Outre les salons feutrés et les sessions agitées, l’image du Parlement britannique à l’international se résume bien souvent à celle de l’iconique John Bercow, ex-Speaker de la chambre des Communes, et à son célèbre “Orderrr !”.
Mais au-delà de ces séquences virales sur les réseaux sociaux, le palais de Westminster cache nombre d’originalités qui en disent long sur le fonctionnement de la monarchie parlementaire britannique.
Sur un modèle similaire au Parlement français, l’institution législative britannique se compose de deux chambres dont les missions se résument principalement à voter les lois et contrôler l’action gouvernementale. La subtilité se situe dans la composition de ces assemblées. Si les Commons (équivalent des députés) sont élus au suffrage universel direct lors d’élections générales organisées tous les cinq ans, les Lords sont quant à eux désignés par leurs pairs et jouent en quelque sorte le rôle de “Sages”. Dans la pratique, cela signifie qu’un texte de loi adopté aux Communes doit l’être par les Lords (et inversement). Si tel n’est pas le cas, le projet fait la “navette” entre les deux assemblées jusqu’à faire consensus.
La couleur des tapis et du mobilier est sans doute le détail le plus frappant lorsque l’on pénètre dans chaque assemblée. Toute vêtue de rouge, la chambre des Lords fait référence aux salons (traditionnellement rouges) dans lesquels le monarque recevait sa cour. Une pratique désuète qui trouve cependant des résurgences contemporaines. En témoigne le traditionnel discours inaugural des sessions parlementaires donné par la reine aux MPs (Members of Parliament) réunis dans la chambre des Lords.
L’explication du vert ornant la chambre des Communes est quant à elle moins évidente mais la couleur sert avant tout à distinguer les deux assemblées. Un principe qui s’est progressivement affirmé depuis le XVIIème siècle.
Chez les Lords comme aux Communes, les débats sont orchestrés par le Speaker. Si les premiers prennent la parole quand bon leur semble, les seconds doivent au préalable recevoir l’aval du Speaker pour s’exprimer. Pour ce faire, les MPs peuvent transmettre leur requête au travers d’une note adressée au Président, mais la procédure classique consiste à se tenir debout et à tenter “d’attraper le regard du Speaker”. Une fois la parole obtenue, le protocole se veut assez strict. En effet, la coutume veut que les Lords s’adressent directement à leurs collègues tandis que les Commons se contentent d’apostropher le Speaker.
Fonction concentrant généralement les critiques, les deux Speakers ont la délicate mission d’organiser le débat parlementaire dans chaque chambre. En plus de distribuer la parole, il incombe également au Speaker des Communes de faire respecter l’ordre, de décider quels amendements seront soumis au vote et d’organiser les scrutins. Autant de facteurs qui contribuent à renforcer l’exposition de son titulaire. Celui-ci est d’ailleurs issu des bancs de chaque chambre et élu à la majorité par ses pairs. Une fois nommé, il doit se retirer de tout parti politique et garder une parole neutre afin de remplir son devoir d’impartialité.
Procédé caractéristique des débats électriques qui animent le Parlement britannique, les modalités du vote ont de quoi surprendre puisqu’elles se déroulent généralement à haute voix. Concrètement, le Speaker soumet une question à délibération, les partisans du “oui” disent “aye” et les opposants “no”. Si le Président ne juge pas le résultat du vote flagrant, il peut suspendre la séance et demander un vote solennel appelé “division”. Des cloches retentissent alors dans tout le palais de Westminster pour signifier aux MPs de la chambre concernée qu’ils ont huit minutes pour se rendre dans les “divisions lobbies”, des couloirs distincts selon s’ils sont favorables ou opposés à la proposition.
Dans le prolongement de leur mission de représentation, les Commons sont amenés à recevoir des pétitions émanant de leur circonscription. S’ils ne prennent pas l’initiative de présenter celle-ci en personne, ils peuvent les glisser dans une pochette verte accrochée à l’arrière du siège du Speaker qui pourra à son tour les mettre à l’ordre du jour d’une séance ultérieure.
Personnage haut-gradé du Parlement, le détenteur du bâton noir (ou “black rod”) caractérise encore aujourd’hui la séparation entre le pouvoir monarchique et parlementaire. Bien que la plupart du temps ses tâches soient purement administratives, son rôle devient plus protocolaire lors du discours inaugural de la reine. Il doit alors inviter les Commons à se rendre dans la chambre des Lords pour y écouter le “speech”, mais à son arrivée la porte lui est traditionnellement claquée au nez en signe d’indépendance. Après avoir frappé trois coups secs (laissant des traces bien visibles sur la porte), il peut finalement pénétrer dans l’assemblée pour accomplir sa mission.
Comptant pas moins de 650 députés, les quelques 300 places assises de la chambre des Communes sont nettement insuffisantes pour accueillir l’ensemble des parlementaires. La cinquantaine de sièges rajoutés au centre de l’assemblée ne permettent d’ailleurs pas d’asseoir tout le monde les jours d’affluence et il est donc commun de voir des MPs installés dans les escaliers ou bien restés debout aux extrémités de la salle. Pour autant, cette situation n’est pas sans impact sur le débat puisque seuls ceux qui ont trouvé une place assise sur les bancs peuvent prendre la parole.
Malgré les nombreuses reconstructions, certaines traces témoignent des nombreux siècles qu’a traversé le palais de Westminster. Nommée “The Arch”, la porte d’entrée de la chambre des Communes porte ainsi les stigmates des bombardements essuyés par le Parlement pendant la Seconde guerre mondiale. Elle a été conservée intacte sur ordre du Premier ministre de l’époque, Winston Churchill, conscient de l’enjeu mémoriel qui suivrait le conflit.
Installée en juin 2016 au-dessus de l’entrée de Saint Stephen’s Hall, “The New Dawn” (“nouvelle aube” en français) est une sculpture contemporaine en verre de six mètres réalisée par Mary Branson. Jouant avec la lumière du soleil, les différents morceaux de verres changent de couleur selon le moment de la journée. Imposante et riche en symbole, cet amoncellement de rouleaux de parchemins vient commémorer les 150 années de luttes menées entre autres par les Suffragettes et qui ont abouties, en 1918, à l’élargissement du droit de vote aux femmes.
Les débats se déroulant à la chambre des Communes sont pour la plupart ouverts au public afin de permettre aux citoyens d’avoir un regard sur le travail effectué par leurs représentants. Chaque mercredi midi, la séance de questions au Premier ministre est sans doute l’épicentre de la semaine parlementaire puisqu’elle concentre l’attention médiatique. Pour y assister, il faut soit patienter devant le Parlement (sans garantie de succès) ou bien solliciter son MP pour obtenir une invitation. Enfin, il est possible de découvrir le palais de Westminster lors visites guidées de 90 minutes environ (£32).