Sans surprise, Boris Johnson a été élu chef de file du parti conservateur anglais, mardi 23 juillet, devenant ainsi le nouveau Premier ministre britannique. Mais sera-t-il en mesure de faire mieux que Theresa May concernant le Brexit ? A priori plus radical que cette dernière, il a annoncé son intention de faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne au 31 octobre “coûte que coûte”, y compris sans accord de sortie. Comment les choses pourraient-elles évoluer ? French Morning London a exploré plusieurs scénarios et posé la question à divers spécialistes.
Un événement peu probable, selon David Jeffery, maître de conférences en politiques britanniques à l’université de Liverpool. Notamment à cause du “backstop” (dispositif censé éviter une frontière physique entre les deux Irlande qui mécontente unionistes nord-irlandais et partisans d’un Brexit dur, ndlr). Boris Johnson veut s’en débarrasser mais ce n’est pas aisé. “Le DUP (Democratic Unionist Party, les députés nord-irlandais, alliés des conservateurs britanniques) refusera tout accord incluant le backstop. A l’inverse, l’Union européenne ne pourra accepter un accord sans backstop.” S’entendre semble donc compliqué. D’autant que, ajoute David Jeffery, la position des Travaillistes est maintenant de s’opposer à tout accord proposé par les conservateurs et que certains “Tories” se disent contre le “deal” sous sa forme actuelle, voire ne veulent pas quitter l’Europe.
Pour David Jeffery, les mesures prises, la semaine dernière, par les députés britanniques pour rendre plus difficile une suspension du Parlement (Boris Johnson avait évoqué la possibilité d’y recourir afin de forcer un Brexit, même sans accord, à l’automne) donnent plus de poids à cette éventualité. Problème, “organiser des élections prendrait environ deux mois or la date limite des négociations reste fixée au 31 octobre.” Professeur de politiques à l’université du Sussex, Paul Webb pense pour sa part qu’un délai supplémentaire, concernant la date du Brexit, pourrait être accordé par les Européens si de nouvelles législatives étaient organisées, “jusqu’à ce que les résultats soient connus”. Un scénario possible, selon lui, si un accord devait encore une fois être rejeté par les députés. Une motion de censure lancée par l’opposition pourrait être votée contre l’équipe de Boris Johnson et donner lieu à un nouveau gouvernement et à de nouvelles élections législatives.
Une probabilité “assez élevée” que cela arrive, selon Paul Webb, qui craint de graves conséquences pour le Royaume-Uni, si le pays venait finalement à sortir sans accord. “Boris Johnson compte sur les Travaillistes qui sont élus de circonscriptions qui ont voté le Brexit pour faire passer son ‘no-deal’ au Parlement”, indique de son côté Marc Roche, ancien correspondant du Monde à Londres. Le journaliste envisage très nettement la possibilité d’un ‘no-deal’. “Vu le blocage au Parlement et l’arrivée d’une nouvelle Commission qui doit recommencer à zéro l’examen du Brexit, je ne vois pas comment la promesse de Boris Johnson d’obtenir un accord de Bruxelles peut être réalisée”. L’on devrait donc, selon lui, se diriger vers un ‘no-deal’. Ce qui serait, évidemment, très compliqué pour le Royaume-Uni, au début… Mais qui pourrait vraiment s’améliorer à moyen et long terme. C’est en tout cas l’avis de Marc Roche, qui se montre très optimiste sur les chances de réussite du Brexit.
Pour Paul Webb, cette éventualité est peu probable avec Boris Johnson comme Premier ministre. “Si cela arrive, cela se produira plutôt avec les Travaillistes au pouvoir.” “Un second référendum serait probablement la conséquence de nouvelles élections législatives et d’une victoire du Labour, renchérit David Jeffery. Ou dans le cas où les Travaillistes formeraient un gouvernement minoritaire et doivent compter sur le soutien du SNP (Scottish National Party) et/ou des Libéraux-Démocrates.”
Pour Marc Roche, Boris Johnson a beau avoir fait campagne pour la fin de la libre-circulation des Européens, il a ensuite “toujours milité pour la protection des droits des ressortissants de l’UE qui vivent au Royaume-Uni”. Selon le journaliste, “il fera de même en tant que Premier ministre”. Paul Webb se montre, pour sa part, moins sûr de cette affirmation mais indique tout de même : “Theresa May avait déjà adopté cette position, non ? Boris Johnson devrait juste la maintenir.”
Le nouveau Premier ministre britannique doit officiellement prendre ses fonctions ce mercredi 24 juillet. Dans le même temps, Theresa May, qui assurait jusqu’ici l’intervalle, devrait elle présenter sa démission à la Reine.