Isabelle* est rentrée lundi 24 mai de Paris, après un week-end express. Cette Française de Londres de 43 ans a traversé la Manche non pas pour aller voir sa famille mais pour recevoir sa seconde dose de vaccin anti-Covid. “J’ai eu ma première dose début mars”, explique-t-elle. Le problème, c’est qu’elle a reçu du Astrazeneca et qu’elle a développé quelques jours après des “effets secondaires inquiétants”. “J’ai eu une jambe qui a gonflé et des veines qui sont sorties alors que je n’avais jamais eu de problème veineux avant”, détaille Isabelle, qui a alors saisi dans la foulée le NHS leur expliquant qu’elle craignait pour sa seconde dose. “Mais ils n’ont rien voulu savoir”, déplore-t-elle encore aujourd’hui. Bas de contention, Daflon (un veinotonique)… Les effets se sont un peu estompés après quelques jours mais pas assez pour cesser de l’inquiéter.
C’est sur les réseaux sociaux qu’elle s’est alors rendue compte qu’elle n’était pas la seule dans son cas. “Beaucoup de femmes notamment se posaient des questions après des problèmes veineux suite à leur dose d’Astrazeneca”, raconte la Française. Isabelle, qui a souffert d’un cancer de la thyroïde, décide alors de ne pas faire sa seconde dose à Londres. Avant de prendre rendez-vous sur Doctolib pour réserver un créneau d’injection d’un vaccin à ARN Messager en France, la quadragénaire contacte par mail le ministère des Affaires étrangères. “J’ai reçu en réponse une lettre type expliquant qu’il était possible, en tant que Français de l’étranger, de se faire vacciner en France, mais seulement quand les conditions de voyage seraient possibles et en respectant les priorités d’âge”.
Elle se renseigne aussi auprès d’un cabinet médical privé de Londres pour obtenir conseil. “Le médecin, qui était français, m’a dit qu’à mon âge je devrais plutôt avoir un vaccin à ARN Messager”, le professionnel se référençant ainsi sur la règle en vigueur en France : pas d’Astrazeneca pour les moins de 55 ans. Il lui prescrit alors une ordonnance qu’elle amènera ainsi à Paris, elle se procure également un certificat de son assurance santé privée. “J’ai pris rendez-vous pour le samedi et je suis partie vendredi”, confie Isabelle, qui arrivait à la fin de sa 11ème semaine de sa première injection. “Quand je suis arrivée au centre de vaccination, je leur ai expliqué la situation, mais on m’a dit que ce n’était pas possible car il fallait attendre 12 semaines complètes”.
Ce délai est une condition sine qua non. En effet, interrogée par nos soins, la Direction générale de la santé (DGS) en France a confirmé que les données scientifiques recommandait un délai de trois mois entre deux doses de vaccins différents. “Cet intervalle rend le mélange des vaccins beaucoup plus efficace. Les personnes seront ainsi mieux protégées”, confirme la DGS. Le ministre français de la Santé, Olivier Véran, a par exemple lui aussi dû attendre 12 semaines avant de recevoir sa dose de Moderna, après une première d’Astrazeneca.
Problème, Isabelle a calé son retour pour le lundi. “J’ai dépensé £300 entre mon test PCR aller, puis le kit de tests de retour, et ça, sans compter mes billets Eurostar”. Donc pas question de repartir sans sa dose. “Mais ils n’ont rien voulu savoir”. Prise de panique, sachant que le lundi était férié en France, elle réserve un nouveau créneau dans un autre centre basé en Ile-de-France. “Là-bas, les médecins se sont concertés sur mon cas”, confie-t-elle, “j’étais au bord des larmes. Finalement, ils m’ont donné le feu vert”. Elle reçoit Pfizer et repart le cœur léger, son attestation de vaccination en main. “Je me suis sentie libérée, après un week-end très stressant, je ne pensais pas devoir pleurer pour un vaccin”, avoue-t-elle, “si seulement on m’avait laissé le faire ici, cela aurait été plus simple, mais le NHS manque vraiment de flexibilité alors même qu’on parle de notre santé”.
Isabelle n’est pas un cas isolé. En effet, de nombreux Français échangent sur les réseaux sociaux sur le sujet. Comme Anna*, âgée de 41 ans et qui ne veut pas de deuxième dose d’Astrazeneca. “J’ai une de mes jambes qui me fait mal depuis mon vaccin, franchement je m’inquiète”, explique la Française, “le problème c’est que le NHS ne veut rien entendre. Mon médecin en France, que j’ai appelé, me conseille de faire un doppler, mais ici impossible sans référence de son GP. Et je n’ai pas les moyens d’aller dans le privé”.
Souhaitant rentrer en France en juillet pour visiter sa famille, qu’elle n’a pas revu depuis plus d’un an, elle en profitera pour faire une dose d’un autre vaccin. “Je ne sais pas ce que vaut le mélange des vaccins, mais le ministre français de la Santé l’a fait, donc je me dit que ça devrait aller. En même temps, à choisir entre ça ou une deuxième dose d’Astrazeneca ici, je crois que je n’ai pas besoin de réfléchir longtemps”. Mais sans carte vitale, comment compte-t-elle faire ? “J’ai lu un peu partout qu’il suffisait de présenter sa carte d’identité, je vais essayer, je n’ai rien à perdre”.
Contactée par nos soins sur la possibilité d’aller faire sa seconde dose en France, la DGS a simplement répondu : “Pour ne pas perturber les chaînes logistiques, les citoyens qui le peuvent sont encouragés à recevoir leurs différentes injections dans leurs pays de résidence et selon les règles en vigueur. Pour ce qui est des situations exceptionnelles nécessitant de recevoir des injections dans des pays différents, des travaux sont en cours dans l’objectif d’accompagner au mieux les personnes concernées”. En somme, c’est ni oui, ni non. Mais dans la pratique, certains Français installés au Royaume-Uni ont pu quand même recevoir sans problème leur dose en France.
Cependant, si la première dose d’Astrazeneca faite en Angleterre est reconnue par le gouvernement français, la seconde dose reçue en France ne l’est pas par le gouvernement britannique. Le Département de la Santé prévient en effet que “le service du “statut de vaccination Covid 19”, disponible via l’application NHS, le site web du NHS ou une lettre du 119, n’est disponible que pour les personnes en Angleterre qui sont enregistrées auprès d’un médecin généraliste. Ce service ne peut accéder aux données de vaccination qu’en Angleterre et ne peut pas enregistrer les vaccinations effectuées à l’étranger”. Ce qui pourrait avoir un impact sur l’éventuel pass sanitaire, peut-être nécessaire dans le futur pour se rendre dans certains événements ou lieux.
Egalement interrogé sur la reconnaissance du mélange des vaccins, le ministère britannique explique qu’il “n’est actuellement pas recommandé par le JCVI (comité sur la vaccination) car il existe des preuves limitées sur l’effet et ne sera donc pas actuellement reconnu comme ayant reçu une vaccination complète”.
*Prénoms modifiés à la demande des interviewées