Dire que le Brexit aura un impact sur la vie de son entreprise est “une vérité”. Cécile Reinaud, créatrice de Seraphine, marque à succès de vêtements pour femmes enceintes née à Londres, est une des rares chefs d’entreprise à s’exprimer sur les conséquences de la sortie du Royaume-Uni sur son business. “On est dans une inconnue très stressante et il y a une sorte de ras-le-bol face à des batailles politiques et aucune communication pour l’avenir des entreprises”, s’agace la Française, qui a donc préféré anticiper le pire des scénarios.
Seraphine va donc mettre ouvrir un nouveau centre de distribution en France, qui prendra en charge toute la logistique européenne et en particulier son activité e-commerce qui représente 60% du chiffre d’affaires de l’entreprise, s’élevant à 23 millions de livres pour 2018. Cette mesure a un coût, puisque 250 000 euros devront être déboursés pour réaliser cette nouvelle structure, qui complètera celle déjà existante en Angleterre.
Si Cécile Reinaud a pris cette décision, c’est qu’elle n’avait pas le choix. “Zalando (plateforme de ventes en ligne, ndlr) est notre premier acheteur et il a été très clair : il a dit que si les entreprises à qui il achetait n’avaient pas de structure en Europe, elles ne seraient plus leurs clientes”, confie la fondatrice de Seraphine, “heureusement que nous avions déjà créé une entreprise en France lors de notre expansion sur le continent en 2017, donc on a pu se retourner. Mais je pense à toutes les entreprises qui n’ont pas eu cette chance et qui se retrouvent en difficulté car monter une telle structure européenne ne se fait pas en cinq minutes”.
Aussi, précise-t-elle, cette mesure permet d’anticiper d’éventuelles surtaxes douanières en cas de “hard Brexit”. “On ne sait pas quelles seront les conditions d’envois de colis par exemple. Nous possédons deux magasins à Paris, alors comment les approvisionner ? Nous avions déjà un peu anticipé en réalisant du stock, mais nous préférons avoir ce plan B avec le centre de distribution en France pour basculer le plus rapidement possible en cas de besoin”.
La Française ne blâme pas son pays d’origine sur le manque d’anticipation, mais bien le gouvernement britannique et son manque de communication. “Même lui ne sait où il va”, résume-t-elle avant de lancer, “c’est tout de même incroyable, car le Brexit peut impacter l’économie et les entreprises d’une manière très violente”. Dommage, pense celle qui a fondé Seraphine en 2002, marque devenue leader européen du vêtement de maternité haut de gamme.
Aujourd’hui, la société est présente au Royaume-Uni avec 4 magasins (3 à Londres et 1 à Leeds), en France avec 2 boutiques à Paris et 2 à New-York, bien que la majorité du chiffre d’affaires soit donc réalisée en ligne. “Nous sommes d’abord une société de e-commerce, les magasins que nous avons sont nos flagships”, précise Cécile Reinaud, qui s’est lancée dans l’aventure de l’entrepreneuriat après une carrière dans la publicité à Londres. “L’idée de Seraphine est née après que nombre de mes amies m’expliquaient qu’elles ne trouvaient pas de beaux habits de grossesse”. La Française, depuis longtemps attirée par le monde de la mode, se met donc à dessiner des modèles et démarre sa société avec au départ une seule boutique sur Kensington. “Quand internet est arrivé, on s’est rapidement internationalisés”.
Bien que connue dans le monde entier, en particulier au Royaume-Uni, et très prisée par les stars américaines comme avec la chanteuse Gwen Stefani ou encore l’actrice Anne Hathaway, sans compter la famille royale de Suède, c’est avec Kate Middelton, la duchesse de Cambridge, que les choses ont pris une nouvelle dimension. “Lors de sa première grossesse, elle n’avait pas porté la marque en public, c’est lors de la publication de la photo officielle avec le prince George et le prince William qui a fait le tour du monde qu’il y a eu un coup de projecteur énorme”, raconte Cécile Reinaud. En effet, sur le cliché, l’épouse du futur roi d’Angleterre pose avec une robe signée Seraphine. L’effet est immédiat, notamment aux Etats-Unis, et cela tombait bien puisque le site internet dédié à ce territoire venait juste d’être lancé.
L’entreprise, qui compte aujourd’hui 120 salariés dont 10 en France, connaît alors une croissance exponentielle passant de 8 à 23 millions de livres de chiffres d’affaires en 5 ans. Cécile Reinaud est plutôt fière de ce joli parcours, mais ce qui l’a beaucoup marqué c’est de recevoir en 2015 le Queen’s Award récompensant les meilleures entreprises britanniques.
D’ailleurs, considère-t-elle son affaire comme plus britannique que française ? “Au début, j’ai beaucoup cultivé la carte de la “French touch”. Mais dans l’esprit des gens, la marque est maintenant très associée à Kate Middleton donc davantage britannique. Cependant, j’aime garder cette identité française qui est la nôtre”. Et malgré le contexte du Brexit, Cécile Reinaud maintient le cap. “C’est vrai que l’incertitude entourant cette sortie bloque un peu le développement, mais nos bureaux restent à Londres et nous avons encore plein de projets dont l’ouverture de nouveaux magasins en France en particulier comme à Lyon”.