Le 30 juin dernier, la crêperie française Mamie’s a définitivement fermé ses portes. Mais aucune communication officielle n’avait été faite jusqu’à présent. C’est par un simple post d’un client sur Facebook que de nombreux autres ont appris la nouvelle. Aymeric Peurois, fondateur du restaurant, revient sur les raisons de sa décision de fermer son établissement, qui s’articulent entre Brexit, hausse des loyers et du salaire minimum mais aussi baisse du tourisme à Londres.
“Cela a été le fruit d’une longue réflexion”, avance l’ancien propriétaire des lieux, “mais en avril et mai, le chiffre d’affaires avait baissé de 30% par rapport à l’année précédente. Si, quand on a ouvert il y a trois ans, on savait que les premières années allaient être difficiles, le manque de trésorerie au fil du temps a eu raison de notre patience”. Au vu de “l’ampleur des dégâts” au printemps, malgré un mois de février et mars plutôt positifs grâce à la Chandeleur et au Pancake Day, Aymeric Peurois est retourné voir ses investisseurs. “Avec l’incertitude du Brexit, ils m’ont dit qu’il n’était plus possible de continuer à mettre la main au pot”.
Mais au-delà de la situation de crise économique du pays, “c’est le cumul de plusieurs facteurs”, qui a fini par convaincre le Français qu’il était temps d’arrêter les frais. En premier lieu, la situation de l’industrie de la restauration à Londres. “Beaucoup de restaurants ont fermé ces derniers mois à cause des pressions sur les coûts opérationnels, comme la hausse des loyers et du salaire minimum”. Il cite pour exemple la chaîne du chef britannique Jamie Oliver qui a définitivement mis la clé sous la porte, ou encore Byron, Strada… “Rien que dans la rue (Catherine Street à Covent Garden, ndlr) où nous étions, de nombreux établissements qui sont partis. Il y a même eu un théâtre qui a fermé, ce qui a mis un coup à nos affaires”.
Autre cause, la hausse des prix des matières premières “qui ont augmenté de 15%”. “On importait majoritairement des produits français, que ce soit nos fruits ou nos légumes”, analyse Aymeric Peurois. A cela s’est ajoutée la baisse du tourisme – “entre 7 à 8% soit une perte de revenus globale de 23 milliards et qui a donc eu des conséquences sur l’industrie de la restauration et de l’hôtellerie”, détaille le Français -, et ce, malgré la chute de la livre qui aurait pu leur offrir un meilleur pouvoir d’achat. “Mamie’s était installée dans une zone très touristique, donc nous étions dépendants du volume des visiteurs”, commente le trentenaire.
Quant aux Londoniens, ils préfèrent dorénavant prendre un sandwich au supermarché pour le déjeuner et s’accorder une “vraie” sortie au restaurant. “Si le concept a toujours bien fonctionné auprès de la communauté française, cela n’a pas été forcément le cas auprès d’autres nationalités”, explique Aymeric Peurois, “le problème c’est que quand on a un restaurant installé à Covent Garden, ce n’est pas possible de faire simplement un business français”. Les Anglais n’ont en effet pas été complètement séduits par la formule proposée par Mamie’s. “Ils sont toujours impressionnés quand ils goûtent, mais ils ne comprennent pas que l’on puisse décliner la crêpe de l’entrée au dessert. Ils pensent plutôt que c’est de la street food”.
L’erreur, reconnaît le Français, est d’avoir essayé d’éduquer les Britanniques à ce concept de restaurant. “On a pourtant été très actif sur les réseaux sociaux, on a dépensé beaucoup pour de la communication. Mais c’est un travail de longue haleine et on n’avait pas les moyens de continuer”. Pour preuve, les crêperies qui ont réussi à se maintenir, dit-il, sont celles situées dans des zones avec une population française importante. “Sinon, certains établissements proposent certes des crêpes mais pas seulement, du coup, il y a plus de choix pour la clientèle”.
Si Aymeric Peurois a fait le choix de communiquer très tard sur la fermeture, c’est parce qu’il avait espoir de pouvoir se rapprocher d’une autre crêperie de Londres et ainsi consolider les deux affaires. “Mais cela n’a pas pu se faire”, regrette-t-il. Le jeune homme se dit malgré tout heureux sur un point : avoir vu l’équipe du restaurant rebondir rapidement. “Au départ de l’aventure, on était 15 salariés, et au bout de trois ans on n’était plus que 8”, explique-t-il, “mais ceux qui ont décidé de rester à Londres (deux sont rentrés en France face à l’incertitude du Brexit, ndlr) ont retrouvé du travail”. Pour sa part, il ne se voit plus dans le domaine de la restauration “ni à court ni à moyen terme”. “C’est un échec mais je n’ai aucun regret d’avoir tenté l’expérience”, confie celui qui y a laissé toutes ses économies. Dorénavant, le Français de 32 ans va se retourner vers sa formation initiale : la finance et le management.