Le 24 juin 2023 sonne les sept ans du référendum lancé par David Cameron, Premier ministre britannique de l’époque. Après quatre gouvernements conservateurs et plus de deux années de négociations avec l’Union européenne, le Royaume-Uni a-t-il bénéficié des opportunités tant attendues depuis son divorce politique en janvier 2021 ? Industrie de la pêche, budget alloué au NHS, frontière irlandaise et paysage législatif, French Morning London fait le bilan anniversaire.
Depuis sept ans, les promesses n’ont cessé de se multiplier mais n’ont pas toutes été réalisées. En juin 2016, Boris Johnson avait promis la réappropriation des territoires maritimes britanniques, annonçant des quantités de poissons pêchés plus importantes. Même si la pêche ne représente qu’une mince partie de l’économie britannique, la question était au cœur des revendications du camp « Leave ». La promesse fut réitérée par Boris Johnson en 2020, alors Premier Ministre : « Nous serons capables d’attraper et de manger des quantités prodigieuses de poisson supplémentaires ». À proprement parler, qu’a permis le Brexit dans le domaine de la pêche ? Des nouveaux quotas ont été instaurés pour plus de cent espèces de poisson capturées dans les eaux britanniques, les pêcheurs britanniques ont un droit de capture à hauteur 60 % sur ces espèces et les bateaux européens n’ont accès aux zones britanniques que jusqu’en 2026. Si des changements ont eu lieu, il reste trois ans encore avant cette échéance.
Qu’en est-il des quotas ? Selon un article de la BBC publié en février dernier, une augmentation de 30,000 tonnes a été observée de 2019 à 2021. Toutefois, cette réussite apparente est à prendre avec des pincettes. Le pacte de 2021 signé entre le Royaume-Uni et la Norvège aurait réduit le quota de cabillaud dont jouissaient les pêcheurs britanniques lorsqu’ils faisaient partie de l’Union européenne. Comme le souligne la BBC, l’industrie du cabillaud britannique a souffert de cet accord politique nouveau, avec des entreprises britanniques ayant perdu le droit de pêcher dans certaines zones maritimes norvégiennes. La question de la pêche post-Brexit laisse donc un goût amer pour de nombreux professionnels du secteur.
Un autre sujet était au centre de l’attention des Britanniques lors du référendum. En juin 2018, Theresa May avait annoncé une augmentation du budget de la sécurité sociale britannique de £20 milliards chaque année d’ici à 2023, ce qui apporterait une augmentation de £600 millions par semaine au NHS. Le « Brexit dividend », un recyclage des contributions apportées au budget européen, était en question. Selon Politico, la contribution nette du Royaume-Uni au budget européen était de £230 millions par semaine, montant bien en deçà des estimations de Theresa May et du camp « Leave », qui brandissait alors des estimations de l’ordre de £350 millions par semaine. En 2020, Bloomberg affirmait déjà que le coût du Brexit depuis son entrée en vigueur était supérieur aux contributions totales du Royaume-Uni depuis le début de sa contribution au budget européen.
Le budget du NHS, quant à lui, n’a guère bénéficié du Brexit. Il est vrai que le budget attribué à la santé britannique a augmenté depuis 2016, avec une hausse de plus de £350 millions par semaine. Toutefois, le thinktank londonien UK in a Changing Europe affirme que l’augmentation du budget dédié à la santé n’a rien à voir avec les économies du Brexit. Selon les spécialistes de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le budget supplémentaire alloué au NHS provient des impôts et d’une nouvelle répartition entre les différents départements du gouvernement. En dehors des chiffres, le service de santé a été touché par un manque de personnel après l’entrée en vigueur du Brexit. Encore une fois, la promesse n’a pas été tenue.
Mais qu’en est-il de la question irlandaise, également au centre des préoccupations du Brexit ? Adopté par la Commission européenne à la fin du mois du février, l’accord-cadre de Windsor, « Windsor Framework », donne un nouvel élan aux négociations post-Brexit. Le gouvernement du Premier ministre Rishi Sunak s’est attaqué à un point d’achoppement qui animait des passions depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Pour rappel, la signature du protocole sur l’Irlande du Nord par Boris Johnson, Ursula von der Leyen et Charles Michel, avait eu lieu en même temps que l’accord sur le Brexit en janvier 2020, et était entré en vigueur un an plus tard. Ce protocole avait pour ambition de prendre en compte les spécificités inhérentes à l’Irlande du Nord. Tout en faisant partie du territoire douanier du Royaume-Uni, l’Irlande du Nord restait soumise aux règles du marché unique européen en ce qui concerne les marchandises et l’union douanière.
Malgré cet accord, le système de contrôle restait pour le moins contraignant. Aux points d’entrée de l’Irlande du Nord, la mise en place de procédures de vérification des marchandises en provenance du reste du Royaume-Uni en faisait partie. Joël Roland, chercheur du thinktank UK in a Changing Europe, affirme que l’accord de Windsor est l’avancée diplomatique la plus importante depuis le Brexit. « Il ne préfigure pas de grandes opportunités pour le Royaume-Uni, mais il vient concrétiser le protocole qui était une véritable entaille dans la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne », explique-t-il avant de reprendre, « il ne s’agit pas d’une réussite économique, mais bien d’une avancée politique. »
Enfin, la question législative animait le débat entre les Remainers et les Brexiteers. À moins d’être retenues ou activement utilisées, les lois européennes (« Retained EU Law ») auraient dû être supprimées à la fin de l’année 2023, même sans avoir été remplacées. Cette date limite avait pour objectif de hâter Westminster à revoir les plus de 4,000 éléments législatifs européens. Sans grande surprise, les efforts nécessaires n’ont pas été suffisants, et à sept mois du coup de gong administratif, l’incertitude qui pèse sur les entreprises et l’absence d’équivalence législative ont encouragé l’atermoiement de la date butoir.
Critiqué au sein de son parti pour ce qui est identifié comme un « virage à 180 degrés », Rishi Sunak a décidé de repousser la date officielle de retrait des lois européennes au sein de la législation britannique. Pour le chercheur Joël Roland, ce changement est « l’aveu que cette tentative de changement total d’ici la fin de l’année était un projet fou ». Selon lui, les entreprises étaient exposées à de grands risques si le gouvernement n’avait pas opéré ce changement. « Les entreprises travaillent avec une ou deux années de production à l’avance, imaginez les conséquences sur leur économie si certaines régulations venaient à changer dans les neufs mois à venir », conclut-il.