Samer Melki a officiellement pris ses fonctions de consul général de France à Londres le 1er septembre dernier, succédant ainsi à Guillaume Bazard promu ambassadeur de France en Islande. Ancien de Sciences Po, diplômé de l’ENA, ce quadragénaire, qui a toujours su qu’il voulait devenir diplomate, confie que cette fonction consulaire est la première de sa carrière.
Samer Melki a en effet un parcours plutôt politique : conseiller politique et conseiller presse à Jérusalem de 2012 à 2016, conseiller politique à la mission permanente de la France auprès des Nations Unies à New York entre 2016 et 2019 puis conseiller de Jean-Yves Le Drian, ancien ministre de l’Europe et des Affaires étrangères… Une expérience sur laquelle le nouveau consul compte s’appuyer pour faire vivre les nouvelles et les futures relations entre les deux pays. Il sait aussi, dit-il, qu’il peut compter, dans sa nouvelle fonction, sur “l’appui de toute une équipe spécialisée dans les questions consulaires”.
S’il arrive après la pandémie et l’entre-période compliquée d’avant l’entrée en vigueur du Brexit, Samer Melki sait qu’il y reste beaucoup de travail à faire pour la communauté française au Royaume-Uni. Si son nombre exact demeure encore difficile à déterminer, certains indicateurs permettent de faire une certaine estimation. “Le premier est celui du registre des Français établis hors de France. On compte au total environ 144,000 inscrits”, détaille Samer Melki.
“Le second indicateur est celui des demandes de pre-settled et settled status”, ajoute le diplomate. Sur les 250,000 demandes formulées depuis l’ouverture du système en mars 2019, 138,000 ont abouti sur un settled status et 96,000 sur un pre-settled status. “Cela donne une indication plus proche sur le nombre de Français”, estime le consul général de France à Londres. Avant de relativiser : “Mais ce chiffre ne comprend pas les bi-nationaux, estimés à 10%, ainsi que les Français arrivés depuis 2021 et la mise en place du système de visas”.
Dernier indicateur, le recensement réalisé en mars 2021 par le gouvernement britannique sur le territoire anglais et gallois. 163,500 Français ont ainsi été recensés. “Mais là encore, c’est un chiffre à prendre avec précaution, puisqu’il ne concerne que les personnes qui ont déclaré être détentrices d’un passeport français, qu’il ne couvre pas l’Ecosse et l’Irlande du Nord, et qu’il est issu d’un recensement intervenu en mars 2021, soit à une période encore marquée par le Covid où une partie de nos compatriotes était sans doute en France”. Cependant, résume Samer Melki, “on peut estimer le nombre de Français au Royaume-Uni aux alentours des 200 à 250,000”.
Un chiffre qui “permet de constater qu’il n’y a pas eu d’effondrement de la communauté française” sur le sol britannique, mais un tassement des arrivées. “Cette relative stabilité prouve que la relation entre les deux pays reste forte, malgré les aléas politiques”. D’où, explique le diplomate, l’importance de réfléchir à la relation future entre la France et le Royaume-Uni, notamment en matière d’immigration. “Les ressortissants de l’UE ne représentent que 3,5% des visas étudiants accordés au cours de l’année écoulée, et 10,5% des visas de travail. C’est très peu et il y a là vraisemblablement une forte baisse”.
Malgré ce contexte post-pandémie et post-Brexit, la présence de la communauté française reste forte. Conséquence : le consulat de France à Londres demeure l’un des plus sollicités sur l’ensemble des consulats français présents dans le monde. “Avec 46,000 demandes de passeports et de cartes nationales d’identité, l’année 2022 est déjà, et de loin, une année record (le dernier record date de 2019, avant la pandémie, et s’établit à un peu plus de 40 000). Londres représente 11% du total mondial de délivrance de titres, c’est le premier poste au monde en termes de délivrance de passeports”.
Ces dernières années, les complaintes de la part des administrés sur l’accès aux services consulaires, en particulier sur le problème de prise de rendez-vous pour une demande ou un renouvellement de document d’identité, n’ont pas cessé. Mais Samer Melki tient tout de suite à souligner que ce problème n’est pas que français. “Au sein de notre consulat, les délais de prises de rendez-vous et de traitement des délivrances des titres sont plus courts comparativement à certains consulats d’autres pays européens, où les délais se comptent, non pas en semaines, mais en mois”, assure-t-il.
