Depuis l’été 2016, elle n’est pas remontée au-dessus des 1,20 euros et a parfois atteint les 1,10 euros. Empêtrée dans les rebondissements politiques liés au Brexit, la livre sterling s’est dépréciée face à la monnaie européenne. Si elle est aujourd’hui relativement remontée (le ‘pound’ s’échange contre 1,17 euros environ), la monnaie reste encore un peu faible aux yeux de certains expatriés qui ont des projets – immobiliers notamment – en France et doivent convertir leurs livres en euros.
C’est le cas de Véronique Dallet. Rentrée à Bordeaux en septembre 2018, après avoir vécu une vingtaine d’années en Angleterre, cette Française souhaiterait vendre son appartement londonien. Une démarche importante qui lui permettrait de bénéficier d’un apport financier dans le cadre de sa réinstallation en France et l’achat d’une nouvelle propriété. Mais le taux de change actuel, entre la livre et l’euro, ne lui est pas très favorable.
“Mon appartement vaut désormais près de 280.000 livres. Au taux actuel, il s’évaluerait à 327.600 euros, ce qui représente une perte de valeur par rapport, par exemple, au tout début de l’année 2016, où le taux pouvait monter à un peu plus d’1,30 ce qui aurait fait une somme de plus de 364.000 euros”, explique Véronique Dallet. Sans compter les années où la livre sterling avait pu s’échanger à plus de 1,4 euros… comme en 2015. Ou en 2006, l’année où la Française a acheté son appartement. “La somme actuelle me fait déjà un bon apport, mais je sais quelque part que je perds de l’argent, que je pourrais en récupérer beaucoup plus.”
“Les facteurs politiques et économiques influent fortement sur la demande et la valeur d’une monnaie, indique Jonathan Watson, directeur associé et analyste en chef à Foreign Currency Direct, une société de courtage spécialisée dans l’échange de devises. Dans la mesure où il joue sur la situation politique et économique du Royaume-Uni, le Brexit a un véritable impact sur la livre sterling.”
Et de rappeler : “Au 23 juin 2016, le taux de change interbancaire livre/euro était de 1,3054. Le 14 octobre, il était de 1,1065, ce qui représente une baisse de 18 %. Et malgré plusieurs phases ascendantes – le taux était de 1,1763 le 12 mars dernier – il est tombé à 1,0647 le 10 août, soit une chute par rapport au 23 juin de 22,6 %”.
Une situation qui n’arrange pas les affaires de Mathieu Charles. Expatrié à Londres, ce Français dispose d’un appartement à Toulon qui lui coûte de l’argent. Et le taux de change actuel livre/euro n’aide pas. “Je perçois un loyer pour l’appartement mais celui-ci ne couvre pas tout le crédit, ni les taxes. J’ai donc des frais en euros tous les mois et la baisse du taux de change fait que mon appartement me revient plus cher par rapport à mes revenus qui, eux, sont en livres, explique-t-il. Cet investissement représente quelques milliers de livres sterling par an. Le taux de change actuel fait que j’en verse 600 de plus.”
Également à Londres, Arman (qui n’a pas précisé son nom de famille) envisage aussi d’investir dans l’immobilier en France et épargne régulièrement. Mais pour transférer le gros de son argent vers l’Hexagone, il préfère attendre. “Avant le Brexit, par exemple en 2015, £3.000 donnaient environ 4.000 €”, indique-t-il. Au lieu de 3.500, aujourd’hui. Arman souhaite donc attendre une remontée, post Brexit, de la livre à 1,25 voire 1,30 euros. Un scénario qui lui semble possible si un accord entre Londres et Bruxelles est finalement validé. “La période d’incertitude devrait en partie se dissiper une fois le deal ratifié et la sortie actée”, pense-t-il.
Pour Jonathan Watson, il est bien sûr compliqué de prévoir l’évolution du taux de change même si “une dévaluation de la livre a été observée à la perspective d’une sortie sans accord alors que celle d’un report ou d’une sortie avec accord l’a aidée à remonter.” Concernant les élections législatives anticipées du 12 décembre, donc, “tout signe d’une majorité conservatrice en difficulté pourrait entraîner une perte de valeur de la livre sterling car cela rendrait plus difficile le passage de la loi de retrait de l’UE au Parlement”. Et compliquerait la ratification de l’accord actuellement prévu.
Pour ce spécialiste en finance, toutefois, l’importance à ces élections de partis moins traditionnels, que sont les libéraux-démocrates et le Brexit party, pourrait donner une nouvelle tournure aux événements. Et potentiellement mener “à une évolution inattendue du taux de change entre l’euro et la livre sterling”.