Ouvrir son propre restaurant gastronomique était sans doute le pas que n’avait jusque-là pas osé franchir Elliot Moss, c’est désormais chose faite. Installé au beau milieu de St John’s Wood, son “Plu restaurant” régale depuis vendredi 25 octobre ses tous premiers clients avec une cuisine alliant traditions françaises et modernité.
Tombé dans la gastronomie française en tant que commis dans les cuisines du mythique restaurant le Gavroche, le Londonien revendique une exigence de qualité à toute épreuve. Il faut dire qu’avec un menu à £125, le client doit pourvoir “sentir la différence”. Dès la sélection des produits, l’arbitrage du chef se veut pragmatique. “J’essaie d’employer des produits locaux quand il y en a, mais jamais au détriment du goût”, déclare-t-il. Dans la mesure du possible, les produits britanniques sont donc privilégiés, à l’exception toutefois de la viande et des produits du terroir comme le foie gras.
Une fois devant les fourneaux, toute la subtilité consiste à imaginer un menu “tout en progression”. Autant dire que la partie est complexe lorsque le repas se compose d’une succession de douze plats. “Il y a tellement d’ingrédients et de manières de cuisiner que je refuse de me répéter”, lâche-t-il. Ainsi, l’introduction d’un nouveau plat implique bien souvent une cascade d’ajustements sur l’ensemble de la carte. Une tâche prenante mais nécessaire à en croire Elliot Moss pour qui “la gastronomie française est la plus élégante au monde par son histoire et ses techniques”. En dépit de ce constat, le chef s’autorise toutefois quelques excentricités, comme par exemple en travaillant certains poissons “à la japonaise”.
Du mercredi au samedi soir, les 16 convives que peut accueillir le “Plu restaurant” auront le plaisir notamment d’apprécier un tartare d’agneau, un gaspacho, un parfait de foie gras façon crumble, une assiette de lapin français ou encore une dacquoise (gâteau du Sud-ouest français, ndlr). Le tout à marier avec, pour chaque plat, deux vins au choix.
A 18 ans, Elliot Moss ne s’imaginait pas passer sa vie derrière les fourneaux mais se rêvait plutôt artiste. Après avoir réalisé une première année en classe préparatoire aux grandes écoles d’art, le jeune homme jette finalement l’éponge et enchaîne les petits boulots, au grand dam de ses parents. Son destin prend finalement un tournant bien différent lorsqu’au détour d’une œuvre caritative, son père rencontre Albert Roux – un des propriétaires du Gavroche – qui est alors à la recherche d’un nouveau commis. C’est en transportant des heures durant des caisses de marchandises qu’Elliot Moss fit ainsi la connaissance de cette institution française triplement étoilée. N’ayant pas déserté, à la différence de plusieurs autres commis, le jeune homme se fait bientôt remarquer par Albert Roux qui lui obtient un poste au sein du room service de l’hôtel surplombant Le Gavroche.
Après quelques mois, il parvient finalement à regagner les cuisines du restaurant en tant qu’apprenti et monte progressivement les échelons jusqu’à devenir chef-pâtissier. Une ascension emplie de doutes devant les cadences de travail de plus en plus infernales. N’ayant presque “que le temps d’allumer une cigarette entre deux services”, le Londonien en vient même à rédiger sa lettre de démission. Pourtant décidé à la remettre, il finit par se reprendre après un “bon service” qui lui a fait réaliser “(qu’il) n’était pas si mauvais (qu’il) ne le croyait”.
Lorsqu’en 2004, Elliot Moss décide finalement de quitter Le Gavroche, il se lance (en vain) dans la confection de gâteaux de mariage. Dans la foulée, il se fait embaucher comme sous-chef du restaurant l’Entropy où il décrochera, en 2006, le prix du “Newcomer of the year” décerné par le renommé Good Food Guide. En 2008, une expérience décevante conduit finalement le chef à s’éloigner des fourneaux et à se lancer dans la location immobilière. Il faudra attendre 2016 pour qu’émerge pour de bon ce projet somnolant d’ouvrir un restaurant.
Deux ans de recherche et neuf mois de travaux plus tard, le flambant neuf “Plu restaurant” ouvrait officiellement. La patience semble aujourd’hui être le maître-mot d’Elliot Moss qui dit vouloir attendre avant de passer à 22 couverts. “Pour moi, chaque client est comme un investigateur du Michelin”, confie-t-il avant de citer son mentor du Gavroche qui lui répétait inlassablement “qu’il faut des années de travail pour gagner trois étoiles mais un rien pour les perdre”.