Grâce à Dieu (By the Grace of God) sort vendredi 25 octobre dans certains cinémas de Londres, dont Curzon. Au casting de ce film de François Ozon tiré d’une histoire vraie, l’acteur Denis Ménochet. Le Français, qui a choisi Londres comme maison pour sa “richesse culturelle et son ouverture”, y joue François, un homme abusé sexuellement par le Père Preynat quand il était enfant.
Quand le réalisateur lui a demandé de jouer dans son film, le comédien n’a pas hésité une seconde. “Je connais François Ozon et avec lui, le travail est toujours documenté. Ça va vite et c’est studieux. J’aime aussi les films avec des valeurs humaines et qui poussent les gens à réfléchir.” Objectif atteint puisqu’à sa sortie, le long métrage a fait l’effet d’une claque. Il faut dire que l’histoire racontée est forte : elle parle du silence de trois hommes abusés mais aussi de leurs proches et plus encore de l’Eglise, ainsi que du courage nécessaire pour dénoncer et obtenir justice. Le jeu d’acteur est juste et la réalisation sobre, ce qui permet de mettre en avant le fond du sujet.
Pour rentrer dans son rôle, Denis Ménochet a lu de nombreux témoignages sur le site de La Parole Libérée, l’association qui a recensé toutes les victimes du père Bernard Preynat et dont le film raconte la genèse. “Ce sont des récits parfois difficiles à lire, le film est ‘soft’ par rapport à ça. Le combat de cette structure associative a commencé en 2015, c’est donc encore très frais. Les victimes sont des gens qui ont notre âge et qui sont toujours dans cette histoire-là. Il fallait un jeu sobre pour que le film soit au service de leur cause et de ce que voulait raconter François Ozon”, explique-t-il.
Si Grâce à Dieu ne sort que maintenant au Royaume-Uni, il a été projeté sur les écrans noirs en France dès février 2019. Il a enregistré plus de 600.000 entrées et même obtenu le Prix du Jury au festival du film international de Berlin quelques jours avant sa sortie en salle. Depuis, Denis Ménochet a vécu personnellement l’influence du septième art sur le public et a dû se retirer des réseaux sociaux. “C’était très touchant de se rendre compte à quel point ce film a délié les langues. Les gens commençaient à me raconter par message leur histoire avec les détails, mais je n’ai pas les compétences pour ça”. Même dans la vie réelle, son rôle de victime l’a poursuivi. “Un jour à Gare du Nord, un homme travaillant pour l’Eurostar me voit, se met à trembler et éclate en sanglot dans mes bras. Il m’avoue alors qu’il avait été abusé par un membre de sa famille, et qu’après avoir vu ‘Grâce à Dieu’, il a pu avouer à sa femme ce qui lui était arrivé.”
Mais au-delà d’avoir aidé certaines personnes, le film, sorti en pleine affaire judiciaire contre le Père Preynat, a permis de donner une nouvelle résonance à ce scandale qui a ébranlé l’Eglise catholique. “La grande fierté de ce long métrage, c’est la condamnation du Cardinal Barbarin par la justice, le père Preynat a quant à lui été défroqué”, se réjouit Denis Ménochet, “depuis début octobre à Lyon, les prêtres doivent même lire les témoignages de victimes pour se rendre compte des conséquences. Ce n’est pas une révolution mais c’est un bon début”.
En pleine promotion du film à Londres et lors des avant-premières, l’acteur français a pu déjà percevoir un intérêt certain de la part des spectateurs francophones mais aussi beaucoup de Britanniques. “En France, les rencontres avec le public menaient à une discussion avec des associations, des victimes et leurs proches, on a même eu le témoignage d’un pédophile. Ici aussi les gens ont beaucoup parlé, notamment des membres d’une association irlandaise qui a fait face à des situations similaires à ce qu’on raconte dans le film”, explique Denis Ménochet. Mais il a également retenu que “les Britanniques (avaient) aussi beaucoup apprécié l’esthétique du film”.