Chaque année à l’approche du 5 novembre, les communes britanniques se préparent à des commémorations bien particulières. Pendant toute une soirée, de nombreux parcs se remplissent de spectateurs venus profiter des feux d’artifice et bûchers géants de la Guy Fawkes Night, également appelée Bonfire Night. On entend aussi une mystérieuse rime circuler dans les airs : “Souvenez-vous, souvenez-vous du 5 novembre, de la trahison et du complot de la poudre à canon. Je ne vois aucune raison à ce que la trahison de la poudre à canon, soit un jour oubliée”. Or, en l’absence d’un contexte, l’évènement a de quoi surprendre !
Son origine remonte à l’an 1605, lorsqu’un groupe de rebelles catholiques a tenté d’organiser un attentat majeur. Le pays, devenu protestant au XVIème siècle, cohabitait mal avec sa population catholique. À tel point que ce groupe de rebelles a décidé d’employer l’artillerie lourde pour faire revenir le catholicisme à la tête de l’État en disposant dans une cave, sous le Parlement britannique de Londres, des barils de poudre à canon qu’ils feraient exploser au moment où s’y réuniraient le roi Jacques 1er et ses élus.
Mais dans les petites heures du 5 novembre 1605, Guy Fawkes, l’un des complotistes, est découvert et torturé par les autorités avides d’informations sur ses alliés. D’autres membres du groupe sont à leur tour arrêtés et exécutés pour trahison à la fin du mois de janvier 1606. Mais c’est Guy Fawkes et des épouvantails à son effigie, parés de masques blancs avec des moustaches noires, qui resteront le visage emblématique du complot au sommet des bûchers.
Face à l’énormité du désastre à la fois humain, constitutionnel et matériel que cet attentat aurait pu engendrer, l’État a d’abord créé une loi imposant des commémorations religieuses à cette date. Au fil du temps, cette règle s’est assouplie mais le 5 novembre est resté dans les mœurs.
D’après la professeure Catherine Clarke, directrice d’un centre de recherche historique à l’université de Londres, les commémorations cherchaient originellement à souligner « l’échec » de ce projet violent. « Le but était de célébrer le fait que ce complot avait échoué et que Dieu avait sauvé le roi et que la justice l’avait remporté. Donc une partie des célébrations visait déjà à l’époque à allumer des bûchers et un peu plus tard, des figurines à l’effigie de Guy Fawkes se sont ajoutées aux feux de joie ».
L’évènement a néanmoins contribué à exacerber le climat austère envers les Catholiques sur le territoire britannique : « Beaucoup de ces célébrations étaient très anti-catholiques. Il s’agissait d’une forme de discrimination à leur égard ».
Heureusement, ces sombres motivations se sont évaporées et la coutume s’est inscrite dans les traditions festives britanniques. Le visage de Guy Fawkes au sommet des bûchers a même été remplacé à certaines occasions par des figures plus modernes, comme les anciens Premiers ministres Rishi Sunak et Liz Truss. Un détail « très intéressant » pour Catherine Clarke, qui a constaté que l’ancien anti-héros des Protestants était presque devenu de nos jours un « héros anarchique » et « anti-établissement » pour certains.
D’un autre côté, l’évolution multiculturelle et multi-confessionnelle de la population britannique au cours de ces dernières décennies a fini par inclure le 5 novembre dans un consortium de célébrations proches de la Guy Fawkes Night sur le calendrier annuel, comme Halloween et la fête indienne des lumières, Diwali. « Bonfire Night fait désormais partie d’une série de célébrations multiculturelles autour du feu, des lumières et des feux d’artifice. Et même si l’évènement est encore largement observé à travers le pays, le public ne soutient plus son aspect politique original », conclut la directrice d’un centre de recherche historique à l’université de Londres.