Arrivée au Royaume-Uni il y a cinq ans avec son baccalauréat en poche et l’envie de se lancer dans le cinéma, Celya AB a finalement trouvé sa place dans l’humour en découvrant les joies du stand-up. Désignée lauréate du “Breaking Talent Award”, vendredi 4 octobre 2019, lors d’une soirée organisée en marge du Birmingham Comedy Festival, la Française savoure cette distinction à laquelle elle ne prétendait pas. Il faut dire que ce prix récompensant les humoristes prometteurs constitue à la fois un accomplissement et un nouveau tremplin pour la jeune femme de 24 ans.
Après avoir fait ses premiers pas sur scène en 2017, Celya AB a fait du stand-up sa principale occupation. Dernièrement, elle a pu s’essayer à un “marathon de l’humour” en montant chaque soir sur l’une des scènes ouvertes du Fringe festival d’Edimbourg. Temple des arts aussi divers soient-ils, cette manifestation animant chaque été la capitale écossaise sur près d’un mois a permis à la Française d’écrire et de mettre en scène instantanément. “Un petit rêve qui se répétait tous les jours”, lâche-t-elle. A l’issue du festival, la native de Seine-Saint-Denis repart avec un canevas d’une vingtaine de minutes, testé et éprouvé, qui constituera la trame de ses performances pour les mois à venir.
Ne se prenant pas vraiment au sérieux, la Birminghamienne d’adoption aime par-dessus tout rire d’elle-même en se disant par exemple qu’“il n’y a rien de plus drôle que de faire un ‘bide’”. Pour autant, la jeune femme d’origine franco-algérienne garde en vue la tentation, très répandue dans le milieu, de tomber dans l’humour identitaire. Ce dont elle espère se prémunir en se contentant d’allusions furtives à ses racines “pour ne pas (s’en) servir de canne avant, idéalement, de ne plus en parler du tout”. Évitant ainsi les sujets brûlants ou trop politiques, Celya AB préfère interroger l’idée de courage et notamment la fascination qui l’entoure généralement. “Je pense que ce qu’on qualifie de ‘courageux’ ce sont souvent des choses à l’origine un peu bêtes mais qui ont fonctionnées”, explique-t-elle. Sur scène, l’humoriste parle ainsi librement de son parcours atypique, de sa mère et… de Guinness ou de petit chat, le tout sur un ton “hyper-honnête”. Une mise à nue (et en danger) qui permet au final de rapprocher ses spectateurs par le rire. “Il y a quelque chose de magique dans le stand-up parce que ça crée un effet de communauté”, résume-t-elle avec fierté.
Il serait tentant de dire que le goût de la scène était inné chez Celya AB. Adolescente, elle suit des cours de guitare et aime se produire dès que possible aux côtés de son frère, lui-même musicien. Après avoir obtenu son baccalauréat littéraire, elle décide de faire une pause dans ses études et part en Angleterre avec la vague idée de se lancer dans le cinéma.
En octobre 2014, elle pose bagage à Birmingham après avoir eu un coup de cœur pour cette ville et ses “subcultures” (cultures marginales, ndlr). Rapidement, elle commence à travailler comme responsable des ventes dans un studio photo mais continue de cultiver l’idée qu’un jour elle franchira le pas et montera sur scène. Son projet prend finalement vie en 2017 au détour d’un café dans lequel elle rencontre une amie humoriste qui la met au défi de se produire sur l’une de ses scènes trois jours plus tard. “J’ai eu un rire”, se rappelle encore Celya AB. Au fil des soirées, elle s’applique à rechercher les mots anglais les plus appropriés pour faire passer son message, ce qui ne tarde pas à payer. C’est également à cette période qu’elle réalise à quel point de grandes plumes comme Pierre Desproges, Élie Kakou ou les Inconnus ont marqué son adolescence. “Quand Jamel Debbouze est arrivé, il a importé le stand-up en France et ça a tout changé”, confie-t-elle.
La Française voit désormais loin en envisageant de faire de l’humour son métier à plein temps. Pour l’heure, elle est contrainte de conserver un mi-temps en tant que chargée de clientèle mais aspire à fuir les bureaux pour les planches. La reconnaissance que constitue le “Breaking Talent Award” lui a d’ailleurs d’ores et déjà permis d’accéder à de nouvelles scènes. De quoi lui laisser le temps de se préparer avant peut être de toucher son rêve du doigt en montant sur la scène du Soho theatre à Londres. Celya AB n’exclut d’ailleurs pas de regagner un jour l’Hexagone, mais pas avant de s’être établie durablement au Royaume-Uni.