Avant les posts autour des tests PCR et les annulations de voyage vers la France, les questions autour du “pre-settled status”, de la recherche d’emploi ou de logement au Royaume-Uni, se faisaient très présents sur les groupes Facebook des Français de Grande-Bretagne. Et pour cause, la période de transition s’achevant dans quelques jours – signant la fin de la libre circulation des personnes entre le Royaume-Uni et l’Union européenne – les candidats à l’expatriation étaient alors relativement nombreux. Car quiconque souhaite s’installer outre-Manche aux mêmes conditions avantageuses que lorsque le Royaume-Uni faisait encore partie de l’UE, doit le faire avant le 31 décembre 11pm (heure de Londres). French Morning London avait pu échanger avec certains de ces nouveaux arrivants.
Parmi ceux-ci, il y a David (*), soulagé d’avoir pu décrocher un emploi en boulangerie avant le 31 décembre à Londres. “Le poste était à pourvoir ‘dès que possible’, explique-t-il. J’ai dit que je pouvais venir fin décembre et mes employeurs m’ont dit que ‘c’était parfait’. Avant le Brexit, c’est plus simple pour eux. C’est plus simple pour les deux partis, en fait.” Le Français se dit déçu d’avoir dû faire une croix sur les fêtes de fin d’année avec ses proches mais pense que c’est pour le mieux. “Le ‘pre-settled status’ représente quand même énormément de facilité pour la suite. Notamment si, plus tard, je souhaite aller vivre dans une autre région du Royaume-Uni. J’aurais encore la possibilité de chercher du travail au même titre qu’un Britannique, aux mêmes conditions que maintenant, sans passer par le nouveau programme d’immigration qui m’a l’air assez compliqué…”
Car quiconque venu de l’UE pour travailler au Royaume-Uni à partir de janvier 2021 devra en effet avoir un visa et, pour cela, s’être, dans de nombreux cas, vu proposer une offre d’emploi répondant à un certain niveau de compétences et de salaire. A savoir un niveau baccalauréat, au minimum, pour les offres entrant dans la catégorie de visa s’adressant aux “travailleurs qualifiés” – qui couvre un vaste champ de métiers (patron de restaurant, directeur de banque, acteur, web designer…) – et un salaire annuel d’au moins £25.600 ou £20.480, sous certaines conditions. Enfin, de manière plus large, les employeurs devront désormais avoir une licence de “sponsoring” (de “parrainage”, en somme) pour pouvoir recruter des Européens, ce qui représente une charge supplémentaire pour eux, non seulement financière mais aussi administrative, et devrait bien sûr compliquer les choses pour les candidats à l’immigration.
“J’ai vu les critères migratoires post 31 décembre 2020 et ça m’a mis un bon coup de pied aux fesses”, indique de son côté Camille. Tombée sous le charme de l’Ecosse au cours de différents voyages, la jeune femme a décidé de ne pas attendre et de s’installer dans la province de ses rêves dès la fin de l’été. Cherchant, là aussi, à éviter les contraintes, notamment liées aux exigences salariales, du système de visas s’imposant désormais aux Européens. “Je ne voulais pas baser les modalités de mon immigration uniquement sur des critères financiers, explique cette ancienne conservatrice des bibliothèques reconvertie en professeure de yoga. Mon choix est motivé par un coup de cœur pour l’Ecosse et je veux avoir la possibilité d’y vivre modestement.”
Bien sûr, prendre la décision de s’expatrier en ce moment n’est pas chose facile, compte tenu du contexte sanitaire. Si Camille n’est pas inquiète quant à sa capacité à obtenir le “pre-settled status”, qu’elle a demandé début décembre, la jeune femme éprouve pas mal de difficultés par rapport à l’emploi. “J’ai candidaté à tous les studios de yoga de Glasgow, où je me trouve actuellement et partout ailleurs en Ecosse. Mais beaucoup d’entre eux font faillite ou survivent difficilement.” La Française parvient tout de même à donner quelques cours. “Mais, clairement, ça ne suffit pas et je vis sur mes économies.” Elle cherche également dans son ancien secteur d’activité, les bibliothèques.
