“C’est clairement lié au Brexit”, lance Françoise Vaslin, trésorière depuis deux ans pour le Petit Club Français d’Oxfordshire. Cette structure, qui enseigne la langue française à des enfants le samedi matin, a été créée en 2008. Passée sous le statut de charity en 2016, elle accueille aujourd’hui environ 70 élèves et l’équipe est composée de 8 personnes. Comme chaque année, le club recherche des enseignants ou assistants d’enseignants. Sauf que pour la rentrée 2022, les choses se sont bien compliquées. “On avait déjà constaté des premiers soucis en 2021 pour le recrutement ou pour faire fonctionner le club à cause du manque d’enseignants”, confie Françoise Vaslin, “mais on y était parvenu car, l’an dernier, on était sur un format hybride, à la fois en ligne et en présentiel”. Mais pour cette rentrée, l’enseignement se fait uniquement en présentiel. Et pour que les enfants puissent bien apprendre le français, il faut donc des professeurs. “Avec le Brexit, mais aussi la Covid, certains Français sont rentrés et parmi eux des enseignants”, poursuit la trésorière, “le problème, c’est qu’il y a eu peu de renouvellement de ces personnes”.
Les nouvelles règles migratoires faisant suite à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’aide pas vraiment les structures, comme Le Petit Club Français d’Oxfordshire, puisqu’elles ne peuvent pas devenir sponsors. “On n’a même pas regardé ce que cela pouvait impliquer administrativement, mais on sait déjà que c’est impossible financièrement”, estime Françoise Vaslin. Sans compter que le club ne propose pas de poste à temps plein, mais seulement une ou deux heures par semaine. “Nous sommes une petite école, dont les cours se déroulent en dehors du temps scolaire, donc cela ne peut pas être l’activité principale de la personne, mais plutôt une activité secondaire”, justifie Françoise Vaslin. Avec le Brexit, le club a déjà perdu 50% de ses effectifs, mais maintenant il doit aussi faire face au manque de professeurs. “On a un souci supplémentaire : être dans la région d’Oxford fait que nous ne pouvons peut-être pas faire comme à Londres, où les écoles peuvent éventuellement se ‘prêter’ des enseignants”.
Mais dans la capitale anglaise, là aussi le problème est présent. A l’école Les Chenilles, la recherche d’assistant enseignant est tout autant problématique. “On a moins de candidatures, les gens cherchent de moins en moins à venir à Londres”, constate Louise Williamson, trustee de cette petite école, fondée en 2019 et qui compte 50 élèves. “Dès la création, on a grandi très vite, on avait même des listes d’attente. Sauf que maintenant avec le Brexit, on a moins de jeunes qui peuvent venir s’installer à Londres quelques années ou moins d’étudiants qui, eux, préfèrent dorénavant aller en Irlande”.
L’école ne peut pas non plus devenir sponsor, pour les mêmes raisons que Le Petit Club Français d’Oxfordshire : pas de moyens financiers et aucun poste à temps plein à proposer. “On est assez petit, on n’est pas une entreprise mais une charity gérée par des parents d’élèves”, ajoute Louise Williamson. Même son de cloche pour l’École Les Petits Loups dans le nord de Londres, qui accueille entre 250 et 300 élèves et donne des cours de français les après-midis en semaine. La structure connaît, elle aussi, en effet “une rentrée plus compliquée que les autres”. “Avant, nous prenions des étudiants et des au pairs pour nous aider à assister les enseignants”, Hélène Fauquet, co-gestionnaire avec Anne Gauthier-Spur, “même si l’an dernier a été également difficile. on avait tout de même réussi à avoir deux-trois étudiants. Mais cette année, avec l’effet de la mise en place des règles migratoires, c’est devenu quasiment impossible”.
En 24 ans de vie au Royaume-Uni, Hélène Fauquet n’avait jamais vu ça et a encore du mal à s’habituer à l’idée que les ressortissants européens doivent dorénavant demander un visa pour venir s’installer dans le pays. “Sauf qu’on est obligé de prendre quelqu’un qui est déjà là car on ne peut pas offrir un temps plein. Simplement deux heures par semaine et la possibilité de faire des cours particuliers”. Difficile aussi, reconnaît la gestionnaire, de vivre sans un certain niveau de salaire dans une ville comme Londres, alors même que le coût de la vie ne fait qu’augmenter.
Hélène Fauquet, comme Louise Williamson ou encore Françoise Vaslin, espèrent tout de même que les choses vont s’arranger dans le futur. Car c’est la promotion de la langue française au Royaume-Uni qui pourrait être en jeu. En effet, ces petites écoles, installées un peu partout sur le territoire britannique, promeuvent non seulement la langue mais également la culture française.
Si aucune réflexion n’a encore été véritablement lancée dans ces trois structures sur l’avenir du recrutement, l’espoir de voir le gouvernement assouplir ses règles migratoires dans les mois ou années à venir reste fort. “On espère qu’il va se rendre compte qu’il faut plus de flexibilité sur la venue d’au pairs ou de professeurs de langue”, lance Hélène Fauquet.