C’est une success story française qui n’en est qu’à ses débuts, si l’on en croit le fondateur des boulangeries Orée à Londres. Trois ans après l’ouverture de la première boutique à Fulham, et malgré l’échec de celle de King’s Road, Laurent d’Orey et sa femme Elizabeth viennent d’ouvrir un nouvel établissement à Covent Garden. Et ce sera loin d’être le dernier, puisqu’un quatrième ouvrira à London Bridge d’ici la fin de l’année, et d’autres sont à venir en 2020.
“Ce n’est pas nous qui décidons de notre succès, mais le client. S’il répond présent, alors ça marche”, résume Laurent d’Orey. Et il sait de quoi il parle. Si sa première boulangerie à Londres installée en 2016 du côté de Fulham a rapidement décollé, sa seconde a été un échec. “On a rapidement cherché un deuxième emplacement mais cela a été difficile à trouver. C’était avant le référendum sur le Brexit, le marché de l’immobilier était saturé de demandes. On a rapidement pris un local à King’s Road”, raconte le Français. Mais le choix n’a pas été le bon puisqu’au bout d’un an, en novembre 2018, la boutique met la clé sous la porte. Mais loin de considérer cette expérience comme un frein au développement de son business, Laurent d’Orey persiste dans son ambition d’installer ses boulangeries Orée dans le paysage londonien.
Car presque simultanément, le chef d’entreprise a ouvert un autre établissement, cette fois-ci sur Kensington High Street, qui a contrario fait le plein de clients. De quoi compenser les pertes de l’autre côté. Après la fermeture de King’s Road, le Français prend le temps de réfléchir à un nouveau projet. Il aura fallu un an pour concrétiser la boulangerie de Covent Garden, après une levée de fonds de £400.000. Le choix est stratégique : le quartier est touristique et à quelques mètres à peine de la Royal Opera House, parfait pour attirer une nouvelle clientèle. Quelques jours après l’ouverture officielle lundi 8 juillet, l’établissement, reconnaissable à sa façade bleu ciel, démarre bien. De quoi donner le sourire à ses propriétaires, Laurent et Elizabeth d’Orey, qui sont déjà en train de finaliser l’ouverture de leur quatrième boulangerie Orée à London Bridge d’ici la fin de cette année.
L’ambition du chef d’entreprise est clair : développer sa marque à travers la capitale anglaise. De nouveaux projets sont déjà en route pour 2020, mais pas question de révéler où seront installées ces futures boulangeries, car il reste encore des détails à conclure. La clé du succès, selon lui, est d’être à l’écoute de ses clients. Par exemple, il s’est adapté aux demandes de petits-déjeuners anglais ou encore végétariens. “Les clients nous emmènent là où ils ont envie”, explique Laurent d’Orey. Mais hors de question de changer l’ADN de l’entreprise. “Il faut trouver un certain équilibre, tout en étant clair dans ce que l’on fait”. Donc inimaginable par exemple de proposer un mix entre boulangerie et restaurant.
Le succès se fonde aussi sur la diversité des boutiques Orée : celles de Fulham et Kensington High Street accueillent une clientèle plutôt locale avec des Français, Francophones, mais aussi Italiens, Espagnols et “bien évidemment” Anglais ; celle de Covent Garden est plus touristique ; et enfin celle de London Bridge vise les clients internationaux et les “commuters”, ceux qui font leur trajet pendulaire en train. “Il se peut même que l’on reçoive le même client dans nos boulangeries, mais à chaque fois il aura des attentes différentes”. A Orée alors de s’adapter et de faire correspondre l’accueil attendu. “Par exemple, à London Bridge, il y aura très peu de places assises car l’objectif est de faire quasiment que du ‘take away’”, détaille le Français, “cela implique donc qu’on ne met pas les mêmes équipes et que l’organisation diffère d’un lieu à l’autre”.
