Comme annoncé au début du mois d’avril, le V&A Museum accueille l’exposition Quant jusqu’au 16 février 2020, une rétrospective des plus grandes créations de la couturière révolutionnaire, Mary Quant. French Morning London a pu se frayer un passage parmi la foule de visiteurs venus admirer les collections avant-gardistes et féministes de la Britannique.
L’entrée de l’exposition nous met tout de suite dans l’ambiance de l’époque : du jazz des années 50 en fond sonore, une vidéo et des photos en noir et blanc nous font découvrir l’ancien Londres avec ses rues, ses habitants, ses magasins. On entend le bruit des voitures et les conversations des passants. On apprend alors que Mary Quant a grandi dans une famille très modeste et qu’elle était destinée à devenir professeur de grammaire.
Ici pas de pièces séparées, l’exposition évolue dans une même salle circulaire qui imite ingénieusement la rapide ascension sociale de la couturière. On a a peine le temps de tourner la tête que Mary Quant est déjà devenue mondialement connue. L’élément déclencheur ? L’ouverture du magasin Bazaar en 1955 dans le quartier de Chelsea qui devient une référence en termes de tenues de travail modernes et épurées pour les femmes.
Les médiums sont très variés : on peut découvrir à la fois des modèles de vêtements, des vidéos, des photos ce qui permet à l’exposition d’être ludique et vivante. Robes, manteaux de fourrure léopard, salopettes courtes, jupes à carreaux, à chaque vêtement correspond un petit écriteau qui parle des matières utilisées, du moment de sa création, de son histoire. Le style de la couturière évolue rapidement d’un style classique à un style plus urbain et moderne.
Il y a aussi un aspect politique dans les créations de Mary Quant. Elle crée la collection Ginger Group en 1963, un terme utilisé en politique pour décrire un groupe qui tente d’encourager d’autres personnes à adopter une nouvelle façon, plus intéressante ou plus dynamique, de faire les choses. Avec cette collection, la Britannique compte bouleverser les codes de la mode en créant des vêtements amusants et branchés destinés à une large clientèle. Un peu plus loin, on peut lire “le snobisme n’est plus à la mode”, une phrase qui traduit aussi la volonté de la couturière de créer des vêtements abordables.
On s’installe ensuite pour découvrir un interview de la styliste dans son atelier où elle évoque les changements sociétaux de l’époque : “Je pense que le référent a changé dans le domaine de la mode, on est passé du milieu riche de la haute couture à la “working girl” et ses besoins.” On la voit ensuite dessiner et conseiller les mannequins qui se préparent pour un défilé.
Des coupes masculines, des matériaux originaux, des couleurs inattendues, tout nous surprend dans cette exposition. Le plus impressionnant reste la “wet collection”, une collection de manteaux en PVC: un rouge, un noir, un blanc. Des tenues sexy, audacieuses, et expérimentales dans une matière très peu utilisée à l’époque.
Quand on a fait le tour de la salle, on pense que la visite est terminée et on est un peu frustrés. Mais en fait, un escalier nous annonce “more Mary upstairs” (plus de Mary à l’étage) et nous mène à une immense salle aux murs blancs et aux plafonds hauts qui crée un clair contraste avec la première partie de l’exposition, présentée dans une salle assez sombre et étroite. Ce contraste, qui est sûrement voulu, traduit un changement de style radical dans les créations de la couturière : la période des années 70.
En vitrine : des sacs de toutes les formes, des K-way, des robes de toutes les couleurs avec des formes très géométriques. Sur les murs : ambiance “flower power”, rayures, décors psychédéliques. Au milieu de la pièce, des photos et des citations des proches de Mary Quant sont projetées et défilent sur un mur arrondi.
Plusieurs célébrités apparaissent dont Twiggy, la mannequin britannique mondialement connue et qui a longtemps été l’égérie de la couturière. On croise là deux visiteuses qui ont vécu la période Swinging London et qui se remémorent l’apparition de ces styles. Elles sont émues par cette retrospective qui rend hommage à l’image d’une femme libre et libérée.
On arrive dans la dernière partie de l’exposition, moment de la carrière de Mary Quant où elle varie ses créations. Elle se concentre sur une ligne de sous-vêtements puisque ceux de l’époque ne vont pas avec les robes qu’elle crée. Mais elle ne s’arrête pas là : maquillages, collants, chaussures… la styliste veut entièrement changer la garde-robe des femmes.
Le pari est tenu puisque Mary Quant changera à jamais la manière dont les femmes britanniques vont s’habiller. L’exposition raconte à merveille la réussite de celle qui a démocratisé la mini-jupe et qui a permis aux femmes de porter des tenues, sportives, confortables et élégantes à la fois. On pourrait rester des heures à étudier le détail de chaque création et à regarder en boucle les nombreuses vidéos. “Je n’avais pas le temps d’attendre pour la libération des femmes”, déclare Mary Quant. Et en effet, elle n’a pas attendu, elle l’a provoqué.