Depuis plusieurs années, elles ont le vent en poupe. Avec le confinement, elles connaissent un véritable engouement. Parmi ces box de fruits et légumes livrées à domicile, Oddbox sauve les fruits et légumes pas beaux mais qui nous mettent les crocs. Aux manettes, la nordiste Émilie Vanpoperinghe et son mari Deepak Ravindran.
Après 5 ans en Inde en contrôle de gestion et comptabilité, Émilie Vanpoperinghe s’installe à Londres en 2009, à la faveur d’une opportunité professionnelle pour son mari. Elle exerce alors ses talents financiers, d’abord chez BT, puis en ONG pour Girl Effect. Dans sa vie quotidienne, cette petite-fille d’agriculteurs du Nord de la France, sensible au gaspillage, est surprise de “trouver des fraises en toutes saisons, [au] goût insipide et emballé[es] dans du plastique”.
Creusant le sujet, elle réalise alors que “30% de ce que nous produisons globalement n’est jamais consommé. 20-40% des fruits et légumes sont rejetés car ils n’adhèrent pas aux critères très stricts des supermarchés (taille, forme ou couleur), ou sont produits en excès”. Cherchant une solution anti gaspi pour se fournir en fruits et légumes, sur le modèle des box livrées à domicile, elle ne trouve rien. “C’était l’opportunité parfaite pour lancer [ce concept] à Londres”. Oddbox prend racine en 2016.
L’entreprise propose aujourd’hui plusieurs tailles et configurations de boites selon les préférences et l’appétit. Cerise sur le gâteau : vous êtes dûment informés des kg de CO2 et litres d’eau eux aussi sauvés du gaspillage. Car gâcher les aliments, c’est aussi gâcher les ressources mobilisées pour leur culture. Un effet collatéral loin d’être insignifiant. “300 litres d’eau, soit l’équivalent de 4 douches sont nécessaires pour faire pousser 1 kilo de pommes de terre”.
Alors que la plupart des associations anti-gâchis interviennent au niveau des grandes surfaces, Oddbox travaille directement avec les cultivateurs. “Nous avons commencé avec juste 2 producteurs et travaillons maintenant avec presque 100, en fonction des types de fruits et légumes et saisons. Cela nous permet variété et volume”. Fidèle à ses valeurs, Oddbox redistribue ses propres surplus à City Harvest et The Felix Project, deux banques alimentaires londoniennes. Démarré avec une mise en boite “faite maison” dans un petit entrepôt, Oddbox se développe rapidement, une vitalité bientôt boostée par le confinement. “La pandémie a accéléré notre [développement] avec 500% de croissance en 2020”.
Les obstacles étaient nombreux. Tout d’abord avec les producteurs, il faut briser la glace : “Les premiers contacts ont été difficiles. Ne connaissant rien à l’industrie des produits frais, nous n’utilisions pas les bons termes, n’avions aucun contact et nos volumes étaient tout petits. Petit à petit, nous nous sommes fait connaitre et avons prouvé qu’il y avait un marché pour les produits de surplus et un vrai engagement de notre communauté”.
Il faut ensuite se former sur le tas, notamment pour faire la promotion du produit. “Au début, c’était décourageant de recevoir des commentaires négatifs”. Challenges logistiques enfin : mi-mars 2020, Oddbox doit fermer temporairement son entrepôt pour revoir son process face à une demande qui explose. À l’évocation des montagnes russes de l’aventure entrepreneuriale, Émilie Vanpoperinghe confie sa fierté d’avoir persévéré. “Nous avons commis beaucoup d’erreurs, mais un élément clé de notre succès a été de ne pas hésiter à revenir sur certaines décisions si nous nous rendions compte que ce n’était plus juste ou viable. À l’heure actuelle, notre principal défi consiste à garantir que notre modèle soit transposable [dans un contexte de croissance rapide]”.
Depuis 2016, l’entreprise de 60 personnes a “sauvé” plus de 5.000.000 kg de fruits et légumes. “En 2021, notre objectif est d’étendre la livraison au reste de l’Angleterre et d’explorer le potentiel d’offrir de nouveaux produits, [par exemple en transformant] une partie de ce surplus en produits de durée de vie plus longue”. Les fondateurs croient aussi au potentiel du concept outre-manche.
Au-delà de la simple croissance économique, ce sont des valeurs qui animent le duo : “Le cœur d’Oddbox est de lutter contre le gaspillage alimentaire, mais l’impact doit être intégré dans le modèle commercial afin qu’il n’y ait pas de dichotomie entre faire le bien pour la planète et faire du bien en tant qu’entreprise. Il est essentiel que l’impact fasse partie du modèle commercial et non pas juste un à-côté positif”. Oddbox a obtenu la certification B Corporation en juin dernier, une reconnaissance pour les entreprises alliant but lucratif et intérêt collectif.