Depuis le départ du Royaume-Uni de l’Espace économique européen, les prestataires de services financiers ont dû composer avec le retrait du passeport financier européen et l’absence d’équivalences dans la plupart des secteurs concernés.
Cinq ans après l’annonce du départ du Royaume-Uni, les efforts fournis en matière d’équivalences des services financiers ont été majoritairement unilatéraux. Malgré un accord de principe signé en mars 2021, le bloc n’a prévu que deux équivalences pour les services financiers britanniques dans le cadre de l’accord de commerce et de coopération, tandis que Londres a mis au point 28 systèmes d’équivalence sur les 32 secteurs financiers pour les produits et services européens au Royaume-Uni.
La régulation des échanges de services financiers entre l’Union européenne et le Royaume-Uni reste une zone d’ombre dans l’accord de commerce et de coopération. Depuis le divorce économique, l’Union européenne n’a eu d’égard que pour les négociations en faveur du maintien de l’accord relatif aux chambres de compensation, dont 40 % sont gérées dans la capitale britannique. Les gouvernements qui se sont succédés depuis le Brexit ne sont pas parvenus à obtenir des accords permettant de conserver les avantages du marché unique, notamment ceux offerts par le passeport financier européen.
Pour Angus Canvin, directeur des affaires internationales du collectif UK Finance, il est très peu probable que l’Union européenne et le Royaume-Uni s’accordent sur un modèle similaire à celui du passeport financier européen. « Les conditions finales favorables à l’échange sans friction de produits financiers entre le Royaume-Uni et l’Union européenne n’ont pas encore été posées. Il s’agit d’un chantier encore en travaux », témoigne-t-il.
Malgré les nombreuses négociations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni en mars 2021, l’accord d’entente visant à réguler les échanges financiers entre les deux blocs n’a pas encore été signé. Le spécialiste des affaires internationales de UK Finance espère que l’Union européenne atténuera les frictions d’échanges financiers. « Les effets cumulatifs du statu quo se traduisent par l’ajout de barrière dans les échanges et l’augmentation de coûts », déplore-t-il.
Capitale mondiale de l’exportation de services financiers, Londres a réaffirmé sa position de force avec 77 millards de dollars des États-Unis d’excédant commercial en 2019. Face au mutisme européen, Rishi Sunak, le ministre britannique chargé des finances et du Trésor, faisait une annonce appelant à l’autonomie de la City en juillet 2021 : « Nous avons essayé d’établir des décisions mutuelles au sujet des équivalences de services financiers, en vain », disait-il avant d’ajouter que les Britanniques avaient « la liberté de faire de faire les choses différemment et mieux » et qu’ils avaient « l’intention d’en jouir pleinement ».
Face à l’incertitude politique persistante, 42 % des entreprises de services financiers britanniques suivies par le cabinet d’audit financier EY avaient annoncé une intention de délocalisation en octobre 2020. Qu’il s’agisse de l’exportation des activités ou du personnel, les capitales européennes étaient dans la ligne de mire des financiers londoniens.
Le dernier rapport de la firme publié en mars 2022 “EY Financial Services Brexit Tracker : les services financiers britanniques se stabilisent cinq ans après le déclenchement de l’article 50″, indique que Paris et Francfort arrivent en tête des destinations européennes. Quelques 4,600 employés britanniques ont été délocalisés vers les deux capitales (en particulier issus des banques d’investissement) et près de 50 entreprises spécialisées dans la gestion d’actifs et les assurances ont, quant à elles, choisi Dublin, le Luxembourg ou encore Bruxelles.
Si ces mouvements de délocalisation profitent aux capitales européennes, un accord légal entre le Royaume-Uni et l’Union au sujet des services financiers est nécessaire. Comme le souligne Angus Canvin, « le Royaume-Uni est un centre financier d’une importance non négligeable sur le continent européen, des accords favorables avec l’Union européenne pourraient avoir des retombées très positives sur l’ensemble du bloc. »