“Je suis née avec un crayon dans la main”, déclare celle qui se fait surnommer Zabou. Depuis, la dessinatrice française est devenue une street artiste, remplaçant ainsi son crayon par des bombes de peinture. La jeune femme vit aujourd’hui de sa passion à Londres, où sa réputation n’est plus à faire. Preuve en est, elle a été choisie pour participer au tout premier festival dédié au street art, qui se déroule entre septembre et octobre dans la capitale, reconnue pour ses gigantesques fresques murales.
C’est d’ailleurs le côté “underground” de la ville qui a retenu la jeune artiste dans la citée anglaise depuis 2011, année où elle s’y est installée pour la première fois afin de réaliser son master en arts visuels. Un an après, impressionnée par les graffs de Shoreditch, la jeune femme a commencé à peindre dans la rue poussée par l’envie d’explorer cette nouvelle forme d’expression artistique.
Finalement, sa curiosité pour le street art l’a conduite à en faire une véritable carrière professionnelle à laquelle elle se consacre aujourd’hui à temps plein depuis trois ans. “C’est le fait d’être dans l’espace public qui m’a surtout accrochée”, explique t-elle, avant d’ajouter qu’être street artiste, c’est réaliser “une performance devant des observateurs”. En effet, selon elle, les demandeurs sont nombreux, enthousiastes et sont issus de toutes les générations. “Il y a des personnes très motivées qui sont capables de faire quatre heures de route pour vivre, en même temps que l’artiste, la naissance d’une œuvre”.
Aujourd’hui, Zabou est donc reconnue dans la “petite communauté” du street art “où l’on fait des rencontres assez rapidement”, explique t-elle. “Pour faire sa place, on peint beaucoup. Plus on en fait, plus les gens connaissent votre profil et pour ça, j’ai travaillé comme une folle”, avoue t-elle. Sa carrière l’emmène ainsi à parcourir l’Europe et même au-delà, notamment les Etats-Unis et l’Indonésie, même si Londres reste son lieu de prédilection pour exercer son art. “Je suis une Londonienne française”, affirme Zabou qui apprécie le côté éclectique et multiculturel de la capitale. L’affluence d’artistes étrangers n’a pas révélé l’envie d’exploiter dans ses œuvres “un esprit français” mais a plutôt stimulé chez elle une certaine créativité due à l’immense “melting pot” d’horizons artistiques très différents, allant de la tapisserie à l’architecture en passant par l’art lyrique.
Malgré cette grande diversité, le street art est majoritairement composé d’hommes. Les femmes pouvant alors être confrontées à la discrimination, même si Zabou l’a surtout remarquée comme étant “positive”. “Aujourd’hui, aux yeux du public, c’est même une valeur ajoutée d’être une femme”, explique t-elle, avant d’ajouter que l’arrivée croissante de la gent féminine dans le monde du street art a réellement débuté “il y a environ 5 ans”. Les remarques sexistes se font donc rares selon la jeune Française, qui ne ressent pas vraiment le fait d’être une femme comme une contrainte, même si elle avoue avoir déjà subi des remarques lorsqu’elle était au volant de “gros engins” nécessaires pour ses fresques murales à grande échelle.
Zabou a cependant réussi à s’imposer et est aujourd’hui sollicitée dans de nombreuses villes européennes et même à domicile. Elle participera d’ailleurs au London Mural Festival début octobre, un événement inédit dont se réjouit l’artiste face à la rareté des grands murs disponibles dans la capitale à cause de la valeur immobilière des bâtiments. Elle souligne en effet le phénomène de gentrification, dont les graffeurs sont, sans le vouloir, en partie responsables. Autrement dit, “en rendant certains quartiers plus beaux et plus tendances”, les artistes attirent une population plus aisée et donc des promoteurs en quête de nouveaux projets immobiliers. Ainsi, les lieux “underground” se voient remplacés par des immeubles “tous neufs et polissés”. Zabou espère alors que le London Mural Festival donnera un second souffle pour cet art dans les rues londoniennes.
De son côté, c’est une opportunité qu’elle a su saisir et qui va lui permettre de peindre un mur de 8 mètres sur 10 près de Liverpool Street Station. Une taille colossale qui nécessitera au moins cinq jours de travail et une centaine de bombes de peinture. L’artiste française a choisi de représenter un couple d’amoureux séparés par une vitre et dont l’un porte un masque. Ils veulent se toucher mais ils ne peuvent pas. “Je me suis inspirée de la caractéristique du mur qui a une sorte de séparation au centre. J’aime beaucoup jouer avec l’espace”, explique t-elle à propos de sa future œuvre qui s’inspire donc aussi de l’actualité et a vocation à traiter les thèmes du “contact humain” et du “manque”. Ce sera la concrétisation d’un grand travail de préparation en amont qui sera donc visible par le grand public à partir de mi-octobre.