“L’objectif est d’aider les bénéficiaires à adopter une routine de bien-être et de soins personnels, tout en soulignant l’importance de ces pratiques”, explique Natacha Sullivan à propos de son métier de socio-esthéticienne, “de plus, la parole joue un rôle crucial : lors des sessions individuelles, certaines personnes viennent non pas pour des soins, mais pour discuter et partager leurs pensées”.
La socio-esthétique est une pratique professionnelle qui propose des soins esthétiques aux personnes fragilisées. Elle a pour mission d’aider ces personnes à surmonter leur mal-être et leur souffrance, à reconstruire leur estime de soi, et à favoriser leur resocialisation. Française représentant le Royaume-Uni au Comité de Socio-Esthétique, Natacha Sullivan a créé son entreprise The Beauty of Caring à Bristol et travaille étroitement avec des associations locales, tout en s’efforçant de faire connaître cette profession en Angleterre.
Après avoir obtenu un BTS en force de vente, Natacha Sullivan décide de changer de voie pour travailler dans le domaine administratif, un emploi qu’elle continue après son expatriation en Belgique. C’est pendant cette période à l’étranger qu’elle découvre une publication sur les réseaux sociaux. “J’étais sur Facebook et je suis tombée sur la vidéo d’une dame prodiguant des soins esthétiques à des personnes en situation de précarité, et ça m’a immédiatement parlé”, se souvient-elle.
À l’époque, la jeune femme n’avait jamais entendu parler de la socio-esthétique en France, et de retour à Paris, elle se rapproche donc d’une association spécialisée. “J’ai rencontré la présidente qui m’a donné plus d’informations, confirmant mon choix. Le timing était parfait car durant cette période, la première formation universitaire parisienne venait d’ouvrir ses portes”, raconte-t-elle. Cependant, la jeune femme n’intègre pas directement la formation car, comme elle l’explique, “pour être socio-esthéticienne, il faut d’abord avoir un CAP d’esthétique”.
Assurée de son choix, la Française quitte donc son poste d’assistante administrative au Conseil général des Hauts-de-Seine et suit une formation accélérée d’un an pour adultes à la Chambre de Commerce et de l’Artisanat du Val-de-Marne. En 2012, elle obtient son diplôme en socio-esthétique, “une formation nécessaire pour obtenir des compétences dans les secteurs de la santé et du social”, affirme-t-elle.
Dans le cadre de son cursus, Natacha Sullivan découvre le milieu hospitalier en effectuant un stage dans les services d’oncologie et d’Alzheimer. “En France, la socio-esthétique est très axée sur ces milieux, notamment comme soin de soutien pour les personnes atteintes de cancer”, révèle la praticienne. Cependant, cette profession s’adresse à un public bien plus large : “les personnes âgées, les adolescents ayant des problèmes mentaux et physiques, les sans-abri, les personnes en situation de précarité, les hommes et les femmes ayant des addictions, les victimes de violence, et même les prisonniers dont on parle trop peu”, détaille la spécialiste.
Natacha Sullivan sait immédiatement qu’elle veut travailler dans le secteur social. Cependant, la socio-esthétique étant encore un domaine avec peu de professionnels, elle collabore étroitement avec ses collègues pour partager et répartir le travail. “Après ma formation, j’ai eu la chance de trouver rapidement une collègue et amie. Comme elle avait beaucoup de missions, elle me proposait de la remplacer pour différentes associations, et c’est comme ça que tout a commencé”, se souvient la Française.
En 2014, Natacha Sullivan fait le choix de s’installer à Bristol, pour vivre dans le pays d’origine de son mari, et commence à approcher les associations pour proposer ses services. “J’ai frappé à de nombreuses portes pour introduire la socio-esthétique, mais aucune ne s’est ouverte. J’étais assez frustrée après avoir consacré tant de temps à ma formation pour ce résultat”, raconte-t-elle. La praticienne est d’autant plus surprise par cet accueil que “la socio-esthétique a débuté en Angleterre dans les années 1960, mais on ne sait pas pourquoi cela n’a pas continué”.
