C’est un combat qu’elle compte bien mener jusqu’au bout. Candice Desmet est la fondatrice de la compagnie Act’In Theatre, créée et installée depuis 2014 à ‘Old Paradise Yard’, un site proche de la gare de Waterloo qui abritait auparavant une école victorienne abandonnée. Fermée depuis des décennies, elle appartient à la Guy’s and St Thomas’ Foundation, un fonds de santé. “Elle a ensuite été louée à EatWorkArt, un fournisseur d’espace de travail artistique, pour les petites entreprises créatives locales et est depuis devenue une communauté prospère très appréciée par les résidents locaux”, confie la Française de Londres.
Sauf qu’il y a un an et demi, la fondation a décidé de réaménager l’espace afin d’y construire un projet immobilier de bureaux. Candice Desmet confie qu’afin d’obtenir le soutien du conseil municipal de Lambeth et de Sadiq Khan, maire de Londres pour la démolition, la fondation aurait ainsi “promis de permettre aux entreprises de rester jusqu’à ce que la démolition commence, de les aider à se réinstaller et de leur offrir le premier choix dans les nouveaux bâtiments construits”.
A l’époque, la Française de Londres, avec des associations représentant les habitants du quartier et les entreprises présentes sur le site, se sont battues pour que le réaménagement du site, jugé “pharaonique”, ne puisse pas se faire. Cette première bataille est finalement gagnée puisque, après une campagne de mobilisation, Save Waterloo Paradise, longue de plusieurs mois et recueillant près de 50,000 signatures, Michael Gove, ministre du logement, décide en août dernier de mettre en pause le projet, le temps d’estimer si une concertation publique est nécessaire.
L’arrêt de ce projet, estimé à au moins 18 mois, avait alors suscité la colère de la fondation, qui a décidé il y a deux semaines de ne pas renouveler le bail des locaux dont celui de la compagnie de théâtre. “Nous avons été informés fin octobre que nous devions partir avant Noël”, explique la Française, “alors même que la fondation avait promis que les entreprises pourraient rester sur le site jusqu’à ce que la démolition commence”. Une vingtaine d’entreprises sont concernées par cette expulsion. “Ce sont environ 2,000 représentations, événements et ateliers pour la communauté qui sont proposés. Avec un préavis aussi court, certaines entreprises risquent de fermer définitivement leurs portes et d’être ruinées”, lance Candice Desmet, avant de préciser que “le locataire de la propriété adjacente, Oasis Farm, qui se situe également sur le terrain concerné par le développement et qui ne s’est pas opposé aux projet, a vu son bail prolongé en raison des retards”. Pour elle, la fondation vise donc clairement, de part sa décision, les entreprises qui ont élevé la voix contre le projet. “Le but est d’affaiblir la campagne « Save Waterloo Paradise »”, estime-t-elle.
La fondatrice d’Act’In Theatre explique que la fondation ne souhaite pas pour le moment “rouvrir les négociations” concernant la possibilité de renouveler le bail le temps de l’enquête gouvernementale sur le bien fondé du projet. Pour sensibiliser la population de la municipalité de Lambeth, mais également des autres councils de Londres, une manifestation avait alors été organisée jeudi 2 novembre, rassemblant une cinquantaine de personnes. Michael Ball, porte-parole de l’association caritative locale “Waterloo Community Development Group”, regrette lui aussi la position de la fondation qui est “aujourd’hui dans ce qui semble être une démarche cynique et calculée”. “Tout le monde est mis dehors certainement parce qu’elle pense que cela renforcera son dossier en montrant que le site est vide et en train de pourrir”, pense Candice Desmet qui estime “ce bannissement déraisonnable et inadmissible”. “Est-ce la définition de la charité ? Non, c’est la définition de l’abus de pouvoir. Ils sont en train de détruire nos locaux, de déstabiliser notre entreprise. Tout ce que nous demandons, c’est ce qui a été promis précédemment et cela ne ferait aucune différence pour eux de laisser la communauté fonctionner jusqu’à ce que le développement commence. Nous vivons un véritable cauchemar depuis cette annonce. Comment pouvons-nous encore leur faire confiance ?”.
Le premier rassemblement du 2 novembre a permis de mettre à nouveau en lumière le combat que mènent Candice Desmet mais aussi les autres entreprises sur le site. Une seconde mobilisation est organisée mercredi 15 novembre de 6pm à 8pm avec une série de concerts, de prises de parole, ainsi qu’un moment convivial. L’objectif étant d’informer plus largement la population de Londres et la menace qui pèse sur cette vingtaine d’entreprises, qui, le répète la Française de Londres, de mettre la clé sous la porte.
Crédit photo de Une : Etienne Morax