Tous les efforts de la France pour revenir sur la scène internationale financière, et notamment ses opérations séductions au Royaume-Uni, auront-ils été ruinés par l’image renvoyée depuis quelques semaines avec le mouvement des gilets jaunes ? Non, jure le secrétaire d’Etat au numérique venus parler aux entrepreneurs de la Tech, lors de la soirée de fin d’année de la French Tech London jeudi 13 décembre. Et pourtant, le “France bashing” est bien de retour.
400 inscrits, un record battu, selon les propos du président de la French Tech London, Albin Serviant. Jeudi 13 décembre, ils étaient venus en nombre les chefs d’entreprises français, les employés et les intéressés du secteur. Il faut dire qu’il y avait un invité de marque à cette soirée de fin d’année. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat français au numérique, faisait le déplacement pour rencontrer les membres de la French Tech de Londres. Ce n’était pourtant pas gagné.
De son propre aveu, il a failli ne pas venir. “Avec le contexte actuel, je me suis demandé s’il fallait vraiment que je vienne”, a-t-il confessé, expliquant qu’il a tout de même raccourci la durée de son séjour. La veille, une attaque terroriste avait endeuillé Strasbourg et la France. Mais c’est aussi et surtout la crise avec le gilets jaunes qui a fait partie de l’hésitation du secrétaire d’Etat. “Venir célébrer les entreprises aurait pu ne pas être bien compris, mais ma place était quand même d’être là ce soir. C’est le rendez-vous annuel de la French Tech London qui est l’une des deux plus grosses communautés au monde”, a expliqué Mounir Mahjoubi, venu annoncer aux membres la création de deux fonds d’aide.
Pense-t-il justement que cette crise des gilets jaunes va nuire aux efforts faits par la France depuis l’élection du président Macron, comme l’a avancé Pascal Cagni, ambassadeur français pour les investissements internationaux, au début de la soirée ? “Cette colère est légitime”, avait alors lancé au pupitre l’ancien manager général d’Apple Europe, “mais alors qu’on pensait que le France bashing avait disparu, il revient”, présentant au public des Unes de journaux internationaux revenant sur la crise sociale – et implicitement politique et économique – que traverse actuellement l’Hexagone. Il a même raconté comment il a dû prendre personnellement son téléphone et rappeler un à un les entrepreneurs qu’il avait invité les 5 et 6 décembre à Paris – soit entre les deux mouvements des samedis 1er et 8 – pour une conférence pour les inciter à investir en France. Tout le monde est venu au final, mais il aura fallu longuement les convaincre.
Envolées donc les annonces faites aux entrepreneurs étrangers pour les inciter à investir en France, envolés les dispositifs mis en place pour attirer des nouvelles entreprises? Non, a répondu le secrétaire d’Etat. “Cet épisode qui aura duré quelques semaines va montrer une France encore plus forte et encore plus unie”. Pour lui, les annonces sociales du président de la République et “cette démarche que nous sommes en train de lancer” déboucheront sur “une prise de conscience et d’acceptation du nouveau pouvoir”. “A l’ère des réseaux sociaux, où tout le monde est connecté, il faut penser différemment la démocratie et la France est un des premiers pays à le vivre dans sa chair. A la sortie d’une crise, il y a deux choses : soit la déchéance et la mort, soit le ressaisissement et l’opportunité de regarder vers l’avenir. Je veux croire que tout ce que nous sommes en train de mettre en place, c’est pour aller vers le second scénario”.
Les effets se feraient déjà sentir, selon le secrétaire d’Etat, puisque, a-t-il confié, certaines entreprises seraient prêtes à se “co-localiser”. En somme, elles auraient un pied de chaque côté de la Manche. C’est le cas de Made.com, dont le PDG, Philippe Chainieux, était présent lors de la soirée French Tech London. “Beaucoup de compagnies de la Tech qui font de la vente de biens ou du commerce ont fait des démarches pour avoir un pied sur le continent”, le Brexit accélérant tout de même les choses.
Tous espèrent donc que le France bashing ne durera qu’un temps. Pascal Cagni a d’ailleurs invité les entrepreneurs de la Tech présents ce soir-là à continuer à être les ambassadeurs de la France et à encourager les entreprises à s’installer de l’autre côté de la Manche. “On ne peut pas stopper tout ce qui a été fait, mais Victor Hugo disait que la révolution était précisément le contraire de la révolte”. Un fonds va aussi être prochainement créé, a annoncé Mounir Mahjoubi, pour aider les entrepreneurs français et ceux qui veulent travailler avec la France à devenir des porte-paroles.