Devenu au fil du temp une icône du Parlement britannique de par sa longévité et son inimitable “Orderrr”, John Bercow a – comme il l’avait annoncé – quitté son grand fauteuil vert, jeudi 31 octobre 2019, après l’avoir occupé pendant plus de dix ans. Ayant conduit avec panache les interminables débats sur le Brexit, l’ancien Speaker de la Chambre des Communes avait cherché à faire coïncider son départ avec l’entrée en vigueur du Brexit, mais les MPs (membres du Parlement, ndlr) en ont finalement décidé autrement.
Élu lundi 4 novembre pour lui succéder, le député travailliste Lindsay Hoyle est donc devenu le 158ème président de la Chambre des Communes depuis 1258, date à laquelle ont été trouvé les premières traces de pareilles fonctions. Sans tarder, il devra composer avec la nouvelle échéance fixée par l’Union européenne au 31 janvier 2020 et ce, d’autant plus que le Parlement s’apprête à être dissout pendant cinq semaines pour permettre aux partis de préparer les élections générales anticipées du jeudi 12 décembre prochain. Plus largement, il devra tenter de conserver une neutralité des plus totales afin que le débat parlementaire ne soit pas parasité par des querelles politiciennes.
Avant de devenir la figure emblématique de la House of Commons, le Speaker est en premier lieu un.e député.e élu.e au suffrage universel direct pour prendre part au vote des lois, contrôler l’action du gouvernement et représenter sa circonscription. Son mandat de président lui est ensuite octroyé à l’issue d’un vote majoritaire organisé suite à des general elections (tous les 5 ans), en cas d’élections anticipées ou bien suite à la démission ou au décès du précédent tenancier de ces fonctions.
Toutefois, la longévité qu’a connu John Bercow – premier Speaker a avoir été élu de la sorte en 2009 – ne s’explique pas seulement pas son aura politique. Au contraire, plusieurs Brexiters ont à maintes reprises fait entendre leur défiance vis-à-vis de l’ex-député conservateur, notamment lorsque celui-ci a refusé la tenue d’un second vote de principe sur l’accord décroché mi-octobre par Boris Johnson.
Indépendamment de ces frictions internes, le Speaker bénéficie donc d’un socle de coutumes jouant en sa faveur. Lors d’élections générales, il est en effet d’usage que les différents partis ne présentent pas de candidats dans la circonscription du Speaker afin que ce dernier n’ait pas à faire de campagne. En outre, l’histoire de la Chambre des Communes semble avoir entériné le principe de réélection quasi-automatique des Speakers souhaitant poursuivre l’exercice de leurs fonctions. Une forme de confiance tacite en somme.
Une fois élu, il incombe au Speaker de se retirer de tout parti politique et de faire preuve d’apolitisme et d’impartialité pour le restant de ses jours. Cette neutralité est en effet la clé de voûte requise à sa légitimité. Il faut dire que ses décisions quotidiennes peuvent être sujettes à de nombreuses interprétations politiques…
A la manière d’un chef d’orchestre, le Speaker distribue en effet la parole au sein de l’assemblée. Pour “capter l’attention du président”, les députés se tiennent généralement debout et font en sorte de se faire remarquer, ce qui leur vaut parfois quelques rappels à l’ordre. Pendant tout le déroulé du débat, le Speaker garde une position relativement effacée afin de faire respecter l’ordre et de recenser les amendements proposés par les députés de la majorité et de l’opposition.
Parmi ses prérogatives, la plus convoitée est sans doute la mainmise qu’il possède sur l’agenda parlementaire. Concrètement, après avoir préalablement édité un ordre du jour, le Speaker décide au cours de la séance parlementaire quels amendements seront soumis au suffrage de ses collègues et sous quelle forme. Si la plupart du temps le président se contente d’un vote à haute voix dans lequel les députés crient “aye” ou “no” selon s’il sont favorables ou opposés à la motion, il peut également opter pour un votre plus solennel. Dans ce cas, le Speaker ordonne de “vider les rangs” (“clear the lobbies”, en anglais) et demande aux MPs de se rendre dans les “divisions lobbies”, deux couloirs distincts, dans lesquels ils sont comptabilisés. Bien plus chronophage, le vote “par les pieds” nécessite généralement une interruption d’une quinzaine de minutes.
Dans l’éventualité rarissime où une stricte égalité émanerait de ce type de scrutin, le Speaker peut enfin être amené à trancher la question en s’appuyant sur des résolutions prises par le passé. Autant de facteurs contribuant à renforcer l’exposition du Speaker et justifient par la même occasion son impératif de neutralité.