Après des années au pays de Shakespeare, il arrive évidemment que des Français tombent sous le charme d’un ou d’un(e) Britannique et que le couple décide ensuite de s’établir dans l’Hexagone. Sauf que, depuis le Brexit, ce n’est plus aussi simple et les ressortissants du Royaume-Uni doivent obtenir des autorisations de séjour pour vivre en France. Quelles possibilités envisager et quelles sont les procédures ? French Morning London fait le point.
Aujourd’hui, hors séjours de courte durée (90 jours, au plus), pour le tourisme notamment, les Britanniques doivent en principe solliciter visas et titres de séjour pour vivre en France. Avocate au barreau de Nantes, Céline Guinel-Johnson se montre néanmoins rassurante : « Il y a quand même une bienveillance administrative à l’égard des Britanniques qui sont des familles de Français (voire plus généralement des Britanniques, NDLR). (…). Globalement, ça se passe bien ».
Bien sûr, si votre partenaire peut obtenir la nationalité française, éventuellement avant le départ, cela peut simplifier les choses… A l’étranger, celle-ci s’acquiert – à titre exceptionnel – parce que l’étranger (Britannique) travaille pour l’Etat français ou que son activité présente un intérêt particulier pour l’économie ou la culture française…
Ou, plus souvent, via le mariage avec un(e) Français(e). « C’est une demande de nationalité par déclaration », indique Fatou Tall, chez Heaume Avocat à Paris. Il faut au moins 4 ans d’union – on parle bien de mariage, le pacs n’est pas concerné – et que l’époux français ait bien été inscrit sur le registre des Français établis hors de France (ou il faut attendre 3 ans de résidence en France), sinon la durée qualifiante passe à 5 ans.
L’acte de mariage est à fournir ou bien la copie de sa transcription sur les registres consulaires si le mariage a eu lieu à l’étranger (important, sinon l’union n’est pas valable pour la loi française). Le conjoint étranger doit en outre attester d’un niveau B1, indépendant, en français (avec la loi immigration du 26 janvier 2024, le niveau devrait néanmoins être porté à B2 d’ici début 2026). Un droit de timbre de 55 euros est à verser.
Hors mariage, il faut souvent attendre 5 ans de résidence en France pour demander la nationalité (outre la langue, il faut attester d’une connaissance de l’histoire et des valeurs de la république française, prouver son insertion professionnelle et économique…).
Les Britanniques peuvent bien sûr aussi se tourner vers des visas de long séjour… en particulier s’ils sont mariés à des Français. Car la chose est également facilitée s’il y a union. C’est que l’immigration, relevant du régalien, est un domaine sur lequel l’État français a un « pouvoir d’appréciation quasi absolu », rappelle Fatou Tall, « sauf que ça se heurte au respect dû à la vie privée et familiale des personnes ». Concrètement, il sera difficile aux autorités françaises de refuser d’accorder ce visa. « Le mariage est opposable aux administrations », indique Céline Guinel-Johnson. Et le visa de long séjour doit en principe être délivré « de plein droit » à un étranger marié à un Français.
Octroyé pour raison de « vie privée et familiale » ce visa/titre et les cartes de séjour qui suivent permettent en outre de travailler sans restriction et ce, quelque soit l’emploi, « que ce soit salarié ou non salarié, précise Fatou Tall, on peut créer sa boîte »…
Alors, comment les choses se déroulent-elles ? En tant que « conjoint de Français », le ou la Britannique peut obtenir un « visa de long séjour valant titre de séjour » dit « VLS-TS » (le visa est le document permettant d’entrer sur le territoire, le titre est lui ce qui confère l’autorisation de séjour… le VLS-TS recoupe les 2 fonctions), lequel doit simplement être validé en ligne dans les 3 mois suivant l’arrivée et est valable jusqu’à 1 an. Pour rester, le ressortissant étranger devra ensuite solliciter une carte de séjour pluriannuelle mention « vie privée et familiale » (qui devrait, dans le futur, nécessiter la validation d’un niveau A2 en français), renouvelable. Par la suite, en fonction de la durée de son mariage, le ou la Britannique pourra se diriger vers la nationalité. La résidence de 10 ans est aussi accessible après 3 ans de vie en France.
Si besoin, une entrée sans visa est en principe aussi possible – les Britanniques n’en nécessitant pas sur le court terme – mais est plus complexe. Car il faudra là attendre 6 mois de vie commune en France avant de demander une carte de séjour (ce qui excède les 90 jours, entre autres… et le conjoint étranger ne peut travailler en attendant).
