Même si elle ne le dira pas d’elle-même, car trop modeste, Isabelle Hamley n’est pas n’importe qui. La Française établie au Royaume-Uni depuis deux décennies fait partie de l’équipe rapprochée d’une des plus grandes personnalités du pays : l’Archevêque de Canterbury. Le plus haut représentant de l’Eglise d’Angleterre et de la communauté anglicane, après la Reine, l’a recrutée en tant qu’aumônier il y a un peu plus de deux ans dans sa “senior team”. Pourtant, Isabelle Hamley n’aurait jamais imaginé faire partie de l’équipe de bras droits de monseigneur Justin Welby.
Installée à son bureau de Lambeth Palace, résidence londonienne de l’Archevêque de Canterbury, que la Française partage avec le reste de l’équipe composée de 10 personnes, Isabelle Hamley s’étonne encore d’avoir été choisie pour occuper le poste de “chaplain”, autrement dit aumônier. C’était en 2017. Alors basée à Nottingham, où elle enseignait, tout en menant de front un doctorat et en donnant de son temps dans une association intervenant auprès des prisonniers, la Française décide de postuler à l’offre d’emploi proposée par Lambeth Palace. “Cela faisait plusieurs fois que je voyais passer la petite annonce dans le journal du diocèse, mais je n’y croyais pas trop, en plus je ne savais même pas qu’il existait une équipe autour de l’Archevêque”, souligne Isabelle Hamley, qui cherchait simplement à l’époque un nouveau poste d’enseignante ou dans une paroisse. “Des amis m’en ont aussi parlé et m’ont dit que ce serait bien que je postule”. Un pari risqué d’autant plus qu’il n’y avait eu jusque-là aucune candidate femme.
Elle se renseigne tout de même sur les détails du poste, et finit par poser sa candidature en trente minutes sans trop y croire. A tort, puisqu’elle est convoquée dans la foulée pour un premier entretien, puis un second avec l’évêque de Lambeth et le responsable de l’équipe. “Le troisième et dernier entretien s’est déroulé avec l’Archevêque, c’était impressionnant”, se souvient-elle. Mais Isabelle Hamley est tout de suite mise à l’aise. Il faut dire que ses racines françaises ont peut-être joué en sa faveur, Justin Welby étant un grand francophile. Mais les compétences de la candidate sont avant tout ce qui fera pencher la balance et lui permettra de décrocher le poste. Elle rejoint donc l’équipe et s’occupe depuis de toute la partie liturgie, de la théologie pastorale mais aussi des offices religieux. C’est elle d’ailleurs qui représentera l’Archevêque lors des répétitions du mariage entre le prince Harry et Meghan Markle. “Je me suis occupée entre autres de négocier l’ordre de service”, confie la Française.
Pourtant rien ne destinait Isabelle Hamley à suivre le chemin de la foi, elle qui est née dans une famille athée. “Je n’avais aucune affiliation religieuse”, reconnaît-elle, “mais j’ai toujours eu la foi en moi, je ne sais pas comment l’expliquer mais c’est ainsi”. Son enfance n’a pas été facile et elle se réfugiait alors dans la prière, sorte d’échappatoire pour la jeune fille de l’époque. Alors qu’elle est au lycée, une des amies, dont le père était pasteur, l’invite à l’église. Une église, dit-elle, “accueillante et qui m’a aidée à grandir. J’avais enfin mis un nom sur ma foi”. Âgée de 17 ans, elle ressent déjà comme “l’envie de faire quelque chose” autour de la religion, mais sans savoir exactement quoi.
Alors étudiante en licence, la Française reçoit une bourse européenne pour venir étudier en Angleterre, à Nottingham plus précisément. Lors de sa deuxième année d’études, on lui proposera un poste d’assistante et s’investira dans l’aumônerie de l’université, où elle rencontrera son futur mari et qui lui ouvrira les portes de l’église anglicane. Tout se confirme alors : Isabelle Hamley veut consacrer d’une manière ou d’une autre sa vie à la religion. Elle part alors en séminaire, toujours à Nottingham, pour “potentiellement devenir pasteur dans une église baptiste”, puis se rend à Londres, elle étudiera la théologie.
La Française mène ensuite plusieurs fronts, entre son poste à l’université – toujours à Nottingham -, son investissement au sein d’une association caritative qui travaille avec des prisonniers et son doctorat qui explore l’interprétation des textes de violence dans l’Ancien Testament. Elle part une seconde fois en séminaire pour devenir cette fois-ci prêtre dans une église anglicane. Cette formation (elle ne fera que deux ans sur les trois prévus, étant donné son précédent bagage en théologie) l’amènera ensuite à travailler avec un pasteur à Nottingham. Pour Isabelle Hamley, trouver un équilibre entre sa vie privée, professionnelle et sa foi n’aura jamais été un problème. “J’avais à la fois ce côté énergique avec toutes mes activités et un temps plus calme avec mon doctorat”, qu’elle obtient donc en 2017, “mais qui m’aura pris six ans à finir”, lance celle qui détient aujourd’hui le titre de révérend dans l’église anglicane.
Isabelle Hamley se dit heureuse de tout ce chemin parcouru, bien que rien n’a été calculé. Elle aime le rythme, certes frénétique mais passionnant, de son poste actuel dans lequel elle s’épanouit. Outre le fait d’assister l’Archevêque de Canterbury, elle a également la charge des membres de la communauté de St Anselm basée à Lambeth Palace, où se côtoient des jeunes de l’église anglicane âgés de 20 à 35 ans venus du monde.