L’impatience était palpable, mercredi 30 octobre, à quelques minutes du lancement européen de Beautiful in the morning. Totalisant déjà trois prix et neuf nominations, le premier long métrage de Flavia Casà scelle ainsi l’entrée de la réalisatrice italo-américaine dans le septième art. Au cœur de l’histoire, Marielle, une jeune fille de 18 ans prise en étau entre sa solitude, un père qu’elle connaît à peine et un mystérieux inconnu – de douze ans son aîné – dont elle tombe follement amoureuse… Mais l’idylle tourne court et laisse rapidement place à une introspection familiale et sentimentale. Le résultat est à venir apprécier en salle, jeudi 7 novembre prochain à 7pm, lors d’une projection en présence de la réalisatrice.
Sur le papier, le scénario de Beautiful in the morning s’apparente à une réunion de famille. Ayant quitté la France le temps d’un été, Marielle retrouve ses parents, sa sœur aînée Adrienne et sa petite nièce Ada. Sans tarder, la mère et ses deux filles se révèlent dans toute leur complexité. Si Nadine est tiraillée par son rôle de mère et un mari casanier portant peu d’intérêt à ses enfants, Adrienne se remet quant à elle tant bien que mal de sa récente séparation d’Hugo, le papa de la petite Ada. “Le plus difficile pour ce premier film était d’avoir simultanément les histoires de ces trois femmes”, confie d’ailleurs la réalisatrice.
C’est finalement au détour d’une baignade qui a failli mal tourner que Marielle est secourue par Nick, un play-boy d’une trentaine d’années qui bousculera bientôt la vie de la jeune fille et de sa famille. Toute la complexité du film tient dans ce personnage, d’apparence normale, qui se révèle progressivement être un coureur de jupons à la vie vagabonde. “Mon objectif était de montrer des scènes le plus réaliste possible”, explique Flavia Casà. C’est donc chose faite avec Nick qui déclenche aussi bien la détestation et la compassion du spectateur.
L’autre particularité de ce film est incontestablement son budget. Flavia Casà a en effet composé avec les £50.000 récoltés au travers d’une campagne de crowdfunding pour mener à bien les trois mois de tournage “et en payant tout le monde”, précise-t-elle. Après deux années de montage et d’hésitations, Beautiful in the morning est finalement sorti sur les écrans, jeudi 17 octobre dernier, dans le cadre du “LA Femme Film Festival” de Los Angeles, où il a d’ailleurs été finaliste. Pour couronner le tout, trois acteurs de ce long métrage ont également été récompensés lors des “London International Motion Picture Awards”.
Cultivant ce projet depuis 2014, Flavia Casà reconnaît volontiers qu’il y a beaucoup d’elle dans son premier film. “J’avais 24 ans quand j’ai commencé à écrire le scénario, mais je savais déjà que je voulais mettre, au centre de l’histoire, une jeune fille de 18 ans, car à cet âge on ne connaît pas encore sa valeur dans le monde”, détaille-t-elle avant d’ajouter être sortie grandie de ce travail sur des “expériences qui étaient alors récentes pour (elle)”.
Croisant le français et l’anglais, les répliques du personnage de Marielle laissent également transparaître d’autres similarités entre la réalisatrice et son personnage principal. Une manière d’illustrer la dualité linguistique et culturelle qui ont marqué l’enfance de cette femme aux multiples origines. Née à Paris d’une mère turque et d’un père italien, Flavia Casà a quitté la France à l’âge de deux ans pour rejoindre sa famille maternelle partie vivre aux États-Unis. Là-bas, elle effectue toute sa scolarité dans des établissements français et cultive un rejet profond pour l’anglais qu’elle comprend mais refuse de parler jusqu’à ses huit ans. Rien d’étonnant donc à ce que le déracinement soit l’un des thèmes de prédilection de la réalisatrice. “Aujourd’hui, c’est devenu très naturel pour moi de jongler entre le français et l’anglais”, explique-t-elle.
A l’origine, c’est sur les planches du club de théâtre de son lycée que Flavia Casà se découvre en tant qu’actrice. Prolongeant l’expérience par des cours estivaux au conservatoire, la bachelière opte finalement en 2008 pour la section cinéma de la prestigieuse New York University. “Je n’y connaissais absolument rien”, avoue-t-elle. C’est en parallèle de ses études que Flavia Casà commence à réaliser ses premiers courts-métrages. Pourtant échafaudés avec des moyens rudimentaires, ils seront finalement tous diffusés dans divers festivals aux quatre coins de l’Europe.
Dès 2012, la jeune diplômée devenue freelance commence à courir les plateaux de cinéma. Si son premier contrat l’amène à travailler sur Casse-tête chinois aux côtés de Cédric Klapisch, le tournage de Birdman marque un tournant majeur dans la vie professionnelle de Flavia Casà. Encadrée par le photographe Emmanuel Lubezki, la jeune femme dit avoir “plus appris en l’espace de trois mois qu’en quatre années à l’université”. Malgré sa détermination à “travailler jusqu’à 14 heures par jour avec des personnes qu’(elle) admire”, Flavia Casà se résout à reprendre des études avant l’idée de devenir elle-même réalisatrice.
Elle quitte ainsi la côte est des États-Unis pour Edimbourg et y réalise, entre 2013 et 2014, un master en études culturelles. Dans la foulée, elle s’installe à Londres et commence à réfléchir au scénario de son futur premier long métrage… Son rêve accompli, la réalisatrice de 29 ans ne relâche rien et admet avoir déjà songé à un deuxième projet “plus léger cette fois”. “J’ai rencontré le cinéma toute seule et c’est devenu un grand amour”, conclut-elle.