Avec une hausse de 22% en 2023, le trafic d’Eurostar est revenu à son niveau de pré-pandémie, vient d’annoncer la compagnie ferroviaire. Les voyages sur la ligne Londres-Paris ont même connu une augmentation de 25%. Gwendoline Cazenave, la directrice générale d’Eurostar, a ainsi déclaré au quotidien britannique The Guardian que la société “avait réalisé une croissance exceptionnellement forte en 2023. Nous avons transporté près de 8 millions de passagers entre Londres et la France, 1,1 million entre les Pays-Bas et le Royaume-Uni et 2,2 millions en Belgique”.
D’excellents résultats pour Eurostar, qui avait, au moment de la crise sanitaire de la Covid 19, frôlé la faillite. Le gouvernement français avait alors dû mettre la main à la poche pour sauver la compagnie ferroviaire, détenue à l’époque à 55% par la SNCF – depuis, Eurostar est devenu Eurostar Group, après la fusion en 2022 avec la compagnie franco-belge Thalys -. La croissance sur la liaison Londres-Paris devrait, cette année, prendre un nouvel essor avec l’organisation des jeux olympiques et paralympiques dans la capitale française. Lors de son déplacement à Londres fin janvier dernier, le directeur du Cojop Paris 2024, Etienne Thobois, avait annoncé qu’un demi-million de billets avaient été achetés depuis le Royaume-Uni. La vente n’étant pas terminée, ce chiffre pourrait être plus important d’ici le top départ des jeux. De fait, Eurostar, selon The Guardian, prévoit de transporter près de 2 millions de passagers à Paris pour les JO.
Cependant, les réjouissances pourraient être de courte durée. En effet, la mise en place des contrôles biométriques post-Brexit – qui devraient entrer en vigueur à l’automne 2024 – viendrait gâcher la bonne nouvelle d’un retour des usagers sur les liaisons Eurostar. C’est HS1 (High Speed 1), ligne ferroviaire reliant St Pancras au tunnel sous la Manche, qui a soulevé un gros problème lors d’un comité parlementaire fin janvier. L’Union européenne a décidé de mettre en place un système de pré-enregistrement en ligne, sur le modèle de l’ESTA aux Etats-Unis, qui devrait entrer en vigueur à l’automne 2024.
L’idée étant d’éviter de tamponner les passeports des Britanniques se rendant sur le continent européen. Sauf que pour HS1 s’est dit préoccupé par la capacité de la gare de St Pancras à s’adapter à ce changement, prédisant même des “retards de passagers inacceptables”. “Là où il y a de l’espace, la mise en place de bornes absorbera une partie de cette pression, mais nous pensons qu’il sera presque impossible de déployer ces bornes avec succès dans des espaces confinés et historiques tels que St Pancras International sans avoir un impact sur le débit et la satisfaction des passagers”.
En effet, comme l’a rappelé le concessionnaire ferroviaire britannique devant les députés, la gare de St Pancras à Londres “est un bâtiment unique classé Grade 1 avec de sévères contraintes d’espace et des limitations pratiques. Nous ne pouvons pas créer de nouveaux espaces à l’intérieur du bâtiment ou à l’extérieur, c’est pourquoi plusieurs espaces existants doivent être réaménagés pour accueillir ces bornes. On nous dit qu’elles sont ‘facultatives’ dans la mesure où le contrôle peut être effectué à la frontière, mais sans environ 49 bornes supplémentaires situées avant la zone internationale actuelle, il y aura des retards inacceptables de plusieurs heures pour les passagers et un plafonnement potentiel des services”.
HS1 a aussi précisé que le ministère de l’Intérieur français n’aurait “alloué que 24 bornes, ce qui serait très insuffisant pour accueillir le nombre de passagers” et le concessionnaire devra alors ”acquérir des bornes supplémentaires pour éviter toute perturbation des voyageurs”. Des bornes qui coûteraient £25,000 chacune, sans compter le montant de leur exploitation et maintenance, “d’un montant d’environ 2 millions de livres sterling par an”, le tout devant être financé par Eurostar.
La compagnie ferroviaire a également exprimé son inquiétude, lors du comité, expliquant que ces bornes créeraient de nouvelles files d’attente et une gestion des flux plus complexe qui représenterait un “risque plus élevé de livraison du calendrier et de la croissance du transport ferroviaire à partir de Saint-Pancras”. Eurostar au aussi ajouté, selon des informations du Guardian, que cela ajouterait “deux à trois minutes” de plus pour contrôler les voyageurs, un temps nettement plus élevé que les 45 secondes que cela prend actuellement, et pourrait ainsi entraîner des files d’attente de plus d’une heure au moment des heures de pointe. Ce qui pousserait alors la compagnie ferroviaire à plafonner le nombre de passagers.
Le maire de Londres s’est aussi saisi du sujet. Samedi 10 février, Sadiq Khan a lancé un appel au gouvernement pour trouver une solution. “Le succès d’Eurostar est essentiel à la réussite économique de Londres et du Royaume-Uni, St Pancras étant une porte d’entrée pour un grand nombre de touristes et d’hommes d’affaires dans le pays”, a-t-il souligné avant d’ajouter, “dans l’état actuel des choses, ces nouveaux contrôles post-Brexit provoqueront le chaos à St Pancras, avec des réductions de services et des files d’attente potentiellement énormes pour les passagers aux heures de pointe. C’est directement le résultat du Brexit, et le gouvernement ne peut pas s’en laver les mains”.
HS1 a demandé, lors du comité, que le gouvernement puisse intervenir pour que le système soit implanté de manière progressive et qu’il soit également possible de le stopper à tout moment en cas de perturbations graves à la frontière. Le concessionnaire souhaite également que le gouvernement s’engage à recruter plus d’agents et à aider financièrement à la mise en place des bornes et de toutes installations nécessaires pour assurer ces nouveaux contrôles.
Crédit photo : Alexandre Rotenberg / Shutterstock.com