« Je veux encourager les gens à oser ». C’est en ces termes que Rosa Mancer, résidente française de 56 ans au Royaume-Uni, résume la motivation qui se cache derrière son engagement auprès de sa commune de Gerrards Cross, à l’ouest de Londres. Cette experte en marketing a récemment mis sa carrière entre parenthèse pour intégrer le “city council” (conseil s’avoisinant à une mairie) en qualité d’élue locale, ou “councillor”.
Une aventure qui a commencé bien plus jeune lorsque Rosa Mancer, née de parents kabyles en France, a fait du Royaume-Uni un « rêve de petite fille » après un voyage scolaire à Londres lorsqu’elle avait 13 ans. « J’ai été complètement émerveillée, je trouvais que c’était à la fois proche et différent et je me suis dit que je voulais travailler un jour en Angleterre ». Quelques années plus tard, elle se lance dans le marketing chez Kimberly-Clark à Saint-Cloud, et se voit offrir au bout d’un an l’opportunité de s’expatrier en Angleterre pour intégrer le siège Europe de la branche, situé dans le Kent.
Trente ans plus tard, Rosa Mancer est restée attachée à ses nouvelles terres auxquelles elle s’est parfaitement intégrée. Si bien que lors d’une conférence pour l’élection du conseiller général de sa région l’an dernier, elle est repérée au sein du public par le parti centriste Liberal-Democrats (Lib-Dems) grâce à sa « passion » et à la « pertinence » de ses questions. Une fois approchée, cette mère de deux enfants se laisse convaincre de se présenter aux élections partielles de Gerrards Cross en décembre 2023 après la démission de six élus locaux conservateurs.
N’importe quel résident majeur, qu’il soit citoyen britannique ou pas, a la possibilité d’endosser ce rôle en tant que candidat indépendant ou affilié à un parti. Et pour Rosa Mancer, ce fut l’occasion de « rendre à la société » comme elle l’a toujours souhaité, en devenant l’une des « voix des résidents auprès du conseil de la ville et de la région ». « C’est un sacrifice, car on n’est pas payé, je ne fais que ça de mon temps car j’ai un mari qui me soutient, mais ça affecte le quotidien ». Le jeu en valait cependant la chandelle. « J’ai voulu m’y consacrer pendant un an et montrer aux gens qu’on peut être politique et avoir une passion pour le service, que beaucoup ont. Mais ces derniers temps, le mauvais côté de la politique a peut-être davantage transparu et j’ai voulu leur en montrer un autre. »
Toutefois, le défi a été de taille lors de la campagne électorale en raison de l’ancrage très conservateur de sa commune depuis de nombreuses années. Mais pour maximiser ses chances, son équipe est allée directement à la rencontre des résidents. Un effort qui a porté ses fruits puisqu’à la « surprise générale », trois candidats Lib-Dem, dont Rosa Mancer, ont été élus au conseil local, marquant le début d’une épreuve qui allait s’avérer à la fois enrichissante et laborieuse.
Pour ce rôle, l’élue a conservé sa stratégie de contact rapproché avec les résidents. Au quotidien, elle travaille sur des projets portant sur l’amélioration de l’environnement, des commerces et des espaces de vie commune, ainsi que sur l’accompagnement des familles souhaitant améliorer leurs logements ou recevoir des aides sociales. Une expérience que Rosa Mancer qualifie de « fantastique », à l’exception d’une cohabitation politique parfois difficile, et le processus décisionnel du conseil qui se déroule souvent en vase clos avec les élus conservateurs, limitant ainsi le pouvoir d’influence de son parti.
Cette observation a poussé la conseillère à considérer d’autres méthodes de gouvernement local moins rattachées à l’univers plus large de la politique. « Niveau local, les conseils ne devraient pas être politiques parce que des petites villes comme la nôtre se focalisent trop à gagner des voix et faire avancer leur parti plutôt que de prioriser les intérêts des résidents. La partie politique est une distraction sur le service à la ville. Les conseils ne sont pas assez réglementés, peut-être en partie car nous ne sommes pas payés. Ils ne sont pas légalement responsables. »
Or, malgré ces difficultés, Rosa Mancer ne démord pas : pour obtenir un véritable changement, il faut d’abord mettre le pied à l’étrier. « La vie ne changera que lorsque chacun comprendra que l’on a tous un rôle à jouer, sans qu’il soit énorme. Si chacun fait quelque chose à son niveau avec amour et bienveillance, ça fera avancer les choses. »