Voilà bientôt un quart de siècle que l’Eurostar relie entre autres Londres à Paris, Bruxelles et Amsterdam en passant par le tunnel sous la Manche. Depuis sa première circulation commerciale, le 14 novembre 1994, le train à grande vitesse a déjà transporté plus de 200 millions de voyageurs. De quoi faire oublier que la Manche était un siècle plus tôt un obstacle naturel d’envergure.
Il faut remonter jusqu’en 1802 pour trouver les premières traces d’un projet de tunnel reliant l’Hexagone et l’Angleterre. Imaginé par le Français Albert Mathieu-Favier, un ingénieur des mines, cette liaison directe devait permettre de faire circuler des calèches. Si ce projet s’avère sans lendemain, les idées fusent et un tunnel commence même à être creusé en 1881. Il est cependant stoppé en urgence par les Britanniques qui craignaient alors d’être envahis.
Il faudra attendre 1986 pour qu’un nouvel accord entre la France dirigée alors par François Mitterand et la Grande-Bretagne sous le giron de Margaret Thatcher fasse véritablement émerger l’idée de tunnel sous la Manche. Deux ans après le premier coup de pioche, les mineurs anglais et français Graham Fagg et Philippe Cozette se rejoignent dans une poignée de main historique le 1er décembre 1990. Finalement, ce seront donc six années de chantier et 15 milliards d’euros d’investissement qui auront été nécessaires pour construire non pas le mais les tunnels sous la Manche. En effet, le “channel” se compose de deux tubes souterrains ferroviaires, un pour chaque sens, mais également d’un tunnel de service permettant l’entretien de l’infrastructure et l’évacuation des passagers.
Inauguré en grandes pompes le 6 mai 1994 par la reine Elisabeth II et le président François Mitterrand, l’Eurotunnel a permis de rapprocher considérablement l’Île du continent.
Lors de ses premiers tours de roues en novembre 1994, l’Eurostar plaçait Paris à 3 heures de la capitale anglaise et Bruxelles à 3 heures et 15 minutes. Des temps de parcours qui n’ont eu de cesse d’être raccourcis grâce à la construction de lignes à grande vitesse dédiées là où il n’y avait que des voies ferrées ordinaires. Ainsi, les Belges ont gagné 45 minutes de trajet en 1997 avec l’ouverture du Bruxelles-Lille. Il faudra attendre 2003, pour que soit ouvert le premier tronçon à grande vitesse à la sortie du tunnel côté anglais. Une réalisation qui a permis à l’Eurostar de battre le record de vitesse britannique, le 30 juillet de la même année, avec une vitesse de pointe de 334.7 km/h. L’intégralité du tronçon est finalement livrée en 2007, ramenant le Paris-Londres à 2h16 et le Bruxelles-Londres à 1h56, à une vitesse commerciale de 300 km/h.
Aujourd’hui, ce sont plus de 60 trains à grande vitesse qui s’engouffrent chaque jour dans l’Eurotunnel pour relier Londres, Ebbsfleet et Ashford côté anglais à Paris, Lille, Avignon, Lyon et Marseille côté français, sans oublier Bruxelles, Rotterdam et Amsterdam. A noter également que des dessertes saisonnières permettent de relier les Alpes françaises et suisses pendant la période hivernale. Le champ des possibles s’est encore agrandi depuis que des trains nouvelle génération ont été introduits en 2015. Outre sa capacité accrue, ce nouveau matériel est compatible avec davantage de systèmes électriques internationaux ce qui pourrait conduire à l’ouverture de nouvelles destinations.
Pendant de nombreuses années, Eurostar a peiné à atteindre un équilibre financier. C’est finalement chose faite à partir de 2010, date à laquelle la compagnie est devenue rentable. Avec un objectif affiché de 14 millions de passagers transportés chaque année à l’horizon 2020, le train s’est progressivement accaparé la plus grosse part du gâteau en raflant, selon le Figaro, 80% des voyageurs entre Paris et Londres. Un pied de nez à l’aérien qui ne perd cependant pas toutes ses couleurs puisque certains vols low cost s’avèrent parfois moins chers qu’un billet d’Eurostar. La raison ? Des péages ferroviaires relativement élevés sous la Manche faisant grimper la facture.
Néanmoins, les liaisons internationales de part et d’autre du “channel” devraient aller bon train. En effet, l’horizon du Brexit a d’ores et déjà été résolu au niveau ferré par l’octroi d’une licence d’exploitation par la France qui permettra à l’Eurostar de continuer de traverser l’Hexagone même en cas de no-deal. Circuler oui, mais peut-être pas seul. En effet, ce monopole jusque-là inébranlé a déjà été remis en question par le passé. Prévu pour l’année 2013, le projet de liaison entre l’Allemagne et l’Angleterre porté par la Deutsche Bahn, la société nationale du chemin de fer allemand, a finalement été maintes fois reporté puis avorté en dépit de l’obtention des autorisations techniques et légales nécessaires. Pour pallier l’hypothèse de la concurrence et atteindre enfin une taille critique lui permettant de faire des économies d’échelle, la société Eurostar serait, à en croire une information révélée par le journal Le Monde, en pourparlers avec Thalys pour échafauder un projet de fusion des deux entités.