Il y a maintenant presque 12 ans, les Jeux olympiques de Londres débutaient avec éclat. Paul McCartney envoûtait la foule avec “Hey Jude”, et la reine faisait une apparition remarquée, sautant d’un hélicoptère aux côtés de James Bond lors de la cérémonie d’ouverture. Ce spectacle inoubliable, suivie de deux semaines de compétition sportive passionnante, a laissé de nombreux souvenirs heureux dans les esprits. Cependant, dans le sillage des Jeux olympiques, de nombreuses villes se retrouvent avec des infrastructures coûteuses et souvent peu utilisées, voire abandonnées. Pour éviter cette perte, Londres a créé en avril 2012 la Legacy Corporation. Cette organisation est chargée de gérer la transition de l’héritage des Jeux. Alors, qu’est-il advenu de Stratford, le quartier défavorisé de l’est de Londres où se sont déroulés les Jeux ?
Rebaptisé le Queen Elizabeth Olympic Park, l’ancien parc olympique compte aujourd’hui plus de 100 hectares, ce qui en fait le plus grand parc urbain aménagé ces 150 dernières années en Europe. Ouvert le long de la rive Est de Londres, cet immense espace vert permet aux habitants et visiteurs de se balader le long des installations sportives de 2012.
London Stadium
Cet édifice emblématique avait accueilli les cérémonies d’ouverture et de clôture ainsi que les compétitions d’athlétisme. Après les Jeux, plusieurs clubs anglais se sont portés candidats pour en prendre possession, notamment les clubs de football de Tottenham et de West Ham, ainsi que les clubs de rugby des London Wasps et des Saracens.
Après une longue bataille juridique, le club de West Ham a finalement remporté la mise. Des travaux de rénovation considérables, d’un coût de 321 millions d’euros, ont été entrepris pour adapter le stade aux besoins du club de football. Tout en servant de domicile au club de West Ham, le stade reste également ouvert à des événements sportifs majeurs tels que les championnats du monde d’athlétisme et de rugby, ainsi qu’à des concerts, mettant en vedette des artistes internationaux.
London Aquatics centre
Après une période de travaux de plus d’un an visant à retirer les gradins, la piscine, qui avait été le théâtre des épreuves de natation et de plongeon lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2012, a été transformée en piscine municipale. Le tarif d’entrée est identique à celui des autres piscines de la ville.
Depuis sa réouverture le 1er mars 2014, un million de personnes profitent chaque année de ses installations. De plus, la piscine a eu l’honneur d’accueillir une variété d’événements nationaux ou internationaux tels que les championnats britanniques de natation 2024 qui se sont tenus en avril dernier et ont joué un rôle important dans la qualification des membres des équipes britanniques pour les Jeux de Paris 2024.
Le mauvais élève : la Tour Arcelor Mittal Orbit
Seule la Tour Arcelor Mittal, emblème des Jeux Olympiques de Londres, semble ne pas tenir toutes ses promesses. Érigée à une hauteur impressionnante de 115 mètres, entre le parc olympique et le centre aquatique, cette structure métallique devait constituer un héritage permanent de ces jeux.
Dotée de deux plateformes d’observation offrant aux visiteurs une vue panoramique sur l’ancien parc olympique, la tour n’a cependant pas réussi à captiver l’attention du public ; les touristes semblent la délaisser et les chiffres de fréquentation sont beaucoup moins importants qu’espérés.
Pour remédier à cette situation, la ville envisage de réduire le prix des billets d’entrée et d’introduire des animations. En 2016, dans le but de rendre la tour plus attractive, un toboggan géant a été ajouté à sa structure. Conçu par l’artiste anglo-indien Anish Kapoor, cet ajout spectaculaire mesure 180 mètres de longueur et propose une descente de 40 secondes comprenant 11 virages et 50 mètres de ligne droite. Pour profiter de cette attraction, les tarifs sont fixés à £9 pour les enfants et £15 pour les adultes.
La Copper Box Arena
La Copper Box Arena, qui avait accueilli certains matchs de handball lors des Jeux olympiques, a élargi son offre pour accueillir désormais plus de 20 disciplines sportives, dont le basketball, la boxe, le badminton et la gymnastique de haut niveau.
De plus, l’équipe de basketball locale des London Lions y a établi son domicile. Le site s’est également imposé comme leader mondial des e-sports et accueille certains des plus grands tournois comme la League of Legends, Gran Turismo ou Call of Duty.
Près de 12 ans après les Jeux olympiques de Londres, les retombées sur le logement dans l’est de la ville continuent de susciter des débats. Malgré les promesses initiales de réhabiliter Stratford, banlieue pauvre et industrielle de l’est de la capitale, en construisant entre 30,000 et 40,000 nouveaux logements, moins de la moitié ont été réalisés. De cette moitié existante seulement un tiers des logements sont considérés comme abordables et 11% des unités disponibles affichent des prix équivalents à des logements sociaux. Cette situation est symbolique de la crise du logement, illustrée par les 75,000 personnes toujours en attente d’un logement social.
