Presque cinq années londoniennes et un nouveau disque : Boogaerts (en anglais). Dix chansons se déploient dans la langue de Shakespeare, sur “les sentiments, le fantasme, la contemplation, les nouveaux départs et le désir d’ailleurs, la relativité de la valeur des choses”.
“Je donne toujours un cadre à un album. C’est une façon de lui donner une identité par rapport aux précédents. Les contraintes sont très stimulantes”. Pour cet opus, la règle est toute trouvée : écrire en anglais, un double défi pour l’auteur-compositeur-interprète. Premier écueil : chanter dans une langue non maternelle. “Mes chansons ont vocation à exprimer des sentiments, à être dans de l’intime, [or] il faut incarner le propos, avec cette langue qui n’est familière ni ma bouche ni dans mon cœur”.
Le second challenge, c’est de ne chanter qu’avec “des mots intégrés, vécus au premier degré, sans les rechercher dans le dictionnaire et qui sonnent dans la bouche”, au risque d’un champ lexical réduit. Au-delà de la contrainte créative, Mathieu Boogaerts souhaite que ses chansons soient entendues et comprises par un public britannique. “Le fait d’être dans un environnement complètement exotique avec des gens qui ne comprennent pas ma langue était frustrant. Comme si mon métier était de fabriquer des bateaux et que j’étais en plein milieu de la Russie, sans mer !”. Pour cet album, il se remet au clip, avec Londres pour décor. “Chaque clip a son quartier” : Brixton, la City, Clapton ou encore Clapham où il réside.
L’aventure londonienne dure depuis 2016. Le chanteur s’est attaché à imprimer son empreinte dans le paysage musical londonien. Après un premier concert au Café OTO, il assure la première de Cabrel au Royal Albert Hall, joue à la regrettée Librairie Caravansérail, ou encore à l’Omnibus. À son initiative, il fait une résidence mensuelle au Servant Jazz Quarters, à Hackney.
Si l’expérience de l’expatriation est “hyper enrichissante et met tout en perspective”, Mathieu Boogaerts prépare un retour en France. “C’est très fragilisant et déstabilisant d’être en contact avec deux réalités aussi différentes. Je vais revenir en France parce qu’il y a un point de non-retour, que je ne veux pas passer. Je n’ai pas le projet de m’expatrier à vie et je sens que c’est maintenant qu’il faut rentrer. Je me sens encore éternel touriste, je suis toujours en train d’observer. Ce statut de touriste, c’est marrant mais fatiguant aussi et ça ne peut pas durer”. Espérons que la situation sanitaire nous laissera profiter d’un dernier concert avant le grand départ !