Aussi, si le nouveau consul reconnaît que les services ont été longtemps saturés, il assure qu’ils ne le sont plus depuis plusieurs mois. “Après la pandémie, il y a eu un effet de rattrapage qui a perturbé le fonctionnement du consulat. Mais ce n’est pas propre à notre réseau consulaire, on retrouve cela dans les administrations en France et dans les consulats de nos partenaires étrangers”. En cause, le stock de titres non demandés pendant la crise de la Covid et reporté à la sortie de la pandémie. Par exemple, à Londres, 20 à 25,000 demandes de titres ont été ainsi retardées. Mais “entre l’été dernier et cette fin de l’année, la situation a bien changé”, assure Samer Melki. Pour lui, maintenir le discours de services consulaires en tension serait donc faux. “Nous faisons nous-mêmes des tests quotidiens de connexion au site de prise de rendez-vous pour vérifier que les choses fonctionnent”.
Si la situation s’est ainsi décantée, c’est grâce, souligne le consul, au “déploiement de plusieurs mesures ces derniers mois”, qui portent aujourd’hui leurs fruits. “On sort du blocage de cet été, on est davantage sur une dynamique de retour à la normale”, assure-t-il. Parmi ces mesures efficaces, la mise à jour en ligne des rendez-vous disponibles non plus une fois, mais trois fois par jour : une entre 9 et 9.30am, où des créneaux pour le jour-même sont proposés, une entre 11am et 12pm pour un rendez-vous dans les 59 jours à venir et enfin une à 6pm pour un rendez-vous au 60ème jour. “Cela permet d’étaler les offres de rendez-vous et de proposer différentes options aux Français”. Surtout, précise le consul, ce nouveau système permettrait de lutter contre le problème majeur des “no show”. “Cela représente 16% de capacité en moins chaque année, soit 5,000 rendez-vous perdus”, estime-t-il. Il existe également une nouvelle fonctionnalité – entièrement gratuite, précise-t-il – dans l’application des rendez-vous, pour obtenir une notification en cas d’annulation de rendez-vous et ainsi savoir si un nouveau créneau s’est libéré. “On espère ainsi réduire le nombre de rendez-vous non honorés”, lance le consul qui en “appelle aussi à la responsabilité des usagers”.
Des mesures créées sur mesure pour et par le consulat londonien. “On a entendu, que ce soit par les remontées des services ou la veille de nos réseaux sociaux, les doléances de nos compatriotes”, résume Samer Melki. Autre effet qui a permis de réduire les délais d’obtention de rendez-vous, celui de renforts de personnel (quatre personnes à plein temps) approuvés dernièrement par le ministère des Affaires étrangères. L’arrivée prochaine de la dématérialisation des demandes de renouvellement de passeport pourrait également soulager la communauté française installée à l’étranger. Mais elle doit d’abord passer par une phase d’expérimentation, devant débuter en 2023 dans deux pays, le Canada et le Portugal.
Cependant, les services consulaires ne sont pas seulement occupés par les demandes de documents d’identité, mais aussi par celles des visas. Depuis le Brexit, l’activité est en hausse notamment pour les demandes de longue durée, dépassant 90 jours sur 180. D’ailleurs, Londres est cette année le premier poste au monde en termes de traitement de demandes de visa. “Avant la sortie du Royaume-Uni, le consulat traitait entre 110 et 120,000 demandes par an et seules 1 à 2% d’entre elles concernaient des longs séjours. D’ici la fin de l’année, on va atteindre les 100,000 demandes et 15% concernent des visas longs séjours”, détaille Samer Melki.
Ce type de visa nécessite un traitement plus complexe provoquant ainsi des délais supplémentaires. “Et là aussi, malgré la pression du nombre, la dynamique est positive et tout est mis en place pour réduire les délais de traitement”, assure le consul pour qui il est nécessaire de traiter cette activité avec beaucoup d’attention. “On veut continuer à permettre aux personnes qui le souhaitent d’aller en France pour investir, créer et y vivre. Notre objectif d’éviter qu’un blocage dans le traitement d’une demande ne les dissuade de s’y rendre, tout en demeurant d’une entière rigueur sur la sécurité de notre territoire et la lutte contre l’immigration illégale”.
Un autre défi de taille attend Samer Melki et ses équipes : s’assurer que les ressortissants français détenteurs d’un pre-settled status puissent basculer sans difficulté vers leur settled status. “Nous savons que les demandes en ce sens vont fortement augmenter en 2023-2024, soit cinq ans après la mise en place du pre-settled status. Nous nous préparons à accompagner au mieux nos compatriotes dans ces démarches. Nous travaillons pour cela en coordination étroite avec nos partenaires européens, ainsi qu’avec le Foreign Office et le Home Office, pour que ce passage se fasse avec le plus de flexibilité possible et que toutes les situations particulières de nos compatriotes puissent être prises en compte”.