La stratégie de communication publique de la famille royale a toujours été marquée par le mantra “never explain, never complain”. Cependant, en 2019, le prince Andrew, fils préféré de la reine, a brisé cette règle en accordant une interview à la BBC pour répondre aux accusations portées contre lui dans l’affaire Epstein. Le film Scoop, diffusé depuis le vendredi 5 avril sur Netflix, raconte comment l’équipe de la BBC a réussi à décrocher cette rencontre très convoitée.
Réalisé par Philip Martin, connu pour la célèbre série The Crown qui a contribué au succès de Netflix, ce film de 1h43 replonge les spectateurs au cœur des scandales de la famille royale. Tout débute dans l’effervescence du 6 juillet 2019, lorsque Jeffrey Epstein, milliardaire américain ayant fait fortune dans la finance et la gestion de patrimoine, est arrêté par le FBI et la NYPD pour trafic sexuel de mineurs. Cette arrestation entraîne l’implication de plusieurs personnalités, mettant notamment en cause la couronne britannique par l’interpellation du Prince Andrew. Virginia Giuffre accuse en effet le membre de la famille royale de l’avoir agressée sexuellement quand elle avait 17 ans.
Avec une approche réaliste, Scoop aborde un aspect crucial du journalisme : la quête d’interviews exclusives. Le film suit ainsi Sam McAlister, la programmatrice de Newsnight, émission phare de la BBC, prête à tout pour convaincre la secrétaire du prince de l’inciter à participer à une interview. Bien que dramatisé, le film reste fidèle à la réalité des événements précédant la conversation, s’appuyant principalement sur les mémoires de la journaliste britannique.
Dans un contexte de plan de licenciement au sein du service public, Scoop met en lumière le travail d’équipe nécessaire à la recherche d’informations tout en rendant hommage aux grands intervieweurs de la télévision britannique comme Emily Maitlis, incarnée par Gillian Anderson. Malgré la connaissance préalable du dénouement, le film parvient à maintenir une tension palpable en présentant simultanément la préparation de l’entrevue du côté de la BBC et celle se déroulant au palais de Buckingham. À travers un montage astucieux, l’alternance entre les ébauches de questions formulées par la présentatrice Emily Maitlis et les tentatives de réponses soumises au prince crée l’illusion qu’ils sont déjà engagés dans une conversation.
En ce qui concerne le face-à-face final, la reconstitution de l’interview se révèle troublante par sa fidélité à la réalité et la remarquable transformation de Rufus Sewell en Prince Andrew. L’intérêt de cette séquence réside dans la mise en lumière constante des réactions en coulisses durant ce moment télévisuel destiné à marquer l’histoire du journalisme.
Deux ans après la sortie du film She Said, qui retrace le travail des deux journalistes du New York Times ayant dévoilé l’affaire Harvey Weinstein, Scoop continue d’illustrer l’impact durable du travail journalistique, souvent critiqué à l’ère des réseaux sociaux. Esme Wren, la rédactrice en chef de Newsnight, résume l’objectif de l’émission dans le film : “Se démener pour raconter des histoires uniques, des histoires qui doivent être racontées parce qu’elles intéressent les gens. On tient les puissants responsables et on donne la parole aux victimes”.
Le film met également en lumière la fracture entre les élites et la société. Malgré les multiples opportunités données par Emily Maitlis au Prince Andrew pour exprimer des regrets, ce dernier ne montre aucun repentir et nie des faits pourtant avérés. Cet échec de communication devant des millions de téléspectateurs aura finalement conduit à la mise à l’écart du membre de la famille royale. Comme le souligne le personnage de Sam McAlister, la programmatrice de Newsnight : “Une heure de télévision peut tout changer. C’est magique”.