Les choses ne sont pas simples non plus pour Sandra, arrivée elle aussi à la fin de l’été et établie à Birmingham. Car si son conjoint est, lui, parvenu à trouver un emploi en Angleterre depuis la France – ce qui a poussé ce couple de Français à déménager – ce n’est pas encore le cas de la jeune femme, malgré ses nombreuses recherches. “La Covid n’arrange rien, soupire, inquiète, la Française, qui travaillait dans la communication à Lyon. Heureusement, j’ai des économies.”
Dans ce contexte, il était donc impératif aux deux Français d’arriver au Royaume-Uni avant 2021 afin, notamment, de permettre à Sandra de bénéficier du “pre-settled status” (qu’ils ont désormais tous les deux). “Avec le nouveau système, il aurait fallu remplir un certain nombre de critères pour être autorisés à venir, notamment celui d’avoir déjà trouvé un emploi… J’ai compris que ça allait être compliqué pour moi si on attendait le 1er janvier”, explique la jeune femme. Les jeunes gens commençaient à se sentir mal en France : l’impression de ne plus pouvoir “avancer socialement” dans leurs boulots, de ne pas avoir vraiment d’opportunités, le sentiment d’une certaine insécurité dans leur région lyonnaise… Et si la situation anglaise n’est pas très évidente non plus, Sandra se dit néanmoins plutôt contente d’être là. “Les gens sont agréables. On a trouvé un logement sans souci, ouvert des comptes en banque facilement. Ça a été une agréable surprise.”
Cherchant à être accueillis dans un pays qu’ils jugent plus tolérant quant à leurs origines et leur foi musulmane, Hasna et son mari ont eux aussi fait le choix de venir en Grande-Bretagne. Et ont également décidé de ne pas attendre le 1er janvier “car, après, ce sera quand même beaucoup plus compliqué”. Encore sans emploi en Angleterre, ils sont venus passer quelques jours à Londres, en octobre, afin d’y trouver un logement pour eux et leurs enfants. Et en ont par ailleurs profité pour faire leurs démarches pour leur “pre-settled status”. “On a notamment fourni un relevé bancaire montrant la preuve d’un achat réalisé sur le sol britannique pendant notre séjour, ça a marché.”
Par chance, en effet, les démarches à réaliser pour obtenir le statut de “pre-settled” ne semblent pas trop compliquées aux candidats à l’installation au Royaume-Uni. Il faut juste être en mesure de prouver sa “résidence” (ou, plus largement, sa présence), à un moment donné, sur le territoire au cours des six mois précédant la demande (et donc avant le 1er janvier 2021) en fournissant des preuves, somme toute, relativement simples à l’administration britannique, tels des billets d’avion utilisés, des relevés bancaires montrant des paiements effectués au Royaume-Uni…
Une certaine flexibilité qui a bien convenu à Florian. Le jeune homme avait déjà vécu en Angleterre, y avait même un compte bancaire, un numéro de sécurité sociale (NIN)… Mais, ayant entre-temps habité dans un autre pays, il n’avait pas de preuve de sa présence sur le sol britannique au cours des six derniers mois. Le Français a donc décidé d’y passer quelques jours en décembre et de scanner, une fois sur place, son billet d’avion. “C’est ce que m’avait conseillé de faire une personne de l’immigration. Ma demande a été approuvée en 24 heures”. En parallèle, le jeune homme a commencé à envoyer des CV en Angleterre. “J’hésite encore avec une autre capitale européenne. Le ‘pre-settled’ permet de ne pas me fermer de porte.”
Si les statistiques entourant les populations ne sont jamais très évidentes, l’ONS (“Office for National Statistics”) estime actuellement à environ 191.000 le nombre de personnes ayant la nationalité française vivant au Royaume-Uni (**). Un nombre en hausse relativement constante depuis 2004 (les Français étaient 90.000 cette année-là, 165.000 en 2015) mais dont l’évolution pourrait bien sûr être ralentie par la mise en œuvre du Brexit. Concernant le nombre de candidatures hexagonales aux statuts de “settled” ou “pre-settled”, il s’élève, pour l’heure, à un peu plus de 154.000.
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(*) Les noms de famille n’ont pas été précisés afin de préserver l’anonymat des personnes
(**) Statistiques pour 2019 excluant les personnes ayant la double nationalité ou celles vivant dans certains logements collectifs…