Autrice et journaliste britannique, Catherine Mayer est une militante des droits des femmes depuis de nombreuses années. Elle a d’ailleurs co-fondé en 2015 un mouvement, Women’s Equality Party, dont elle a assuré la présidence jusqu’en décembre dernier. “Les droits des femmes et, plus généralement, la lutte pour un monde meilleur, ont toujours fait partie de ma vie”, confie-t-elle.
Alors quand elle a pris connaissance de l’affaire des viols de Mazan, où étaient jugés Dominique Pelicot et une cinquantaine d’autres hommes accusés d’avoir violée pendant dix ans Gisèle Pelicot, elle a suivi le procès de quatre mois d’une oreille attentive. “J’ai moi-même été victime de violence sexuelle, de manière bien moins grave, mais cela a eu un impact considérable sur ma vie. D’ailleurs, je connais peu de femmes et de filles qui n’en ont jamais été victimes”.
En refusant le huis clos, Gisèle Pelicot est devenue aux yeux de nombreuses personnes, dont Catherine Mayer, une figure internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes. Au moment du verdict, et après avoir pris connaissance de la une du Time – magazine pour lequel elle a travaillé- désignant Donald Trump comme personnalité de l’année, lui est alors venue une idée : lancer une pétition pour demander à ce que le Prix Nobel de la Paix soit attribué cette année à Gisèle Pelicot. Elle “est parvenue à briser le brouillard de la désinformation en renonçant à l’anonymat pour assister au procès de ses agresseurs et témoigner”, écrit ainsi la Britannique dans sa pétition, soulignant les mots de la Française à l’issue du verdict : “Je veux que vous sachiez que nous partageons le même combat. Lorsque j’ai ouvert les portes de ce procès, j’ai voulu que toute la société soit témoin des débats qui ont eu lieu ici. J’ai maintenant confiance en notre capacité à trouver un avenir meilleur où tous, femmes et hommes, pourront vivre en harmonie dans le respect et la compréhension mutuelle”.
Ainsi, pour Catherine Mayer, “personne ne mérite plus le prix Nobel de la Paix que Gisèle Pelicot”. “Elle a, dans son courage, fait bien plus que quiconque pour mettre en lumière la nature exacte de cette guerre sur les violences sexuelles faites aux femmes”. Lancée le 20 décembre dernier, jour du verdict, la pétition a recueilli depuis près de 130,000 signatures. Les internautes signataires sont nombreux à réagir, comme Holly Button expliquant que Gisèle Pelicot lui “donne l’espoir qu’il existe un avenir pour l’égalité et le respect”. Ou encore : Elle “a donné une voix à de nombreuses autres victimes dans le monde qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas s’exprimer”, écrit pour sa part Val Weedon.
Catherine Mayer confie qu’elle n’a pas essayé d’entrer en contact avec la Française. “J’ai lancé cette pétition en un après-midi. Je n’ai pas essayé de la contacter car je ne voulais pas la déranger ou attirer davantage l’attention sur elle. Je respecte son désir, dans le contexte de ce qui s’est passé, de garder autant de contrôle et d’intimité que possible. J’espère donc qu’elle ne m’en voudra pas d’avoir fait ça”. L’autrice avoue qu’elle ne s’attendait pas non plus à ce que la pétition prenne autant d’ampleur. “Je n’étais pas sûre de pouvoir influencer de quelque façon que ce soit le processus de nomination pour le Nobel, j’essayais simplement de lui rendre hommage. Mais quiconque lira la pétition comprendra ce qu’il y a de si extraordinaire dans ce que Gisèle Pelicot a accompli en rendant publique l’affaire”.
Comme la Française, Catherine Mayer espère que la honte changera de camp. Si elle reconnaît que l’affaire a été médatique, elle analyse cela par le fait que les médias l’ont vu comme exceptionnelle, du fait du nombre des accusés. “Mais c’est le contraire. Ce n’est pas une exception, c’est ce qui arrive dans ce genre d’affaires. La personne à côté de chez vous, la personne que vous connaissez, le membre de la famille, tous peuvent commettre des violences sexuelles, qui sont un risque pour chaque femme, chaque fille”. C’est pourquoi, elle supplie de ne pas lâcher ce combat. “Nous avons vu quelque chose de similaire se produire avec le mouvement #MeToo, qui a fait beaucoup parler au départ. Et puis très vite, il y a eu une sorte de réaction violente, où les gens se sont dit : “Oh, c’est fini, vous savez, on en a marre de tout ça maintenant”, “c’est allé trop loin”. Non, ce n’est pas vrai, ce mouvement vient à peine de commencer. C’est l’autre raison qui m’a poussé à lancer cette pétition”.
La Britannique garde donc bon espoir que le message parvienne au comité du Prix Nobel, alors que la date limite pour proposer un candidat ou une candidate est fixée chaque année au 31 janvier.