Les équipes, c’est aussi une des raisons de son succès, assure-t-il. “C’est une entreprise avec un esprit familial. Certes il y a des investisseurs et je reste le moteur de la société, mais sans le personnel, on n’arrive à rien. Je suis entouré de gens très compétents et plein de talent, qui se sentent impliqués et que j’implique dans les projets tout en mettant en avant leurs ambitions”.
C’est ainsi qu’il a toujours fonctionné, confie-t-il. Passé par une école de commerce, ancien trader et patron de société entre Paris, Londres, Madrid, Los Angeles et New York, Laurent d’Orey s’est reconverti dans la boulangerie au Portugal. Mais avant de créer Orée, il a d’abord monté avec sa femme une franchise Monceau Fleurs. “J’ai vendu mon entreprise en 2000 à BNP Paribas et là je me suis dit que j’avais envie de faire quelque chose que j’aimais vraiment. Ce que je faisais jusque-là, je le faisais parce que j’étais entré dedans par hasard après mes études”, confie le chef d’entreprise.
Pendant son année sabbatique, il décide de se lancer dans le service au client, dans les métiers de bouche. “C’est un domaine dans lequel les Français excellent du fait de leur culture gastronomique. Même s’il existe déjà de nombreux concepts français à l’international, il y a toujours des opportunités à saisir”. C’est sur Lisbonne que son choix et celui de sa femme se portera pour monter leur affaire. Même si dans l’esprit de Laurent d’Orey, véritable “foodie” comme il l’assure, l’idée de se lancer dans le métier de bouche ne l’a jamais quitté, il prend la décision de réorienter pour un temps son ambition parce que Monceau lui fera une proposition plus rapide que l’enseigne de boulangerie à laquelle il s’intéressait à l’époque.
En 5 ans, il ouvre 17 boutiques dans tout le Portugal. “Entre temps, quelqu’un nous a contacté pour savoir si on souhaitait se lancer dans une franchise de boulangerie”, raconte le Français. Evidemment, répond-t-il. Le couple prend donc la tête d’une enseigne française à Lisbonne. “Mais dès le départ, j’ai dit à mon associé que je ne resterai que trois ans puis que je revendrai mes parts”. Ce que Laurent d’Orey fait. “J’avais envie d’autre chose, de développer ma marque”. Il a déjà en tête Londres, véritable tremplin pour se lancer ensuite à l’international, même s’il sait que la capitale anglaise est ultra-concurrentielle. “Il y a les meilleurs ici, il faut être au niveau dès le départ, sinon on disparaît vite. Mais il y a de la place, les concepts français sont très appréciés”.
C’est donc en 2014, que le couple déménage à Londres. L’ouverture de la première boulangerie prendra du temps, entre trouver l’emplacement, négocier avec le propriétaire, lancer les travaux… “On cherchait un lieu permettant un équilibre entre loyer et surface. Fulham était un quartier intéressant car francophone, bien que notre objectif n’ait jamais été de faire un business pour les Français, mais bien pour les Londoniens de manière générale”. Trois ans après, le chef d’entreprise a donc relevé le challenge. Si le Brexit l’inquiète comme tous les patrons, il reste serein. “On a préparé notre petite stratégie”, qui a consisté en une assise forte avec l’ouverture de quatre boulangeries. “On est une petite entreprise, on ne se prend pas au sérieux mais on essaie de faire les choses comme les grands, à une différence près : on est plus flexibles. Ces derniers mois, notre travail s’est porté sur la structuration d’une entreprise la plus stable financièrement possible afin de pouvoir résister au choc d’un ‘hard brexit’ par exemple”.
Si Orée devait être affectée, “ce ne sera pas sur sa rentabilité”, mais éventuellement sur ses ventes. Quant aux matières premières et au personnel, Laurent d’Orey n’est pas vraiment inquiet. “On importe des matières premières et non pas des produits finis, tout est fait sur place. Par ailleurs, nous avons réussi à construire une vraie relation avec nos équipes, et on fonctionne beaucoup par recommandation”. Reste donc plus qu’à continuer sur cette lancée et à rêver à plus grand comme la mise en place d’une franchise Orée à l’international.