Ceux qui trainent leur nom comme un boulet le savent bien : en France, le changement de nom de famille est extrêmement encadré. Au Royaume-Uni, l’approche est beaucoup plus décontractée, ouvrant notamment des perspectives pour les binationaux.
Ceux qui trainent leur nom comme un boulet le savent bien : en France, le changement de nom de famille est extrêmement encadré. Seuls quelques motifs sont reconnus comme légitimes, tels qu’un nom perçu comme ridicule ou péjoratif, ou un nom porteur d’une mauvaise réputation. Au Royaume-Uni, l’approche est beaucoup plus décontractée, ouvrant notamment des perspectives pour les binationaux.
Ou presque… Reginald Kenneth Dwight ? David Robert Jones ? Maurice Joseph Micklewhite ? Dites plutôt Elton John, David Bowie ou Michael Caine. Même la famille royale est passée en 1917 de Saxe-Combourg-Gotha à Windsor, plus local et surtout moins germanique. « En vertu du droit anglais, une personne peut changer de nom de famille à volonté », indique sur son site le Home Office. La démarche, réservée aux citoyens britanniques (ou aux résidents britanniques sous certaines conditions), n’est d’ailleurs soumise à aucune procédure légale obligatoire.
Un acte officiel peut être cependant nécessaire (et conseillé) pour faire valoir ce nouveau nom auprès d’administrations telles que les banques et autres organisations financières, passeport office ou permis de conduire. On fera alors un deed poll, unenrolled (à faire soi-même) ou enrolled, auprès de la Royal Courts of Justice, pour la modique somme de £48.32.
A condition de respecter certaines règles (exit chiffres, ponctuations, symboles, marques déposées, promotion de messages haineux divers, vulgarité, titres usurpés type Dr ou Lord), chacun est libre de s’appeler Libellule Charmante, Elton John (sauf si vous comptez devenir chanteur), Amazing Baguette, Pasty-Smasher Omlette (cité par le journal The Guardian) ou plus passe-partout, John Smith ou Anna Jones. Les criminels auront la délicatesse de signaler leur changement de nom auprès de la police.
Depuis 2017, la loi française stipule que « toute décision étrangère d’état civil légale dans le pays d’origine sera reconnue en France », explique Bérangère Kola-Sautai, avocate chez LBK, ouvrant ainsi les perspectives des binationaux. Une fois le deed poll obtenu, on lancera ainsi une procédure auprès du Tribunal Judiciaire, « lequel vérifiera notamment que la décision est conforme à ce qu’on appelle l’ordre public international français. Si c’est contraire à la loi française, le changement sera refusé ». Signe que le sujet concerne nombre de Français au UK, le consulat de France a publié un onglet dédié. Le nouveau nom sera transcrit en marge de l’état civil français, l’ancien nom ne disparait donc pas complètement des radars.
Qu’adviendrait-il de madame Amazing Baguette ? De manière plus générale, la France suit-elle les décisions des deed polls sous réserve qu’elles aient un sens ? « Ce n’est pas inscrit dans la loi, il n’y a pas de jurisprudence non plus », répond Bérangère Kola-Sautai. Le risque serait, en cas de refus, de se retrouver avec un passeport anglais et un français aux noms différents, et un certain nombre de complications à la clé.
« Dans la grande majorité des cas, remarque cependant l’avocate, les personnes veulent remplacer le nom de leur père par celui de leur mère, ou a minima adjoindre celui de leur mère ». Une procédure rendue très facile par la nouvelle procédure simplifiée de changement de nom de famille (juillet 2022), et qui concerne tous les Français. A charge ensuite pour l’intéressé, s’il est binational, d’effectuer un deed poll pour modifier son passeport britannique. La boucle est bouclée.