Bien que les autorités mettent en avant le succès durable des Jeux de Londres, la réalité est que l’ancien village olympique s’est transformé en quartier luxueux : des milliers d’anciens résidents ont été relogés en dehors de la régions depuis les Jeux olympiques et d’après une étude de Property Partners, le prix des appartements dits sociaux oscillerait entre 355,000 et 710,000€.
Cependant, la London Legacy Development Corporation se veut rassurante pour l’avenir en prévoyant la construction de 24,300 nouveaux logements d’ici à 2031. Néanmoins, les promoteurs immobiliers, attirés par ce nouveau quartier moderne, cherchent à faire monter les prix, suscitant les préoccupations du maire de Londres, Sadiq Khan, qui lutte contre la gentrification de Stratford.
Ces inégalités persistantes soulignent les défis non résolus en matière d’héritage social des Jeux olympiques de Londres. Alors que d’autres villes, comme Paris, observent attentivement le modèle londonien dans l’idée de reproduire le modèle de Stratford à Saint Denis, les questions de justice sociale et d’accès au logement restent au cœur des préoccupations pour les organisateurs des futures éditions des Jeux.
Londres a marqué l’histoire olympique de trois manières. D’abord en faisant exploser les codes des cérémonies d’ouverture et de clôture, confiées au réalisateur britannique Danny Boyle, qui y a introduit de l’humour (la reine en duo avec James Bond) et beaucoup de musique (la cérémonie de clôture ressemblait davantage à un vaste concert). Ensuite en portant à un degré de perfection jamais atteint jusque-là l’utilisation des sites historiques de la ville. Les triathlètes ont couru dans Hyde Park, les nageurs longue distance ont plongé dans The Serpentine. Le contre-la-montre cycliste s’est achevé au pied de Hampton Court, le 50 km marche devant les grilles de Buckingham. Nul besoin de chercher où Paris 2024 a trouvé l’idée du beach-volley sous la Tour Eiffel.
Enfin, Londres 2012 a définitivement installé les Paralympiques dans le programme olympique. Programmés quelques semaines plus tard, ces Jeux ont battu des records : 2,42 millions de tickets vendus (sur 2,5 millions disponibles), des retransmissions quotidiennes (500 heures de direct en Grande-Bretagne) et des piques d’audience historiques (11,2 millions de personnes au Royaume-Uni pour la cérémonie d’ouverture). Rio 2016, tenté pour raisons financières de brader l’événement, a été obligé de suivre.
En juillet 2005, Tony Blair déclarait déjà au Comité International Olympique : “Notre vision est de voir des millions de jeunes supplémentaires à travers le monde participer au sport et améliorer leur vie. Londres a le pouvoir de faire en sorte que cela se produise. C’est une ville avec une voix qui parle aux jeunes.”
Pour concrétiser cette ambition, David Cameron a annoncé après la fin des Jeux que les sports collectifs tels que le netball et le football seraient intégrés au programme des écoles primaires, avec un financement annuel de £125 millions, provenant des fonds de la loterie nationale, pour soutenir la formation et l’entraînement des sportifs de haut niveau jusqu’aux Jeux de Rio.
Cependant, cette décision a été fortement critiquée, surtout compte tenu de la réduction importante du budget sport des écoles sous le gouvernement Cameron, conséquence de l’austérité la plus sévère depuis la Seconde Guerre mondiale. L’opposition affirmait alors que le budget sport avait diminué de 67% depuis que les conservateurs étaient arrivés au pouvoir, et les Tories avaient abandonné l’objectif, fixé par le gouvernement précédent, de deux heures hebdomadaires obligatoires d’éducation physique et sportive pour les écoliers.
Malgré ces initiatives et les 29 médailles d’or gagnées par les athlètes britanniques, l’hypothèse selon laquelle la tenue d’un grand événement sportif comme les Jeux olympiques favoriserait la pratique sportive n’a pas été validée en Angleterre. En effet, les niveaux nationaux d’obésité ont continué d’augmenter pendant et après les Jeux, avec une explosion de l’obésité infantile.
Les chiffres de Sport England en 2015 ont révélé des niveaux de participation inférieurs à ceux d’avant les Jeux, et une décennie après Londres 2012, les Britanniques sont moins enclins à pratiquer le sport, ce qui accentue les inégalités en matière de santé selon des critères sociaux, économiques, ethniques et géographiques.
En ce qui concerne le sport, l’héritage des Jeux olympiques est donc mitigé, en grande partie en raison de l’austérité qui a entraîné des coupes drastiques dans les budgets des conseils municipaux en charge des activités sportives locales.