520.600 demandes de settled status et de pre-settled status ont été reçues par le Home Office rien qu’au mois de septembre 2019. Ce qui porte le nombre total, depuis l’ouverture officielle du statut aux ressortissants européens, à 1.860.200 requêtes. Si les chiffres ne cessent d’augmenter à quelques semaines de la sortie officielle du pays de l’UE, certains font encore de la résistance. C’est le cas de nombreux Français.
Au cours du mois de septembre, 373.600 des demandes ont été acceptées (1.524.500 depuis mars) et 57% des demandeurs se sont vu accorder un settled status et 43% le pre-settled status. La majorité des demandes provenaient d’Angleterre (1.704.100), suivie de l’Ecosse (92.700), du Pays de Galles (29.300) et de l’Irlande du Nord (28.700). Les Français figurent au huitième au rang des 27 communautés européens présentes sur le sol britannique, avec 70.700 obtentions d’un des deux statuts au total (un chiffre qui a doublé en quatre mois), dont 18.700 demandes faites rien qu’en septembre. Mais la propension reste encore très faible – et qui inquiète l’ancienne ministre déléguée chargée des Français de l’étranger -, bien que l’on considère que de certains Français possèdent déjà la double nationalité.
Malgré les dernières déclarations du ministre de la Sécurité, Brandon Lewis, qui a menacé les citoyens européens d’expulsion s’ils ne demandaient pas l’un de ces deux statuts d’ici décembre 2020, certains ressortissants français se sont engagés dans une sorte de rébellion. En effet, ils refusent de faire la démarche. C’est le cas de Loan*. “Je ne vois pas l’intérêt de se précipiter”, explique cet employé dans la restauration, “le gouvernement britannique a bien expliqué qu’on aurait jusqu’au 31 décembre 2020 pour faire sa demande”. Le jeune homme de 28 ans, installé depuis six ans à Londres, estime de toute façon que le Home Office doit être “tellement surchargé par les demandes de gens qui paniquent, que le traitement sera forcément plus lent, cela vaut donc le coup d’attendre”, justifie-t-il. Mais ne craint-il pas que les choses changent après le 31 octobre ? “Non. Franchement, Boris Johnson ne pourra pas faire grand chose. Sinon cela voudra dire que les Britanniques qui vivent en France se retrouveront aussi dans une mauvaise situation. Personne n’a intérêt à revenir sur la garantie de nos droits”.
Loan n’est pas le seul à ne pas encore avoir fait sa demande. Anna*, qui travaille dans le marketing digital, n’a entamé aucune démarche. “Je ne comprends pas qu’on doive demander ce statut. Je vis là depuis quatre ans et je paie mes taxes comme n’importe quel Anglais, donc j’estime que je n’ai pas à justifier ma présence”, affirme la jeune femme de 34 ans. Pourtant, selon le gouvernement britannique, elle devrait demander son pre-settled status, vu qu’elle ne vit à Londres que depuis 2017. “Je trouve ça en plus incroyable que sous prétexte que je ne réside pas depuis 5 ans ici, cela voudra dire que j’aurais moins de droits que ceux qui sont là depuis au moins 2014. J’ai pris ma décision : je ne ferai pas ma demande, peu importe ce qui arrive. Qu’il vienne me chercher, comme dirait Emmanuel Macron”, lance la jeune femme, loin d’être paniquée, “si le pays décide de m’expulser, pas de problème, je rentrerai en France sans regret”.
Thomas Godard refuse également de faire la démarche auprès du Home Office. Le secrétaire de la section du PS Grande-Bretagne vit pourtant dans le pays depuis 12 ans. “On veut que l’on panique, que nous prenions peur d’un éventuel no-deal”, pense-t-il, “mais même s’il n’y a pas d’accord, on aura jusqu’au 31 décembre 2020, donc il n’y a pas de raison de s’affoler”. S’il ne souhaite pas faire cette démarche, c’est aussi dans une démarche de résistance politique, bien qu’il reconnaisse aussi une part de “déni” dans ce qui se passe actuellement. “Je m’identifie en tant qu’Européen, je ne serais jamais venu au Royaume-Uni si le pays n’avait pas été dans l’Union. Je peux comprendre que certains pensent que demander le settled status peut être humiliant, car c’est quelque chose de difficile à accepter. La démarche n’est pas anodine”. Le Français ne veut cependant pas faire de prosélytisme autour de son acte de “résistance”. “Chacun doit agir en fonction de sa situation et se poser la question de sa relation au pays. Par exemple, une famille qui doit protéger ses enfants, bien évidemment qu’elle devrait faire la démarche. Un étudiant ou quelqu’un qui ne pense pas forcément rester longtemps aura quant à lui plus de flexibilité”.
* A la demande des interviewés, leur nom de famille n’est pas mentionné et les prénoms ont été modifiés.