Pour obtenir le visa, en premier lieu, c’est simple puisqu’il s’agit encore de prouver le mariage (pacs et concubinage ne sont là non plus pas valables, même s’il est possible de tenter, sans garantie, en cas de vie commune de longue durée mais c’est « compliqué, parce qu’il faut le démontrer », note Céline Guinel-Johnson). Il faut donc fournir la copie de l’acte de mariage français ou sa transcription (encore une fois, essentielle) en cas d’union à l’étranger. Côté coût, le conjoint ou époux de Français n’a pas de frais de visa à verser. En revanche, une taxe de séjour de 200 euros sera à payer à la validation du VLS-TS. Et 225 euros, ensuite, par carte de séjour.
Même né à l’étranger, un enfant est Français si au moins l’un de ses parents l’est aussi (ce qui règle, là encore, la question d’une potentielle nécessité de visa pour la France pour les enfants d’un couple franco-britannique). C’est l’acte de naissance qui établit la filiation, indique Céline Guinel-Johnson. D’où l’importance, en cas de naissance au Royaume-Uni, d’également procéder à une transcription – cette fois, à partir de la copie de l’« entry of birth » britannique – auprès des autorités consulaires françaises.
Une démarche gratuite et qui prend deux ou quatre mois selon que les parents sont ou non mariés (établissement du livret de famille). Carte d’identité et passeport français peuvent ensuite être établis par l’intermédiaire du consulat.
A savoir, dans le cas d’un couple non marié avec enfant : le parent étranger d’un mineur français peut aussi bénéficier d’un visa long séjour (pas forcément indispensable, là encore, mais peut-être plus confortable administrativement) et de titres « vie privée vie familiale ».
A condition, naturellement, de prouver la filiation et son investissement dans la vie du mineur depuis au moins 2 ans. Le prix du visa est ici de £82,5 (99 euros). Carte de séjour : 225 euros.
Après trois ans en France, les époux de Français et parents d’enfant français peuvent demander une carte de résidence de 10 ans. Ils doivent, pour les époux, toujours prouver la communauté de vie effective… la filiation, pour les parents de Français… mais aussi « une certaine maîtrise de la langue française », précise Fatou Tall. Actuellement, le niveau demandé est A2 mais devrait passer à B1.
Existe aussi une carte de résident longue durée-UE qui permet également de travailler sans restriction et qui s’adresse à d’autres étrangers en France depuis 5 ans : les « visiteurs » d’un an renouvelables, les travailleurs « salariés », « entrepreneur/profession libérale », « passeports talent »… Outre la langue, il faut notamment justifier de ressources stables et suffisantes (Smic mensuel).
Si l’étranger n’est pas dans les cas cités au début (notamment le mariage), il peut aussi songer aux voies professionnelles. Il existe nombre de visas – titres de séjour, surtout – liés au travail, à l’instar d’un VLS-TS pour « salarié », pour les personnes recrutées par des entreprises en France (l’emploi doit toutefois faire partie des « métiers en tension » ou ne pas avoir trouvé preneur localement), des visas/titres pour les profils d’entrepreneur ou pour les professions libérales (nécessité de démontrer la viabilité du projet, la capacité à dégager des ressources au moins équivalentes au Smic…), des « passeports talents » pour les chercheurs, les salariés « hautement qualifiés » (au moins 3 ans d’études supérieures et un certain niveau de salaire), personnes travaillant pour des entreprises ou projets innovants, investisseurs, les personnes renommées dans leur domaine (intellectuel, artistique, sportif…)… Coût du visa, £82,5 livres et celui des titres, 200-225 euros.
Céline Guinel-Johnson insiste néanmoins sur l’importance que le visa travail soit bien porté par des motivations professionnelles et non perçu comme un simple « outil » pour pouvoir suivre son compagnon français. Au risque de voir son visa refusé. Et de citer l’exemple du chirurgien qui se verrait présenter une belle opportunité en France. « Il faut demander le visa le plus cohérent avec le situation. » Soit visa travail pour un vrai projet pro… et familial pour des motifs plus personnels.
Potentiellement intéressant pour les retraités, non mariés… Le VLS-TS mention « visiteur » interdit de travailler et est octroyé sous conditions de ressources (Smic annuel). Valable jusqu’à 1 an, renouvelable (via les cartes de séjour du même nom)… par exemple jusqu’aux 5 ans nécessaires à la résidence.
Il faut aussi attester d’une couverture médicale privée (les retraités du système britannique pourront produire le formulaire S1 du NHS).
A qui s’adresser ?
Plus d’informations sur le site France-visas par lequel on passe pour s’inscrire et télécharger le formulaire de demande. Le dossier doit ensuite être remis à un centre TLScontact (chargé de la collecte des demandes pour l’administration française… il en existe 3 au Royaume-Uni : à Londres, Manchester et Édimbourg) avec les pièces justificatives demandées. Le consulat de Londres instruit après la demande puis le passeport – avec le visa – est renvoyé au centre, où la personne peut le récupérer. Le consulat estime à une quinzaine de jours le délai de traitement moyen (si dossier complet) mais il faut aussi compter les rendez-vous au centre TLS… Globalement, il est conseillé de s’y prendre plusieurs semaines/mois à l’avance.