Cependant, la Française n’abandonne pas et décide de travailler bénévolement pour faire connaître son métier. “Je me suis dit que c’était dommage d’abandonner simplement parce que j’étais à l’étranger, alors j’ai fait du bénévolat dans plusieurs associations pour tester la socio-esthétique”, explique-t-elle.
En parallèle, la thérapeute spécialisée travaille pendant cinq ans dans une école française à Bristol. En 2016, elle obtient un certificat en thérapie à l’université de Bristol. “Je me suis dit que ce serait utile d’ajouter une compétence à mon bagage en socio-esthétique. Cela m’a permis d’adopter une autre approche et d’acquérir un vocabulaire anglais plus précis pour communiquer avec mes patients”, affirme-t-elle.
Grâce à son adaptation à la culture britannique et à son travail avec des associations locales, son métier gagne en visibilité et en 2022, la BBC de Bristol lui consacre une séquence de reportage, qu’elle partage sur Instagram.
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“J’avais envie, depuis un moment, de quitter mon travail à l’école française pour me lancer. La vidéo de la BBC a été un déclic qui m’a poussée à franchir le pas”, confie-t-elle. Le défi principal de cette aventure était de créer une entreprise sociale autour d’une idée encore peu connue au Royaume-Uni et de trouver des financements pour la soutenir, révèle Natacha Sullivan.
Avant de lancer son projet, l’entrepreneuse se rapproche de la Fondation L’Oréal à Paris. Depuis plus de dix ans, cette fondation soutient le projet Beauty for a Better Life, qui promeut les bienfaits des soins de beauté et de bien-être dans l’accompagnement des personnes fragilisées. Le groupe a été intéressé par son projet en raison de son ambition d’ouvrir la socio-esthétique à l’international.
Grâce à cette aide, les associations peuvent intégrer la socio-esthétique dans leurs activités, et la spécialiste leur propose deux types de services : des sessions collectives et des séances individuelles. Pour les ateliers collectifs, la professionnelle aborde toujours un thème lié aux soins personnels et veille à ce que ces pratiques soient reproductibles à la maison, avec des produits peu coûteux, souvent disponibles dans la cuisine. “Les sessions collectives sont très importantes. Elles permettent de rompre l’isolement, d’encourager l’autonomie, de favoriser l’entraide”, souligne-t-elle.
Quant aux séances individuelles, Natacha Sullivan y voit un autre type de bénéfice : “Elles offrent à la personne l’occasion de s’ouvrir plus facilement, de me faire confiance, et de se confier dans un cadre confidentiel”. Alors que la beauté est souvent considérée comme un intérêt secondaire dans la prise en charge des personnes vulnérables, la socio-esthétique souligne son importance dans la relation à soi et aux autres.
Depuis que The Beauty of Caring bénéficie du soutien de la Fondation L’Oréal, l’entreprise commence à se faire connaître et reçoit des demandes de diverses associations. Par exemple, l’association Big Issue, qui aide les sans-abri et les personnes précaires, a récemment sollicité Natacha Sullivan à Cardiff. “Même s’il faut faire des allers-retours, c’est une très belle opportunité. Je suis heureuse de pouvoir étendre mon métier au-delà de Bristol. J’espère un jour pouvoir le faire à Londres”, raconte-t-elle.
Cette évolution nourrit l’espoir qu’un jour, un espace dédié au bien-être pour les personnes vulnérables puisse ouvrir au Royaume-Uni, comme c’est déjà le cas en France. “La fondation souhaite concrétiser des projets à l’international. Si c’est possible en France, pourquoi pas ici ?”, s’enthousiasme l’experte.
Natacha Sullivan est également la représentante britannique du Comité de socio esthétique, un comité français mais qui souhaite s’internationaliser pour promouvoir la profession et attirer d’autres socio-esthéticiennes via des conférences et de la communication. Un point qui lui tient particulièrement à cœur car l’entrepreneuse espère dans le futur pouvoir “former les jeunes générations, aller dans les écoles d’esthétique britannique et parler du métier”.
Pour plus d’informations sur le projet The Beauty of Caring ou pour contacter l’entreprise : ici