Florence a 19 ans et vit “à mille à l’heure”. Mais la vie de cette étudiante en commerce va s’arrêter net un matin du 19 mars 1995 alors qu’elle roule à l’aube dans les rues de Paris. Le seul souvenir qu’il lui reste, c’est le choc d’une voiture contre la sienne. “5h45 du matin (je n’avais pas bu), une berline s’approche diaboliquement, je n’entends plus rien, je vois des flashs, mes talons s’écrasent, je hurle et me cogne violemment. Vacarme terrible, je lâche tout, bras en l’air, jambes rétractées, yeux horrifiés… Criii ! Bing ! Bang ! Craac ! Vacarme et fracas violent, plus un bruit, plus un son, SILENCE. Trou noir !”.
Le choc est tel que la tête de la jeune femme se brise et que son corps se fracasse… Deux mois de coma, une perte de mémoire, la nécessité de tout réapprendre notamment à lire et écrire. Alors comment reprendre goût à la vie et avancer ? “C’est pas ma faute”, premier ouvrage de Floreine Laurent, qui vient de paraître aux éditions Baudelaire, raconte le parcours d’une résurrection.
“Dans le livre, j’ai écrit à la première personne, mais j’ai préféré, pour préserver l’anonymat de certaines personnes mais aussi mettre une certaine distance dans cet écrit très intime, changé les noms. Du coup, j’ai fait la même chose avec le mien”, confie l’auteure. Car c’est son histoire que cette Française de Londres livre, en toute transparence et honnêteté, dans ce premier roman autobiographique. S’il lui aura fallu plus de 25 ans pour prendre la plume, c’est qu’elle a attendu le bon moment : son arrivée à Londres, où elle a suivi son mari, ses enfants devenus adolescents… bref, une stabilité de vie qui lui a permis de coucher sur papier ce qu’il lui est arrivé en 1995, à la fleur de l’âge.
Dans les 260 pages, Floreine Laurent se confie ainsi sur ses deux mois de coma à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, puis sa rééducation à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, “au milieu des fauteuils électriques, des béquilles et des anges en blouse blanche”. La Française dit avoir eu de la chance dans son malheur, celle d’avoir “une famille très présente dont (ma) mère qui a été ma force, mais aussi une équipe médicale qui (m’a) donné des ailes et de l’espoir”.
Dans son ouvrage, elle a usé des mots mais aussi des dessins pour raconter son parcours. “A mon réveil du coma, dessiner a été mon seul moyen de communication”, explique Floreine Laurent. Pourtant, elle n’avait jamais dessiné avant l’accident. Une conséquence encore inexplicable pour cette autodidacte qui ira même parfaire pendant un an ce nouveau talent au sein de l’Ecole du Louvres à Paris. Avant de devenir un livre, “C’est pas ma faute” a d’ailleurs failli être une bande dessinée. “Mais quand je suis arrivée à la huitième page, je me suis rendu compte que ce serait trop long”. Cependant, après ces premiers dessins, lui sont arrivés les mots. Et elle a commencé ainsi à écrire son histoire.
Quand on lui demande comment elle a fait preuve d’une si grande résilience après son accident, la Française, installée à Londres depuis 7 ans après une expatriation au Bahreïn où elle avait d’ailleurs assuré le graphisme d’un livre de recettes, confesse que tout n’a pas été si facile. “Quand je suis sortie de l’hôpital, je ne pesais que 31 kilos et je devais tout réapprendre. Alors oui, c’est arrivé plusieurs fois d’ailleurs d’avoir envie de tout arrêter”, confie Floreine Laurent. Mais c’était sans compter “la petite lumière” qui la suivait depuis son coma. “A chaque fois que je voulais baisser les bras, elle était là pour me dire de me battre pour ma famille”.
Dans son livre, elle écrit d’ailleurs en introduction : “Pour lutter contre la douleur, il y a trois trucs à ne pas lâcher : l’équilibre (surtout dans mon cas), la confiance et les projets. Je voulais être forte, j’ai regardé les autres et… j’avais de la chance, j’avais dix-neuf ans et donc le temps”. Si elle a décidé de publier “C’est pas ma faute”, c’est, dit-elle, “pour témoigner et donner la force d’avancer à ceux à qui cela a pu arriver”. Faire naître l’espoir, expliquer qu’il faut provoquer sa chance, s’accrocher, c’est aussi le message qu’elle espère faire passer. Mais aussi peut-être apprendre à pardonner. Elle l’a réussi à le faire à l’égard de l’autre conducteur impliqué dans l’accident. “On ne saura jamais qui était en tort et ce qui s’est vraiment passé ce matin-là”.
Floreine Laurent a donc écrit, depuis, un nouveau chapitre de sa vie. Et cette expérience “positive” d’écriture de son premier livre lui donne déjà envie d’en publier un second à l’avenir. Mais avant, elle sera à la Librairie La Page samedi 24 avril pour une séance de dédicace et de rencontre – avec distanciation sociale évidemment – avec les lecteurs.