conseils pour y faire face ?
Irritabilité, fatigue, envie de sucres, tristesse, insomnie… Autant de signes qui peuvent laisser présager de le début d’une dépression hivernale s’ils arrivent à cette période de l’année. Mais, qu’est-ce qui provoque autant de réactions négatives ? La réponse se trouve dans notre fonctionnement biologique, qui nous rappelle ce qu’on a parfois tendance à oublier : “Nous sommes des animaux”, souligne la psychothérapeute Pia Granjon Lecerf .
Et, en tant que mammifère, nous sommes affectés par “la quantité de lumière qui passe par nos yeux”, ajoute la spécialiste, dévoilant la principale hypothèse de cette tendance dépressive. En résumé, moins il y a de lumière, plus notre cerveau sécrète de la mélatonine, l’hormone du sommeil, nous donnant donc envie de dormir. La nuit tombant en plein milieu de la journée au Royaume-Uni, “notre horloge biologique est totalement déréglée, nos phases d’éveil et de sommeil sont bouleversées”, explique le docteur Zoé Bellamy. De plus, la baisse de luminosité entraîne également une baisse de sérotonine, l’hormone du plaisir et du bien-être, expliquant alors certains troubles de l’humeur.
Néanmoins, tout le monde n’est pas sensible de la même manière. Alors que certains peuvent ressentir un simple “blues hivernal”, d’autres souffrent réellement d’un trouble saisonnier. Ce diagnostic est établi lorsque l’épisode dépressif survient “au moins deux années consécutives et dure plus de quinze jours”, précise le psychiatre Jean-Baptiste Cossoul. Il peut même durer tout l’hiver, d’après la médecin généraliste Zoé Bellamy, expliquant que “le corps n’arrive pas à reprendre le dessus tant que les jours ne rallongent pas”.
Alors, pourquoi certains s’accommodent tandis que d’autres non ? La raison trouverait aussi sa source dans les yeux, affirme le psychiatre français, car les personnes subissant ce trouble saisonnier auraient une “mutation des cellules de la rétine chargées de transmettre le message enclenchant la production de mélatonine (hormone du sommeil, nldr)”. Dans ce cas, les cellules fonctionnent au ralenti et empêchent donc de s’habituer à la baisse de luminosité. Au-delà de ce problème, on observe également que les femmes sont plus touchées que les hommes, selon les statistiques, souligne la psychothérapeute Pia Granjon Lecerf mettant en avant l’influence du cycle menstruel. Les petites filles avant la puberté ne seraient donc pas concernées.
De plus, cette année, le confinement peut aussi jouer dans la dépression hivernale en amplifiant par exemple l’anxiété. “C’est un élément perturbateur”, affirme le psychiatre Jean-Baptiste Cossoul. Pia Granjon Lecerf tient d’ailleurs à préciser que cette restriction ne doit pas être synonyme d’isolement social. “On ne doit pas confondre distanciation physique et distanciation sociale, nous sommes des animaux sociaux”, affirme-t-elle.
Quels sont alors les conseils que l’on peut appliquer pour faire face à cet épisode dépressif? La luminothérapie est la solution la plus conseillée par les spécialistes qui recommandent son utilisation pendant une durée maximum de 30 minutes en début de journée. “C’est l’ami du petit déjeuner”, assure Jean-Baptiste Cossoul. Cependant, si l’on a des problèmes de vue, il vaut mieux d’abord demander l’avis d’un ophtalmologue, poursuit le psychiatre.
Ensuite, l’alimentation est également un levier clé pour lutter contre la dépression. En effet, “l’intestin est notre deuxième cerveau, 90% de la sérotonine (hormone du bien-être, ndlr) est sécrétée dans le tube intestinal”, explique la nutritionniste Huguette Lelong. Un régime de type méditerranéen est alors gage de bonne santé toute l’année et réduit les risques de dépression. En d’autres termes, un “arc-en-ciel” de légumes et de fruits est fortement conseillé, ainsi que des aliments à base d’oméga 3 comme le poisson. Enfin, si on veut réellement cibler les aliments ayant un impact sur le trouble saisonnier, c’est la vitamine B6 aux propriétés antidépressives qu’il faut chercher notamment dans le foie ou les légumes à feuilles vertes. La vitamine B9, quant à elle, permet la synthèse de la sérotonine, et se trouve dans la volaille ou l’avoine.
Enfin, la gestion de ce trouble passe également par ce que la psychothérapeute Pia Granjon Lecerf désigne comme étant “la reconnaissance” et la “pleine conscience”. Pour se sentir mieux, il faut d’abord accepter que l’on ne va pas bien. Ensuite, ce constat ne doit pas faire l’objet d’un jugement. Au contraire, il doit permettre de répondre à la question : qu’est-ce que je peux faire avec ça ? L’important est alors de trouver des exercices qui nous font du bien et de les répéter régulièrement, la création d’une routine demandant moins d’énergie au cerveau. Les réflexes à prendre sont donc par exemple de sortir dehors, de faire du sport, de bouger : “Emotions need motion”, résume la psychothérapeute.
Évidemment, pour les personnes qui en ressentent le besoin, la consultation d’un psychologue ou d’un psychiatre pour parler de son état est aussi une bonne façon d’appréhender la période de l’hiver.