On le sait : la relation entre la France et l’Angleterre s’est toujours un peu résumée à la célèbre chanson de Gainsbourg-Birkin : “Je t’aime moi non plus”. Cependant, depuis quelques mois, le torchon brûle aet les rapports franco-anglais semblent de plus en plus tendus. Plusieurs sujets de discorde sont en effet au cœur de ces tensions. French Morning London fait le point.
La pêche
La France reproche la décision prise en septembre par le Royaume-Uni et l’île anglo-normande de Jersey de refuser à des dizaines de bateaux de pêche français une licence pour opérer dans leurs eaux territoriales. Le gouvernement de Jean Castex considère que cela va à l’encontre de l’accord post-Brexit signé en décembre 2020.
En effet, seules 200 licences de pêche ont été accordées aux marins français par Londres et Jersey. 230 sont encore en attente jusqu’au 30 octobre, date butoir pour la validation définitive de ces licences de pêche. Une situation “inacceptable” qui provoque la colère des Français. “Notre patience a une limite claire. C’est l’exaspération de nos pêcheurs. Depuis neuf mois, nous parlons calmement, gentiment”, a déclaré le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Clément Beaune. Finie donc la diplomatie, la France envisage de prendre des sanctions qui porteraient sur le prix de l’énergie (Jersey est alimentée en électricité par la France via un câble sous-marin), l’accès aux ports français et éventuellement la mise en place de surtaxes douanières sur les marchandises britanniques envoyées sur le continent européen notamment via le tunnel sous la Manche. Mais pour cela, il faudrait le feu vert du Conseil européen.
La crise des sous-marins
C’était ce que les Français aimaient appeler “le contrat du siècle”. Mais qui s’est fini par un “coup dans le dos”, comme l’a expliqué le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. En 2016, François Hollande signait avec l’Australie un accord de 56 milliards d’euros pour la vente de 12 sous-marins à propulsion de type Barracuda. Mais 5 ans plus tard, le 15 septembre dernier, le gouvernement australien annonce l’annulation de ce contrat avec la France.
L’Australie a expliqué préférer créer un partenariat, baptisé AUKUS, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui vont lui fournir des sous-marins à propulsion nucléaire. “Il y a eu mensonge, il y a eu duplicité, il y a eu mépris et rupture majeure de confiance. Donc ça ne va pas entre nous, ça ne va pas du tout, ça veut dire qu’il y a crise”, s’est agacé Jean-Yves Le Drian, lors d’une interview accordée le 18 septembre dernier au journal télévisé de France 2. Si, pour exprimer son mécontentement, le gouvernement français rappelle ses ambassadeurs des Etats-Unis et d’Australie, il ne le fait pas pour la Grande-Bretagne. “Dans cette affaire, c’est quand même un peu la cinquième roue du carrosse”, a justifié, sur un ton narquois, le ministre français des Affaires étrangères.
La tension a alors continué de monter et Boris Johnson, étonné par la réaction de la France mais surtout agacé, a lancé, lors d’une interview accordée à des journalistes américains, au président Emmanuel Macron : “Donnez-moi un break”, lui demandant de passer à autre chose, tout en assurant qu’il était impatient accueillir le chef d’Etat français lors de la Cop26 à Glasgow en novembre prochain.
Les migrants
La question de la traversée de la Manche par des migrants est un des sujets, et ce depuis de nombreuses années, de discorde entre la France et le Royaume-Uni. Mais les choses ont empiré ces derniers mois. Dernier fait en date : le ministre français de l’Intérieur a appelé à l’ouverture de négociations pour un traité migratoire entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne, tout en exhortant le gouvernement britannique à “tenir sa promesse” de financer la répression contre les migrants qui se rassemblent sur la côte nord de la France pour tenter de passer en Angleterre.
En juillet dernier, le Royaume-Uni avait en effet accepté de financer la sécurité des frontières en France à hauteur de 62,7 millions d’euros (54 millions de livres sterling). Mais depuis, rien. Priti Patel, ministre britannique de l’Intérieur, avait en revanche menacé en septembre de ne pas payer au vu du “nombre record” de migrants qui avaient tenté de traverser la Manche.
“Nous devons négocier un traité, puisque M. [Michel] Barnier ne l’a pas fait lorsqu’il a négocié le Brexit, qui nous lie sur les questions migratoires“, a ainsi déclaré Gérald Darmanin, ajoutant que la France défendrait ce projet quand elle prendra la présidence de l’Union européenne en janvier. “La France a tenu la frontière pour nos amis britanniques pendant plus de 20 ans”, avait alors ajouté le ministre français, “elle est un allié de la Grande-Bretagne, pas son vassal”. Le Royaume-Uni a tenté de minimiser les tensions entre les deux pays. “Tout ce que je peux dire, c’est que nous avons travaillé très efficacement avec le gouvernement français jusqu’à présent”, a confié le secrétaire d’Etat aux Affaires, Kwasi Kwarteng.
La Covid
Les Français du Royaume-Uni se souviendront longtemps de l’épisode Covid. Après la fermeture des frontières en décembre 2020 entre la France et la Grande-Bretagne, les privant de passer les fêtes de fin d’année avec leurs proches, ils n’oublieront pas non plus l’été 2021, quand le gouvernement de Boris Johnson a pris la décision le 28 juillet de maintenir la quarantaine pour les voyageurs vaccinés en provenance de France, et uniquement pour eux. Le reste de l’Europe étant donc exempté de cette mesure.
La raison invoquée ? La forte présence du variant Beta (sud-africain) sur le territoire français. Or, il représentait “moins de 5% des cas en France et surtout dans des territoires d’Outre-mer”, avait rétorqué Clément Beaune, secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes. Une mesure donc “discriminatoire” et “incompréhensible”, qui a duré des semaines, laissant les voyageurs français, dont certains résidant au Royaume-Uni, dans le flou le plus total. Une pétition avait même été lancée par un Français de Londres pour demander sa suppression de cette quarantaine pour les personnes vaccinées. La levée aura finalement lieu le 8 août.