Pendant une semaine, du lundi 3 au dimanche 9 juin, les sens de citoyens urbains s’arrêteront de fonctionner, excepté la vue. En effet, tous les jours de la semaine, de 10am à 10pm, et le dimanche jusqu’à 1pm, les œuvres de trois artistes seront présentées à 54 The Gallery, à Mayfair. Près de 100 photos et peintures occuperont les murs de la galerie dans le cadre de l’exposition, “The Silent City”. Une quarantaine d’entre elles viendront du travail de la photographe française basée à Londres, Sonia Fitoussi, qui a fait de Londres son atelier favori depuis plus de 15 ans.
La Française est celle qui est à l’origine de cette exposition ultra-moderne, qui de mieux placée donc pour en parler ? “De manière générale, les villes sont très bruyantes, il y a toujours du bruit partout. Cette exposition, ce sont donc des photos de villes mais sans le son bien évidemment, pour qu’on l’imagine”, explique-t-elle. La faculté de ses photos est de réduire au silence le bruit incessant de mégapoles comme Londres ou New York, pour intensifier l’impact visuel et ainsi, rendre ces clichés encore plus retentissants.
Pour ce faire, Sonia Fitoussi n’est pas toute seule à partager l’affiche et s’est associée à deux artistes britanniques qu’elle apprécie particulièrement. “Au début, je devais exposer seule et puis je me suis dit que cela serait plus intéressant pour les visiteurs de voir plusieurs artistes, d’avoir une diversité. Même pour moi, c’est plus enrichissant. J’ai donc invité David Goold et Stephen Brook”. Respectivement photographe et peintre, ils partagent des goûts en commun avec la Française, ce qui réalise l’unité de l’exposition, comme elle le confie. “On a une sensibilité commune car les deux travaillent beaucoup les ombres, la lumière, la ville… On aime les mêmes choses et même si nous ne sommes pas identiques, nous avons en commun des centres d’intérêts et l’humour dans nos œuvres”.
Si Sonia Fitoussi est loin d’en être à sa première exposition et à ses premiers pas dans la photographie, rien ne laissait présager une telle carrière. Parisienne de toujours, elle a entamé et suivi des études de droit dans le domaine de la propriété industrielle avant de devenir avocate. Cependant, sa première grossesse lorsqu’elle était relativement jeune a fait qu’elle n’a pas exercé pendant très longtemps. De plus, une mutation de son mari vers la capitale anglaise va lui faire prendre un virage professionnel inattendu mais définitif. “Quand je suis arrivée à Londres il y a 15 ans avec mon mari et mes enfants, j’ai arrêté mon métier d’avocate. Quand j’ai eu mes enfants, je me suis dit que je reprendrais mes activités après leur naissance. Et puis de fil en aiguille, je n’ai pas repris et cette situation me plaisait comme ça (rires). En parallèle, je prenais des photos de Londres sans être une vraie photographe, et finalement j’ai développé une passion pour la photo”. Si à l’origine, elle prenait la ville en photo pour se souvenir des lieux qu’elle visitait, au fur et à mesure qu’elle montre son travail à ses amis et sa famille, elle est encouragée par ces derniers à en faire plus qu’un hobby.
La professionnalisation de Sonia Fitoussi s’est alors faite progressivement et de manière relativement inconsciente. “Je ne me suis pas dit que je voulais être professionnelle, mais que je voulais comprendre ce que je faisais. J’ai commencé à me prendre au jeu et à lire beaucoup sur le sujet, à me documenter”, narre-t-elle. Par peur de perdre son instinct qui fait son style, la néo-Londonienne ne suit pas de formations longues et n’a donc pas de diplôme de photographie. Pourtant, ce n’est pas ce qui l’empêche de réaliser la première exposition de ses clichés dès 2010 dans une ancienne librairie française à Londres. Ainsi, cette expérience fut la première d’une longue série qui la verra exposer son travail en Angleterre à trois autres reprises, et en France puisqu’elle sera notamment invitée au festival de photographie “Planche(s) Contact” de Deauville.
Afin de pouvoir être la tête d’affiche d’exposition, l’ancienne avocate a su se forger un style à part qui la démarque d’autres artistes. Sonia Fitoussi le décrit avec objectivité, tout en restant humble. “Je pense avoir un style à moi qui n’a pas tellement changé depuis mes débuts. Mes photos sont quand même très colorées, très gaies avec un petit côté rigolo. Je décrirais l’humour de mes photographies comme des situations incongrues, insolites. Cela peut être un homme en slip dans le métro par exemple”. Le style de la photographe reconvertie est intimement lié à ses techniques de travail qui allient clichés prémédités et spontanés. “Parfois, il y a des jours où je me dis que je vais aller faire de la photo, où je prends mon meilleur matériel. Sinon, il y a d’autres jours où, comme c’est plus qu’une passion, c’est une obsession, j’ai toujours un petit appareil photo sur moi au cas où et j’ai toujours l’œil aux aguets”.
15 ans après avoir quitté Paris, sa ville natale, Sonia Fitoussi reste fidèle à Londres dont elle ne se lasse pas. “C’est un peu ‘bateau’ de dire ça mais c’est une ville tellement vivante, colorée. Moi qui aime le rouge, je suis servie entre les bus, les boîtes aux lettres, les cabines téléphoniques”, plaisante la Française, avant d’ajouter, “lors de mes premières années, j’étais émerveillée et ce qui est génial c’est que je le suis toujours. Cela me permet d’être ouverte et de pouvoir faire des belles photos car c’est ce sentiment qui me guide”.
Pourtant, depuis peu, Sonia Fitoussi s’est décidée à chercher de nouvelles inspirations dans son travail. Malgré son émerveillement constant pour la capitale anglaise, elle s’est tournée depuis cette année vers de nouveaux horizons. “Cette année, j’ai décidé de partir seule faire de la photo à New York pendant une semaine. C’était une expérience superbe et je me suis promis de partir comme ça chaque année, car j’ai besoin de découvrir des villes nouvelles pour me donner un second souffle”.
Certains des nombreux clichés qu’elle a eu l’occasion de prendre dans la Ville qui ne dort jamais feront partie de l’exposition “The Silent City”. Au cours de l’année passée, à New York s’est ajoutée une autre destination qui a fait, pendant une semaine, office de terrain de jeu pour la Française : Miami. Si ces voyages pourraient laisser croire à une forme d’américanophilie chez elle, il n’en est rien puisque Sonia Fitoussi a d’ores et déjà d’autres projets en tête afin d’explorer des villes du monde entier. “Je n’ai pas encore décidé de l’endroit où je vais aller l’année prochaine, mais j’aimerais bien aller au Japon, peut-être d’ici deux ou trois ans”, révèle-t-elle. Peut-être serait-ce alors l’occasion d’une exposition spéciale sur les paysages urbains du pays du Levant, nous le saurons bien assez tôt.